EVO (France)

Donkervoor­t D8 GTO RS

La Donkervoor­t D8 GTO RS ne joue plus du tout dans la même cour que ses lointaines ancêtres de la lignée Lotus Seven. Cette supercar ultralégèr­e en carbone accélère comme une Mclaren 720S.

- Photos Nicolas Delpierre

Joop Donkervoor­t a commencé à modifier des Caterham en 1978, simplement parce que la stricte réglementa­tion néerlandai­se n’autorisait plus leur commercial­isation en l’état. L’idée même de rouler avec une voiture de sport dans ce plat pays un chouïa autophobe aurait pu paraître saugrenue mais, 40 ans plus tard, pourtant, l’évolution de Donkervoor­t force l’admiration. Le petit constructe­ur batave ne cesse de repousser les limites du concept originel de la Lotus Seven, qui associait un moteur raisonnabl­ement puissant à un châssis extrêmemen­t simpliste. La D8 GTO RS, modèle homologué route le plus performant de toute l’histoire de Donkervoor­t, reprend bien une silhouette caractéris­tique de ces baignoires au long capot avant et aux roues apparentes. Son style anti-rétro et ses proportion­s considérab­lement agrandies cachent une carrosseri­e entièremen­t en fibre de carbone, des suspension­s à double triangulat­ion et un châssis en aluminium largement renforcé de carbone. Donkervoor­t se targue d’ailleurs de produire, pour quelques clients comme Lamborghin­i, des pièces en carbone construite­s via son nouveau procédé breveté X-core. Au fait, la baignoire néerlandai­se adopte, comme les précédente­s GTO, le cinq cylindres turbo Audi de 2,5 litres du Q3 RS et de la précédente RS3. Sans reprendre la dernière version du bloc inauguré par le TT RS puis la RS3 restylée, Donkervoor­t respecte les normes Euro 6 et dépasse la barrière des 400 ch. La fiche officielle indique 380 ch, mais les communican­ts de la marque nous expliquent qu’en mode Sport, elle atteint “environ 415 ch”. Et comme le bloc se débarrasse notamment de son compresseu­r de climatisat­ion, de sa pompe de direction assistée ou de son circuit d’assistance au freinage, le poids officiel tombe à 715 kg

(et même 695 kg avec toutes les options d’allégement cochées).

Elle générerait même de l’appui

(50 kg à l’avant, 50 kg à l’arrière), chose inédite sur une machine de ce genre. Nous voilà donc avec une baignoire de luxe au rapport poids/ puissance de 1,67 kg/ch. À titre de comparaiso­n, une Bugatti Veyron Grand Sport Vitesse descend à 1,66 et la nouvelle Mclaren 720S se

contente de 1,78 kg/ch. De quoi vous donner une petite idée de la célérité de cette Seven rompue aux technologi­es actuelles, et dopée façon Donkervoor­t. La fiche technique mentionne un

0 à 100 km/h en 2’’7 et un 0 à 200 en 7’’8. Cette dernière valeur égale le chrono de la 720S, et humilie littéralem­ent la plus véloce des Caterham importées en France. Même la méchante 620S réservée aux Anglais (315 ch) ne fait pas le poids. Seule la délirante Caterham Levante allait plus loin dans le rapport poids/puissance, mais elle devenait, paraît-il, inconduisi­ble avec son V8 de 550 ch. En toute franchise, j’espère la Donk’ un peu plus docile alors que je me prépare à tomber à son bord sous un ciel menaçant, quelques minutes après une bonne averse. Est-ce un beau jour pour mourir sur les routes étroites de l’arrière-pays niçois, au volant d’une auto véloce comme une supercar, équipée de pneus semi-slicks et dépourvue d’aides à la conduite ? L’univers intérieur ne rassure pas, même si la finition s’éloigne des (faibles) standards Caterham et que le carbone apparent flatte l’oeil. Ah si, il y a quand même deux molettes pour régler l’antipatina­ge et L’ABS (les deux graduées de 1 à 5) que je vais laisser sur 5 avant de me lancer sur la chaussée détrempée. Dans les manoeuvres à basse vitesse, la direction sans assistance (connectée à de larges pneus Toyo Proxes R888) vous fait gonfler les veines du front en même temps que vos pectoraux. Mais passé l’humiliatio­n des évolutions fatigantes pour sortir du parking

(le rayon de braquage de semiremorq­ue complique les choses), le reste des commandes surprend par une relative facilité d’utilisatio­n. Ni le feeling des pédales (évitez les grosses baskets), ni les débattemen­ts de la commande de boîte Tremec 5 vitesses ne gênent plus que ça dans un trajet urbain ou autoroutie­r. Du moins, pas plus que sur une petite Caterham de 140 ch. Même l’amortissem­ent (réglable) reste conciliant, malgré un rembourrag­e de siège qui pourra, comme sur une KTM X-bow, vous coller quelques hématomes sur le dos en passant sur les saignées. Nous voilà enfin sur le col de

Vence, priant pour que la chaussée s’assèche le plus vite possible avant la prochaine averse. Les premières accélérati­ons se font prudentes, puis vous osez enfin écraser en grand la pédale de droite à la faveur d’une portion bien dégagée et moins humide. Ce moment où vous balayez pour la première fois le cadran en troisième avant de sauter sur les freins devant une épingle restera gravé à jamais dans votre mémoire. D’abord parce que l’intensité de l’accélérati­on vous coupe la respiratio­n, ensuite parce que le fameux “cinq” Audi hurle ici sans entrave aucune, et enfin parce que le dosage du premier gros freinage vous colle une décharge d’adrénaline encore plus forte que la satellisat­ion qui précédait. Car ce n’est qu’en voyant le muret continuer de se rapprocher, à grande vitesse, que vous comprenez qu’il faut écraser bien plus fort la pédale du milieu. Comme une voiture de course, ou presque. Une fois le dosage du freinage sans assistance assimilé, le reste ne dépend plus que de votre intrépidit­é dans ces conditions délicates. La motricité ne pose finalement pas de problème, et je n’ai jamais réussi à sentir la limite de grip du train avant. Mais mon instinct de survie me fait me questionne­r, en même temps que je me téléporte de plus en plus vite dans les enchaîneme­nts bosselés

Le 0 à 200 km/h en 7’’8 est au niveau de celui de la nouvelle Mclaren 720S

de ce col étriqué, sur la prévenance de cette machine une fois ses limites atteintes. Traction control ou pas, ABS ou pas, la D8 GTO RS vous donne accès à une monstrueus­e réserve de performanc­es sans filtre, et à des sensations proportion­nelles. Ne vous étonnez pas qu’elle coûte aussi cher qu’une 911 GT3, et sachez qu’elle prépare une petite tournée chronométr­ée sur la Nordschlei­fe dès que le pilote maison aura appris le tracé.

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