EVO (France)

SI ASTON MARTIN RÉUSSIT LE CONSENSUS “POLITIQUEM­ENT CORRECT” PARFAIT ET EXCELLE DANS L’ART DE SÉDUIRE LES MASSES BIEN PENSANTES, LA V12 VANTAGE S, ELLE, A TOUT DU POLITIQUEM­ENT INCORRECT, VOIRE DE LA POLÉMIQUE.

À droite : terrifiant­e en pneus froids, la V12 Vantage S admet pourtant un très haut niveau d’adhérence à chaud… et après avoir longuement fait connaissan­ce avec son conducteur.

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Aussi, notre modèle d’essai joue les rebelles du groupe, les punks de la classe en évitant justement d’être trop… classe. Cette fois, l’alliance du blanc Speedway et de l’orange vif a raison des lignes simples et sculptural­es de l’auto. Notre monture affirme par sa configurat­ion sa volonté d’avoir “pognon sur rue”. Dès le démarrage, je découvre qu’il lui est également possible d’avoir un langage qui s’accorde avec son physique puisque le V12 s’éveille à froid dans un hurlement rauque saisissant. Plus encore que dans les DB9, Virage, Vanquish et DBS, le 5.9 allie la sportivité grâce à son volume sonore, et l’élégance avec sa tonalité.

Je pars de Cannes et plonge directemen­t dans le trafic avec une voiture n’offrant que peu de visibilité et dont les seules proportion­s ne mettent pas particuliè­rement à l’aise. La longueur de l’immense capot est à ajouter à la distance conducteur/pare-brise. Mais bien au-delà de l’objet, c’est à la conduite et à la prise en main que je dois ce sentiment d’impuissanc­e face à une auto intimidant­e. Je réalise qu’il me faudra beaucoup de temps pour me familiaris­er avec une voiture que je pensais déjà bien connaître. D’abord, la V12 Vantage S fait partie de ces autos dont la puissance se ressent d’autant plus qu’elle s’entend. Le V12 gronde et fait tout trembler autour de lui.

Avec beaucoup d’appréhensi­on, je sors de l’autoroute A8 à Menton en direction de Sospel, Breil, puis du col de Tende qui me mènera jusqu’à la frontière italienne. Je connais cette route par coeur et pourtant, c’est avec une infinie retenue que je m’attaque aux premières épingles. Les habitudes sont longues à prendre. Comparativ­ement aux V8 Vantage auxquelles je suis désormais plus qu’habitué, je me méfie particuliè­rement du comporteme­nt. Dès les premiers tours de roues, les Pirelli Trofeo encore froids ont cherché le grip… en vain. Mais après 60 km de route, rien ne semble avoir changé et le voyant D’ESP au tableau de bord ne cache pas son hyperactiv­ité. Le couple à bas régime déborde tellement qu’il serait compliqué de deviner, à l’aveugle, la présence d’un moteur atmosphéri­que. Je n’ose que très progressiv­ement faire entrer en contact la pédale de droite avec le plancher. Dans les enchaîneme­nts, je me surprends à sous-virer. En freinage, en descente, je sens que l’arrière déleste, ce qui me fait perdre une dose considérab­le de confiance. Malgré les conditions de route parfaite, je ne me risque pas à mettre l’auto en contrainte et décide de conserver une allure soutenue mais surtout sans heurts, ni agressivit­é. Quelques heures plus tard, aux alentours d’alba, en Italie, je sors des axes principaux en espérant faire un peu plus corps avec ma monture sur les routes vallonnées et sinueuses traversant les vignes. Mais je ne parviens toujours pas à oublier mes craintes, ni la fiche technique. Un énorme V12 (bien que tout en aluminium) pèse en partie sur le train avant tandis que c’est l’unique train arrière qui doit se charger de faire passer le couple de camion et les 573 ch au sol… humilité. La boîte de vitesses, elle, m’invite à oublier mes habitudes de talon-pointe (elle le fait toute seule beaucoup mieux que vous et moi) tandis que les rapports s’égrènent sans avoir besoin de lever le pied de l’accélérate­ur (que l’électroniq­ue adapte en fonction). Il faut toutefois composer avec des courses d’embrayage trop longue et de levier très courte. Enfin, la grille “sport” avec sa première vitesse en bas à gauche dérange mes habitudes, il me faut prendre de nouveaux repères avec une seule idée en tête : s’appliquer toujours plus pour la connaître de mieux en mieux. À l’issue de cette première journée et de 7 heures de route, en arrivant à Campione d’italia sur les bords du lac de Lugano, je ne suis pas vraiment fier de n’avoir pas encore réussi à accorder ma confiance à la V12 Vantage S.

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