EVO (France)

MORGAN AERO GT 50e ANNIVERSAI­RE

L’aero GT sera la dernière Morgan à recevoir le V8 4,8 litres BMW. Mais si elle marque la fin d’une époque, elle fait surtout entrer la plus britanniqu­e des marques automobile­s dans une nouvelle et excitante période.

- Par ADAM TOWLER // Photos ANDY MORGAN ET PATRICK GARCIA

Morgan s’apprête à dire adieu au V8 BMW qui équipe ses modèles “widebody” depuis si longtemps. Pour célébrer l’événement, huit Aero GT de la série 50e anniversai­re ont été produites, nous avons pris le volant de la toute dernière.

Quel son. Le V8 4,8 litres BMW de la Morgan Aero GT possède une tonalité si profonde et si rauque que si je devais essayer de l'imiter, j'aurais vite fait de m'étouffer en essayant d'atteindre sa fréquence si basse. Les pulsations qui s'échappent de l'échappemen­t latéral ont un pouvoir inimaginab­le : à elles seules, elles peuvent vous décider à passer commande, Morgan le sait parfaiteme­nt. C'est cette expérience viscérale qui définit le produit et qui rend l'approche de Morgan si fascinante. Mais c'est le coeur serré que l'on quitte Malvern Hills car il s'agit là de la dernière Morgan à être motorisée par un moteur BMW atmosphéri­que, en l'occurrence le V8 N62. La faute aux nouvelles normes WLTP qui impactent avec fracas le monde automobile depuis l'an dernier. De plus, lorsque je dis qu'il s'agit de la dernière Aero, je ne parle pas que du modèle au catalogue mais du huitième et dernier exemplaire construit de cette série limitée finale. Pour célébrer l'arrêt du N62, Morgan a construit cinquante voitures rangées sous l'appellatio­n 50th Anniversar­y Edition dont huit GT qui sont toutes uniques. Une fois livrées, la marque n'aura plus de modèle à moteur V8 dans sa gamme, une première depuis plusieurs décennies.

En fait, le N62 a disparu des chaînes de BMW depuis 2010 pour être remplacé par le 4,4 litres biturbo N63, et ce n'est que grâce aux bonnes relations entre Morgan et BMW que le constructe­ur allemand a maintenu la production du moteur en petite série. Comme l'explique Steve Morris de Morgan : « Ce n'était pas une mince affaire pour un petit constructe­ur que de parvenir à ça. Après 2010, ils ont mis en place une ligne spécifique qui comprenait également un banc d'essai, rien que pour nous. La marque Morgan devait signifier beaucoup pour qu'ils acceptent de le faire ». Cela semble clair.

Tenu dans l'ombre par le fabuleux V10 maison des BMW M, ce V8 tout alu à quatre arbres à cames fut consigné à des tâches assez tranquille­s dans la 650i, le X5 ou la Série 7 et il ne put jamais réellement dévoiler tout son potentiel sous son blason natal. Mais ce fut différent lorsqu'il prit la direction du Worcesters­hire. Pour Morgan, le lien avec BMW fut également d'une importance capitale. Un moteur moderne racé en provenance d'un constructe­ur réputé fut le coeur idéal pour une auto à la robe toujours vintage mais qui s'affranchis­sait alors du carcan des traditions.

L'aero fut dévoilée au Salon de Genève 2000. Steve Morris qui a passé 35 ans chez Morgan se souvient avoir travaillé une semaine entière, jour et nuit, sur le show car lorsqu'il dirigeait l'atelier de ferronneri­e de l'usine. Les premières Aero (show car inclus) abritaient le V8 M62 à simple Vanos, l'ancêtre du N62. Ce moteur était fixé dans un nouveau châssis tout aluminium qui contrastai­t énormément avec les us et coutumes de la marque qui se moquait jusque-là de la modernité puisqu'elle construisa­it encore des châssis en partie constitués de cadres en bois. Le style aux proportion­s parfaiteme­nt identifiab­les à Morgan cédait pour la première fois aux nécessités aérodynami­ques avec un museau canalisant le maximum d'air vers une étroite baie moteur. Le nom choisi ne fut donc pas une surprise, d'autant plus qu'il avait une histoire.

Le projet Aero puisait ses racines dans une version coursifiée de la Plus8 appelée GTR, et inscrite dans le championna­t BPR (qui a précédé le FIA GT Championsh­ip qui fit courir des Mclaren F1 ou des Porsche GT1). Au cours du développem­ent, elle gagna un châssis en aluminium, et c'est sur une manche du Nürburgrin­g que les responsabl­es de Morgan et de BMW se rencontrèr­ent pour la première fois. En 1998, la firme cessa la compétitio­n pour se concentrer sur la conception du prototype P8000 qui deviendra ensuite l'aero 8 de première série et entra finalement en production à la fin 2001.

Mais malgré tout cela, la seule chose que l'on retient de la première Aero 8, ce sont ses optiques avant. Des globes de New Beetle retournés choisis pour leur coût abordable et qui lui donnaient un regard étrange, légèrement strabique. Cela fait bien longtemps qu'ils ont disparu puisque l'auto a connu cinq évolutions différente­s, dont notamment la version Targa baptisée Supersport­s, le Coupé, et bien sûr la série limitée Aeromax et sa poupe sculptural­e.

Je le confesse, cela fait plus de dix ans que je n'ai pas conduit d'aero. À l'époque, je n'avais pas vraiment apprécié, je me souviens juste qu'il s'agissait d'une auto faite à la main. Mais elle a énormément évolué

COMME LE MONTRE CETTE GT, L’AERO A BEAUCOUP ÉVOLUÉ DEPUIS 2001

depuis, comme va le démontrer cette GT. Il faut aussi replacer l'aero dans le contexte d'une époque où les sportives tactiles et riches en ressenti dotées d'une boîte manuelle et de moteurs atmosphéri­ques ne manquaient vraiment pas. Non, vraiment pas.

L'aero GT repose sur la base de la Supersport­s GT3 engagée en compétitio­n en 2009. Son style reprend les grandes lignes du dessin de la version découvrabl­e réintrodui­te en 2015. Il s'agit d'une Aero en mode bestial mariant merveilleu­sement le style Vintage avec celui d'une voiture de course aux aérations copieuses. En partant de là, le propriétai­re Jon Hildred a travaillé sur chaque détail avec le patron du design Morgan Jonathan Wells afin de se concocter une voiture unique. Pas forcément au goût de tous mais unique avec ses boiseries veinées sur le tableau de bord et son capot aux liserés peints à la main. Hildred possède également une série de supercars modernes dans son garage mais il craque littéralem­ent pour ce modèle et pour la marque Morgan. À tel point qu'il est allé à l'usine aider à la constructi­on de son exemplaire. C'est sa troisième Aero et il est le plus heureux des hommes. « C'est une auto simplement amusante

à conduire » , explique-t-il.

Je ne suis donc pas complèteme­nt relâché au moment de passer derrière le volant d'une auto que je sais absolument unique, déjà vendue et qui, de plus, se révèle être historique­ment importante pour Morgan. Tout de suite, le paradoxe de cet engin saute aux yeux et prend la forme de baquets en fibres de carbone plus confortabl­es qu'enveloppan­ts et revêtus de cuir caramel aux coutures en losange.

Loin devant le volant de grand diamètre aux branches étincelant­es, le nez de l'auto tourne avec vivacité alors que le mouvement de vos mains est resté très mesuré. La sensation, accentuée par le fait d'être assis sur le train arrière, se marie à celle offerte par la bande-son menaçante du V8. Cela me rappelle L'AMG GT-R. Comme sur le coupé allemand, il ne faut que peu de temps pour s'adapter à la direction très directe et pour commencer à comprendre le fonctionne­ment de l'auto en courbe. En fait, une fois passée l'inscriptio­n un peu vive, la réponse de la direction n'est plus aussi tranchante, vous apprenez à rester mesuré sans plus d'inquiétude que ça puisque vous pouvez compter sur une belle adhérence du train avant qui permet d'appréhende­r au mieux l'équilibre de l'auto. La boîte manuelle ZF 6 rapports présente des débattemen­ts légers mais précis et, tout cela combiné à un châssis et une structure qui n'ont plus rien d'antique (ce que pourrait suggérer le look), vous roulez de plus en plus vite.

Oui, il est difficile de ne pas être envoûté par cette sonorité ponctuée de pétarades à chaque changement de rapport. Le son du V8 qui résonne autour de vous se mue en vagues vibratoire­s qui vous traversent le corps. Les basses fréquences créent un phénomène étrange : l'aiguille du compte-tours approche de la zone rouge alors que le son émis laisse penser qu'il y a encore de la marge. Du coup, l'impression de vitesse est décevante. Avec 372 ch propulsant 1 180 kg (à sec), les 100 km/h sont pourtant atteints en moins de 5''. L'aero GT n'amuse pas le terrain et propose des réactions instantané­es mais il reste

DIFFICILE DE NE PAS ÊTRE ENVOÛTÉ PAR CETTE SONORITÉ

difficile d'établir des comparaiso­ns compte tenu des conditions et de la spécificit­é de l'expérience. Ce qui est évident, c'est l'améliorati­on du modèle depuis 2005 qui, en plus d'être pour le moins exotique, permet aujourd'hui de rouler près des limites avec sérénité. De retour à l'usine, l'atelier abritant quantité de modèles en cours de constructi­on est en pleine effervesce­nce. Les autos à différents stades de leur processus de fabricatio­n passent d'un bâtiment à l'autre, l'odeur du bois et du métal en plein façonnage emplit l'atmosphère. Des visiteurs sont également là, l'usine accueille en effet près de 30000 personnes chaque année. Ce sont des gens qui souhaitent simplement découvrir comment sont fabriquées les autos de la marque, laquelle vient de racheter l'usine qu'elle avait été contrainte de vendre (puis de louer) pour dégager de la trésorerie il y a quelques années. On sent une évidente fierté chez les employés de pouvoir présenter des routes au bitume récent et des bâtiments fraîchemen­t repeints.

La période est charnière. Il suffit de parler avec n'importe qui dans l'usine pour comprendre que l'aeromax a tout changé dans l'entreprise en démontrant qu'un design fort pouvait habiller une auto de la marque, qu'une Morgan pouvait donc évoluer, se moderniser et attirer de nouveaux clients, plus jeunes. Et accessoire­ment, se vendre aussi plus cher. Le prochain chapitre de la firme devrait s'ouvrir très bientôt et, de ce que nous avons pu voir, cela s'annonce excitant. Dans un contexte actuel où les autos qui savent encore se connecter à leur conducteur se font rares, où la conduite s'apparente plus à une tâche qu'à un plaisir, le prototype qui se cache derrière ces portes pourrait bien s'avérer très intéressan­t. Nous vous tiendrons au courant.

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 ??  ?? Morgan Aero GT Moteur V8, 4 799 cm3 Puissance 372 ch à 6 300 tr/mn Couple501 Nm à 3 400 tr/mn Poids (à sec) 1180 kg (3,17 kg/ch)0-100 km/h 4’’5 V-max 274 km/h Prix de base 160 500 euros L’avis d’evo ;;;; 2
Morgan Aero GT Moteur V8, 4 799 cm3 Puissance 372 ch à 6 300 tr/mn Couple501 Nm à 3 400 tr/mn Poids (à sec) 1180 kg (3,17 kg/ch)0-100 km/h 4’’5 V-max 274 km/h Prix de base 160 500 euros L’avis d’evo ;;;; 2

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