2003 NOBLE M12 GTO-3R
Même une rencontre compliquée avec la police italienne n’a pu gâcher le plaisir de conduire la redoutable Noble pour Jethro Bovingdon.
Page opposée : le V6 3 litres de la Noble ne produit que 356 ch mais il n’a que 1 080 kg à pousser. Suffisant pour atteindre les 273 km/h revendiqués en pointe, comme Jethro Bovingdon a pu le vérifier sur le chemin du retour.
Les sirènes résonnaient contre les montagnes surplombant la vallée. Deux voitures de police se positionnaient déjà au sommet du col et quatre officiers scrutaient nos voitures de l'élection. Harry Metcalfe tentait lui de calmer la situation. Quatre autres voitures de police arrivèrent un peu plus tard, la situation tournait au vinaigre. Les choses avaient pourtant bien débuté dans cette édition 2003 qui se tenait pour la première fois dans deux cadres différents : l'ecosse d'abord, où à partir d'un groupe de onze autos, il nous fallait sélectionner les trois meilleures pour rejoindre le reste de l'équipe en Italie. La Subaru Impreza STI Spec C modifiée par Lichfield dominait ce trio constitué également de l'opel Speedster Turbo et de la Renault Clio V6. Il se retrouvait ensuite confronté à des bêtes comme la Ferrari 360 Stradale, la Lamborghini Gallardo, la Porsche 996 GT3 Phase 2, la M3 CSL, la Noble M12 GTO-3R, la Bentley Continental GT et le Porsche Cayenne Turbo. Plaignezvous à Harry pour le choix de ce dernier invité incongru. Tout se passait parfaitement dans cette organisation coûteuse et ambitieuse. La route SS63 entre Aulla et Cerreto représentait un cadre d'essai somptueux, et Marco Della Monica, d'evo Italie, nous servait de guide et de traducteur. Quant à la belle diversité du plateau, elle n'empêchait pas les autos d'afficher de sacrés caractères. Pour moi, la Noble se distinguait. Extraordinairement légère, précise, forte d'un comportement imperturbable, parfaitement amortie, elle donnait l'impression que l'on pilotait une vraie voiture de course. Croyez-moi, elle marchait vraiment fort. Je n'arrive toujours pas à croire que son V6 biturbo de 3,0 litres ne développait que 356 ch et 475 Nm. Mais avec seulement 1 080 kg sur la balance, cela pouvait s'expliquer. Et cela suffisait pour inquiéter la Ferrari de 425 ch ou la Lamborghini et son gros V10 de 5,0 litres.
Elle possédait bien évidemment de gros défauts : essentiellement un intérieur catastrophique, doté de sièges inconfortables et d'une commande de boîte mal placée à la précision médiocre. Mais j'adorais sa façon de vous asseoir à seulement quelques millimètres du sol ou son appétit à dévorer la route, enhardie de ses turbos violents et de sa zone rouge addictive. Sa suspension remarquable encaissait absolument tout, même lorsque la Porsche commençait à galérer. Le tout avec une agilité et un grip du train avant jamais pris en défaut. Personne ne connaît le terme “inertie” chez Lee Noble.
Elle fut malheureusement accidentée pendant l'élection par l'un des accompagnants de la Subaru. À la faveur d'une descente musclée, ils auraient rencontré un conducteur de camionnette ivre roulant au milieu de la route. Vous savez, ce genre de camionnette dont on ne retrouve ensuite jamais la trace, et qui n'a rien à voir avec le fait d'avoir succombé aux sirènes d'une machine vous incitant en permanence à pousser plus fort… Elle put malgré tout continuer de rouler après l'application de quelques morceaux de gaffeur à des endroits stratégiques. Ouf.
Le dernier jour, nous passions de la SS63 à une route plus large et rapide près de Gènes. Un tracé naturellement conçu pour la Noble qui, je le pensais, pouvait carrément remporter l'élection. Chaque conducteur descendant de la machine (avec un dos souffrant) paraissait choqué. La Noble tournait autour de la Ferrari et de la Lamborghini ! Comme le dit John Barker après une colossale montée de col à son volant: « Elle ressemble, à sa façon, à une Pagani Zonda, une voiture venue de nulle part qui surprend tout le monde ». Pour Richard Meaden, il s'agissait de « la voiture de journaliste
ultime » : un engin génial à conduire, mais pas au point d'imaginer dépenser autant d'argent pour s'en acheter une dans la vraie vie.
Moi, je m'en fiche. Elle me grisait cette auto. D'ailleurs, elle ne cessait de rouler le dernier jour avant l'arrivée de la police.
Les officiers voulaient vérifier beaucoup de papiers que nous n'avions pas. Il ne s'agissait clairement pas des policiers les plus intelligents du pays, et ils nous affirmaient qu'un camion allait arriver pour confisquer toutes les autos. Une menace en l'air probablement, mais suffisamment sérieuse pour que nous effacions préventivement nos vidéos des voitures en glisse sur la route (alors qu'il nous restait à faire la grande photo d'ouverture). Par ailleurs, nous avions enfin trouvé une utilité au Cayenne Turbo puisqu'il se révélait être l'outil idéal pour filmer les autres autos.
À la fin, les policiers voulurent nous faire payer 1000 euros par voiture. Somme que Marco réussira à réduire à 233 euros au total, soit tout le liquide qu'il nous restait à ce moment-là. Ah oui, les policiers voulaient aussi quelques tours dans la Ferrari. Clairement, ils avaient leur préférence dans l'élection.
La Noble, elle, ne termina que cinquième. Quelle injustice pour une machine qui laisse de si bons souvenirs. Si Marco n'avait donné le score maximum à la Ferrari (ces Italiens…), elle aurait pu terminer deuxième derrière la GT3. Un record pour l'une des autos les moins “Harry compatibles” de toute l'histoire d'evo. Marco attribuait 100 points à la Ferrari, carrément. Comme il nous a permis d'économiser 10 000 euros, on l'a laissé faire. Pour rentrer en Angleterre, je grimpai dans la Noble. Sur une portion bien droite d'autoroute, je laissai le groupe partir devant. J'accélérai ensuite en grand, atteignant 270 km/h au moment de piler pour éviter de percuter l'opel Speedster. Son conducteur a eu un peu peur, mais le scotch sur la Noble a tenu.
TOUS CEUX QUI L’ONT CONDUITE EN SONT SORTIS CHOQUÉS