RENAULT MÉGANE R.S. TROPHY
La version Trophy de la Mégane R.S. apporte des améliorations mécaniques et comportementales. Suffisant pour en faire une sportive géniale?
On commence à connaître le plan de carrière classique d’une Mégane R.S.: elle débute généralement par une version de lancement intéressante mais perfectible, elle reçoit ensuite des variantes améliorées, pour finir avec une ultime mouture absolument géniale. Dans le cas de la quatrième génération, il semble bien que ce schéma se répète. Après une R.S. 280 décevante sur certains points et une version Cup à peine meilleure, voilà enfin la Trophy qui doit sérieusement élever le niveau de jeu avant que ce modèle termine en apothéose avec une version plus radicale. À moins qu’il s’agisse d’une déception dans la lignée de la Clio R.S. actuelle?
Nous voilà donc à Estoril pour vérifier ça.
Et les premières observations sur cette nouvelle Mégane R.S. Trophy ne vont pas dans le bon sens. Scrutée dans le détail, elle ne ressemble pas à la version profondément remaniée que nous attendions. En fait, elle se présente plutôt comme une Mégane R.S. standard équipée de toutes les options du catalogue. On ne découvre qu’un set de nouveaux pneus Bridgestone au profil plus agressif et un petit gain de puissance. D’ailleurs, elle ne fait pas beaucoup d’efforts pour se différencier. Mis à part les jantes en aluminium inédites et une inscription “Trophy” sur la lame du bouclier avant, la Mégane R.S. la plus puissante de l’histoire joue les discrètes. Y compris à l’intérieur, où seuls les baquets Recaro spécifiques (garnis d’alcantara) changent par rapport au modèle de base. Notez qu’ils offrent un excellent niveau de confort, et qu’ils se positionneraient 20 mm plus bas que les autres sièges. Le quatre cylindres 1,8 l ne change pas mais il reçoit une cartographie et un échappement à clapets actifs. Pour encaisser la puissance supplémentaire, il profite aussi d’un nouveau turbo capable de supporter des rotations de 200 000 tr/mn grâce à des roulements à billes en céramique. De quoi gagner
20 ch (300 ch au total) et 10 Nm (400 Nm). Si vous remplacez la boîte manuelle 6 vitesses de série par la transmission EDC à double embrayage plus costaude (ce que l’on déconseille), le couple grimpe même à 420 Nm. Quelle que soit la boîte, le train avant dispose d’un différentiel à glissement limité Torsen (disponible seulement en option sur la 280 à boîte manuelle). Pour tout le reste, c’est surtout du châssis Cup réchauffé. Vous retrouvez donc la suspension raffermie (respectivement de 25, 30 et 10 % pour les amortisseurs, ressorts et barres antiroulis), tout comme les disques de frein composites (acier et aluminium) garantissant en théorie une meilleure résistance au fading (et un gain de poids de 1,8 kg à chaque roue).
Les fameuses butées hydrauliques, rendant
inutile le recours à un système piloté (d’après Renault), restent également de la partie.
Les roues arrière directrices, elles, ne bougent pas. Et comme on parle ici du point sensible de la Mégane R.S. 280, j’ai bien peur de retrouver cette étrange sensation d’agilité artificielle qui tranche avec le comportement merveilleux des précédentes générations. La Trophy va-t-elle rectifier le tir?
Assez de questions, place aux réponses. D’abord sur le circuit d’estoril, aux commandes d’une Trophy disposant des jantes “Fuji” optionnelles. Elles présentent les mêmes dimensions que les roues de série (19 pouces) mais économisent 2 kg par unité. Elles chaussent par ailleurs des Bridgestone S007 au profil semi-slick. Après ça, je prendrai la route avec les jantes de série et des pneus Bridgestone S001 au typage moins radical. Le revêtement du circuit brille encore d’une récente averse, mais les douces températures le font sécher rapidement. Je démarre en mode Sport, ce qui améliore la réponse moteur, ouvre le clapet de l’échappement autour des 4 000 tr/mn et rajoute une consistance bienvenue à la direction par ailleurs pauvre en ressenti. En piste, le surplus de puissance ne change pas grand-chose. Il y a peut-être un peu plus de vigueur à mi-régime, mais le chrono du 0 à 100 officiel de Renault (5’’7 au lieu de 5’’8) confirme la faible progression des performances. La sonorité, en revanche, flatte davantage avec une tonalité d’échappement plus présente et des pétarades stimulantes au lever de pied.
Activez le mode Race (qui supprime L’ESP et libère complètement l’échappement), et la Renault devient vraiment très mobile. Trop, au premier abord. Comme précédemment, les roues arrière directrices tournent jusqu’à 2,7 degrés dans la direction opposée aux roues avant à basse vitesse, et jusqu’à 1 degré dans la même direction à haute vitesse. Normalement le changement de sens intervient à 60 km/h mais en Race, il se décale à 100 km/h ce qui crée une
Si elle suit le plan habituel, la Mégane R.S. Trophy devrait impressionner
sensation d’hyper-agilité : le train arrière gigote à la moindre impulsion au volant.
Sur le mouillé, vous pouvez carrément survirer de l’inscription jusqu’à la sortie d’une courbe, avec une transition délicate à appréhender entre le grip et la glisse (il faut beaucoup travailler au volant pour rester sur la piste). Le châssis n’aide pas vraiment: parfois, vous ne savez plus trop si la glisse provient des roues arrière directrices ou des pneus arrivant à leur limite d’adhérence. Modérer vos impulsions permet de garder la Mégane en ligne, mais il faudra vraiment attendre les derniers tours sur une piste enfin sèche pour que je prenne mes marques.
Avec les Bridgestone semi-slicks portés à bonne température, l’efficacité des roues arrière directrices se ressent davantage.
Je ne parlerais pas de perfection, car je sens toujours le train arrière réagir un battement de cils après l’impulsion au volant. Mais la capacité de la Trophy à claquer un temps ne fait plus aucun doute. Désormais la Renault s’accroche avec force, tranchant les virages à haute vitesse, le train avant bloqué sur la trajectoire choisie même lorsque vous accélérez en grand. Une fois le mode d’emploi de cette auto compris, elle pivote autour du point de corde et le rythme devient réellement soutenu. Les freins marchent eux aussi très bien, avec une pédale ferme et une excellente puissance d’arrêt. Ils grognent un peu à chaque fin de session, mais je ne note ni vibrations ni perte d’efficacité.
Sur la route, la Trophy rappelle le comportement de la 280 équipée du châssis Cup (en boîte manuelle et pourvue de toutes les options). Il y a toujours ce moteur plus vigoureux à mi-régime et cette sonorité plus présente, mais elle demeure identique à la 280 Cup sur tous les autres points.
Bien, donc, mais pas parfaite. Du côté des qualités, les effets induits par les roues arrière directrices fonctionnement mieux sur route que sur circuit, particulièrement dans les épingles en première et seconde où le sousvirage se neutralise sans problème. Et comme vous n’atteignez que rarement la limite de
Vous sentez que cette auto possède le potentiel pour devenir brillante
grip, vous prenez confiance: la poupe reste collée au sol au lieu de vous envoyer dans le décor. La Trophy jouit par ailleurs d’un excellent confort d’amortissement, ferme sans vous secouer lors des passages les plus délicats. Mais cette sensation déroutante de piloter une machine artificiellement dynamique ne vous quitte jamais.
Plutôt que le naturel et le pilotage à l’instinct, elle donne dans la réalité augmentée. Porsche a prouvé que cette technologie des roues arrière directrices pouvait se fondre parfaitement dans le comportement dynamique d’une voiture de sport. Il s’agit probablement d’une question de réglages à peaufiner, car vous sentez bien que cette auto possède de quoi devenir vraiment brillante.
Attendons donc de voir ce que donnera la version “R” plus radicale pour constater si la courbe de progression pointe enfin vers le sommet.