LA TOUCHE MURRAY
Peu savent aussi bien que Gordon Murray créer d’authentiques sportives entièrement vouées à la satisfaction de leur pilote. Lui et son entreprise GMD furent des acteurs majeurs dans la conception de cette toute nouvelle TVR. Il nous explique comment il a
GORDON MURRAY NE VOIT PAS LES CHOSES COMME VOUS ET MOI. Nous pensions volontiers qu’une nouvelle TVR allait devoir faire face à une concurrence bien plus importante et affûtée que ça n’était le cas pour les Griffith et Chimaera dans les années 90 mais en fait non…
« TVR s’est toujours tenu à l’écart de la foule, lance Gordon Murray. Ce sont des voitures excitantes. De nos jours, il est encore plus facile de faire différent. Les sportives modernes sont bardées de systèmes compliqués, de KERS, d’hybridations, d’électronique intrusive. Cette nouvelle TVR est pour moi une des dernières occasions de créer une vraie sportive. Nous ne nous serions pas engagés dans le projet sans avoir la même vision avec Les Edgard et son équipe.
Notre but initial fut de conserver tous les atouts de TVR et de gommer tous ses défauts. La plupart des connaisseurs et des propriétaires de TVR savent de quoi je parle. Tout en haut de la liste des défauts, il y avait l’ergonomie. Nous avions dans nos locaux la quasi-totalité des anciennes TVR. Nous les avons conduites, mesurées, évaluées, toutes offraient une ergonomie affreuse, cela n’avait pas de sens et réduisait le plaisir d’utilisation de l’auto. TVR souhaitait que sa nouvelle auto soit utilisable au quotidien.
Lors de ma période Mclaren, nous avons passé plusieurs années à essayer de régler la tenue de route de la TVR Griffith d’un ami et nous n’avons jamais réussi à obtenir quelque chose de satisfaisant. Les TVR sont instables en ligne droite, en fait le châssis est si peu rigide que quoi que vous fassiez, cela n’a aucun effet. Nous avons tout changé, amortisseurs, ressorts et rien n’a fonctionné.
«CETTE NOUVELLE TVR EST POUR MOI UNE DES DERNIÈRES OCCASIONS DE CRÉER UNE VRAIE SPORTIVE »
Pour le développement de la Mclaren SLR, nous avions plusieurs Chimaera qui nous servaient de mulets. J’avais donc une bonne connaissance des produits de la marque.
L’intérêt de notre concept istream tient dans la construction en nid-d’abeilles et du procédé de fabrication que nous avons développé. La plupart des autos utilisent la fibre de carbone comme une structure monolithique et solide, ou bien comme pour la i8 avec des injections de plastique (CFRP). Les voitures de course modernes, F1 comprises, utilisent des feuilles d’un matériau constitué d’un nid-d’abeilles en aluminium coincé entre deux feuilles de composite carbone. C’est incroyablement rigide et solide. Le problème est que ce matériau réclame beaucoup de temps et d’argent pour être produit.
Cela prend environ 5 heures pour produire une feuille, puis nous pouvons faire un panneau en moins de deux minutes. Le collage des panneaux prend également beaucoup de temps. Nous avons aussi besoin de créer 140 points d’attache sur la voiture pour fixer la colonne de direction, les ceintures de sécurité, les sièges, la suspension, etc. En F1, ils sont moulés en aluminium mais, avec notre procédé istream, nous utilisons un cadre en acier relié aux panneaux en composite. Le nid-d’abeilles aluminium est très cher, nous préférons donc utiliser du papier recyclé. C’est quasiment aussi efficace et considérablement moins coûteux.
Au tout début du projet, nous étions concentrés sur l’utilisation de composites thermoplastiques comme sur notre citycar Yamaha. Puis TVR a annoncé vouloir proposer au lancement, une version utilisant la fibre de carbone. Du coup, notre coopération avec TVR risquait de prendre fin mais, en décembre l’an dernier, nous avons développé notre procédé istream Carbon pour la sportive sur laquelle nous travaillons avec Yamaha. Tout cela a changé la donne, et désormais, l’édition de lancement
des autos pour l’europe aura un châssis utilisant notre technologie istream Carbon.
Tout ce que j’ai eu besoin de savoir sur les voitures de route, je l’ai appris en construisant, tout jeune, ma propre voiture en Afrique du Sud, puis en utilisant ma Lotus Elan une fois débarqué au Royaume-uni. Tout ce que j’ai fait depuis, de la F1 et la LCC Rocket (cf. 105) jusqu’à evo mes derniers projets n’a été que mise en application de ces leçons.
La Mercedes SLR Mclaren sur laquelle j’ai travaillé fut la première sportive à moteur avant équipée d’un soubassement aérodynamiquement étudié. La TVR sera la seconde. Comme la SLR, elle possédera également des échappements latéraux afin de ne pas parasiter l’effet du fond plat. Le V8 Ford revu par Cosworth sera quant à lui atmosphérique, ce qui est de plus en plus rare. Grâce au carter sec qu’ils ont développé, nous avons pu le positionner plus bas dans le châssis. En plus du poids contenu, nous aurons aussi un centre de gravité extrêmement bas. Et à la différence des sportives modernes (et de ce qu’affirment leurs constructeurs), notre ESP sera véritablement déconnectable.
TVR a toujours impressionné avec ses intérieurs excentriques totalement exclusifs. Ce sera la même chose avec la nouvelle TVR à la différence près que cette foisci tout sera fiable. Il faudra pour cela que nous soyons rigoureux et que chaque voiture soit construite selon un processus maîtrisé et identique. » Je fais entière confiance en Gordon Murray pour nous proposer une auto légère, simple et parfaitement calibrée. La question est de savoir si lui et son équipe composée de gens extrêmement talentueux et expérimentés seront impliqués également dans le développement et la production. TVR est une marque reconnue mais démarrer d’une feuille blanche ce type d’aventure est un pari risqué. Il faut donc espérer maintenant que le volet financier est aussi bien ficelé que celui de la conception de l’auto afin que commence sereinement et dans les meilleures conditions la production puis la livraison des premières autos.