JEU DE PLATEFORMES (ET DE VÉRITÉ)
Politique de groupe oblige, la Golf GTI TCR cohabite désormais avec deux cousines dans les championnats où elle court. Et plutôt que Volkswagen Motorsport ou Audi Sport, la tâche de leur développement revient en fait à Seat.
Pour quelle raison à votre avis mon collègue Will Beaumont a-t-il dû se rendre près de Barcelone pour essayer la Golf GTI TCR testée dans les pages précédentes ? En vérité, pas seulement pour espérer jouir d’une météo clémente (d’ailleurs transformée en pluie torrentielle pendant sa journée de pilotage). Will a tout simplement oublié de vous dire que cette Golf GTI TCR sortait de l’usine de Seat à Martorell, et plus précisément de son département Seat Sport qui produit également la Seat Leon Cupra Cup Racer et l’audi RS3 LMS. Les trois nouvelles TCR du groupe Volkswagen profitent en effet d’un développement commun, réalisé dans sa quasiintégralité par Seat Sport. La Leon Cup Racer et la Golf GTI TCR coûtent d’ailleurs le même prix, à savoir 90 000 euros avec la boîte DSG et 115 000 euros si vous optez pour la transmission séquentielle Sadev. L’audi, elle, impose une rallonge de 9 000 euros, quelle que soit la boîte choisie, mais possède bien le même groupe motopropulseur et les mêmes suspensions. Les responsables du développement Seat s’étonnent pourtant de constater que, si la Leon revendique 220 exemplaires vendus grâce à une commercialisation antérieure, la toute nouvelle Audi possède déjà 100 clients contre seulement 65 à la Golf. Ah, cette fameuse image de marque qui permet de vendre plus cher un produit à prestations égales… mais si les clients de l’audi s’imaginent sans doute au volant d’une petite R8 LMS GT3, ils piloteront bien une machine mise au point par Seat Sport et équipée de pièces développées par Seat Sport, communes pour l’essentiel à celles de la Golf GTI TCR et de la Leon Cup Racer.
Notez d’ailleurs que de (légères) différences de performances entre les trois autos s’expliquent essentiellement par les spécificités aérodynamiques de leurs bases routières, qui reposent toutes sur la même architecture MQB. L’audi affiche le moins de traînée grâce à sa carrosserie tricorps, la Seat s’en tire correctement grâce à sa silhouette assez fine, mais la Golf accuse un petit déficit en raison de sa forme très carrée. Dans les championnats de catégorie TCR, la RS3 LMS compose donc avec un lest obligatoire de 45 kg, contre seulement 20 à la Leon Cup Racer et zéro à la
Golf GTI TCR, jugée comme la moins performante des trois. D’après le pilote de développement Jordi Gene, les trois autos affichent par ailleurs des différences comportementales sur la piste. La RS3 LMS se montrerait la plus neutre, et la Golf nettement plus encline à balader du train arrière. La Leon, elle, se situerait à mi-chemin entre ses deux cousines en termes d’équilibre châssis.
Comme celle de la Golf GTI TCR, notre prise en main de la Leon Cup Racer se déroule donc sur le circuit de Castelloli près de Barcelone. Et contrairement à Will, je profite d’une météo parfaitement estivale pour découvrir cet engin développant 350 ch pour 1 150 kg, et laisser quelques traces de sueur dans son généreux baquet de course. Si les performances en ligne droite ne défrisent pas beaucoup plus qu’au volant des compactes routières les plus puissantes du marché, les limites d’adhérence en slicks et la puissance de freinage permettraient d’humilier de vraies supercars pendant un track-day. D’après Gene, elle ne rend d’ailleurs que 5 secondes au tour à une 911 GT3 Cup de course sur un circuit classique. Et si le pilote espagnol la décrivait comme moins survireuse que la Golf, elle affiche tout de même une mobilité surprenante lorsque vous commencez à hausser le rythme en piste. Si la poupe volontaire à l’inscription peut dérouter lors des premiers tours, elle se gère naturellement et permet de parfaitement caler l’auto en entrée. Avec un train avant si solidement ventousé au bitume (merci les slicks) et un comportement particulièrement facile à cerner, les vitesses de passage en courbe vous font vite mal au cou. Traction oblige, réaccélérer très tôt implique comme seul impératif de moduler pour veiller à ne pas trop élargir en sortie en raison du patinage. Notez que si la boîte DSG offre heureusement une meilleure réactivité que chez les compactes routières du groupe Volkswagen, elle impose des temps de réponse parfois gênants au rétrogradage. Pour expérimenter la Leon Cup Racer dans de parfaites conditions, il faudra donc opter pour la chère boîte séquentielle (25 000 euros). Avec des changements de rapport “coup de fusil” et une réponse instantanée, elle fonctionne exactement comme la transmission d’une 911 GT3 Cup. Vous vous rêvez pilote de WTCC, arrivez parfois en survitesse, rattrapez quelques dérives et imprimez un rythme physiquement éprouvant, sans jamais vous sentir en danger à la limite. Cette formule TCR ressemble vraiment au paradis des gentlemen drivers. Et pas besoin de coller quatre anneaux à une voiture de course Seat pour prendre son pied.