LAMBORGHINI HURACÁN EVO
Avec 4 roues directrices et un système de vectorisation du couple, la Huracán Evo est-elle une entrée de gamme Lamborghini qui satisfera le pilote qui en prend les commandes?
Les ingénieurs de Lamborghini n’ont pas simplement dépoussiéré la Huracán, ils en ont fait un monstre qui se hisse au niveau de l’extraordinaire Performante! Premier essai, premiers frissons.
L'arrivée d'une sportive à moteur central est toujours une bonne nouvelle, attendue aussi bien par les potentiels futurs acheteurs, que par les fabricants d'affiches et de posters ou encore les stars des réseaux sociaux qui passent leur vie à acheter des supercars et à la montrer (leur vie).
Bien que la performance n'ait jamais été aussi accessible au plus grand nombre (nous vivons une époque où existent des compactes de 400 ch et des berlines de plus de 600 ch), l'attraction produite par une nouvelle sportive à moteur central reste aussi forte aujourd'hui qu'à l'époque où Lamborghini démontrait que sa Miura était aussi belle à regarder que rapide à piloter. Dans le monde des supercars, certaines choses ne changent jamais, ou tout du moins, certains constructeurs ne modifient pas une recette qui marche. Certains pourront avancer que le design des Lamborghini à moteur central du XXIE siècle s'est grandement éloigné de celui de l'époque de l'élégante Miura durant laquelle la fonction prévalait sur la forme, mais un rapide coup
d'oeil aux plus célèbres des modèles de la firme démontre que l'approche actuelle plus brutale dans son exécution colle parfaitement à ce qu'est devenue la marque et, qu'en tout état de cause, Lamborghini fait toujours autant tourner les têtes. De la Gallardo à la Huracán et maintenant à la Huracán Evo, le point d'entrée dans l'univers des Lamborghini à moteur central n'a jamais été aussi agressif et aiguisé. L'aérodynamique a beaucoup contribué au style de cette Evo. L'appui a été la quête principale et la traînée, l'ennemi.
Le nouveau bouclier avant qui rappelle désormais un peu celui de l'aventador ne possède pas seulement un splitter inédit mais également un aileron avant suspendu et intégré. Son effet combiné dirige avec plus de précision le flux d'air au-dessus et au-dessous de l'auto, là où il est le plus nécessaire. On note aussi la présence de deux conduits d'air en partie haute du bouclier qui ont pour but de réduire les turbulences dans les arches de roues et canaliser l'air sur les flancs et vers les prises d'air. Cela permet d'augmenter de 16 % l'admission d'air du V10 qui reste coincé entre la cloison et le bouclier arrière.
Mais c'est sur la poupe que l'on remarque le plus les évolutions aérodynamiques. À la base du capot moteur, on trouve un nouvel aileron fendu pour remplir deux fonctions. La partie supérieure est conçue pour générer de l'appui, tandis que la partie centrale crée un effet venturi en accélérant le flux à travers l'aileron afin de créer de l'appui là aussi mais en améliorant la traînée de 6 %. Le dessin des parties avant et arrière fonctionne de concert pour optimiser l'équilibre aérodynamique global grâce notamment à un nouveau fond plat conçu pour coller au sol les trains avant et arrière avant d'envoyer le flux d'air vers le diffuseur, lui aussi inédit. Le résultat est rien moins qu'une multiplication par sept du niveau d'appui par rapport à la Huracán précédente, là encore sans pénaliser la traînée. Visuellement, l'entrée de gamme Lamborghini (on parle uniquement de sportives, là) n'a jamais été aussi agressive, notamment en vue arrière avec ses échappements qui percent le bouclier dans sa partie haute et centrale, comme sur l'aventador. Même sans les éléments proéminents vus sur la Performante, le look de la nouvelle Evo en impose, c'est une vraie Lamborghini.
Ce que l'evo ne récupère pas de l'aérodynamique
ELLE VOUS RAPPELLE à QUEL POINT LES ACCÉLÉRATIONS D’UN MOTEUR SANS TURBO PEUVENT ÊTRE GRATIFIANTES
de la Performante, elle le prend à son moteur en intégrant les soupapes titane et l'échappement sport au V10 5,2 litres atmosphérique toujours couplé à la boîte double embrayage 7 rapports. La puissance et le couple grimpent ainsi à 640 ch à 8 000 tr/mn et 600 Nm à 6 500 tr/ mn. C'est respectable, c'est 30 ch et 40 Nm de plus qu'auparavant mais cela reste toujours loin derrière les rivales de chez Ferrari et Mclaren qui développent un peu plus de 700 ch. Certes, elle reste la moins chère à 220 841 euros mais est-ce un critère sur ce segment ?
Pour le boss Stefano Domenicali, cela n'est pas un problème puisque l'objectif assigné aux ingénieurs était non pas de chercher à rivaliser avec une performance donnée mais de se concentrer sur le ressenti de pilotage et le comportement : « Chaque cheval ajouté à notre voiture doit améliorer la performance mais doit également être ressenti par le pilote. Le facteur “amusement” est important. Si l'ajout de puissance n'améliore pas la conduite de la voiture, alors nous ne l'intégrons pas. » Mais soyons clairs, ses caractéristiques ne peuvent qu'impressionner : l'evo qui ne pèse que 1422 kg (à sec) atteint les 100 km/h en 2''9, les 200 km/h en 9'' et dépasse ensuite les 320 km/h en pointe. Sur le circuit de Nardó, elle bat également le temps au tour de la précédente Huracán de 5''7, et de 3''7 celui de la Performante dont on se rappelle tous qu'elle avait signé un chrono extraordinaire sur la Nordschleife à son lancement.
Les manques de sa fiche technique par rapport aux 488 GTB et autre 720S, elle les compense largement avec une bande-son toujours aussi frissonnante et unique.
Est-ce que suffisamment de gens sont conscients de ce que nous abandonnons en cherchant à obtenir des niveaux de puissance insensés inutilisables sur routes à partir de moteurs turbo ? Des moteurs qui, au final, ne se révèlent généralement pas plus efficaces que les blocs atmosphériques magistralement conçus qu'ils remplacent ? Probablement pas assez, non. Il semble que l'être humain ne se rende compte de ce qu'il veut réellement que lorsqu'il ne peut plus l'obtenir…
Evidemment, la Huracán Evo chante admirablement avec une amplitude incroyable et d'innombrables nuances de tons. Elle évoque à l'oreille rien moins qu'une supercar extrêmement puissante, ce qu'elle est complètement même si nous n'avons pas pu l'essayer ailleurs que sur le circuit F1 de Bahreïn où même les voitures les plus rapides peuvent paraître tel un autobus scolaire plein à craquer au bas d'une colline. Pas très tout ça. Entre chaque virage, elle prend de evo la vitesse avec une telle conviction que, s'il n'y avait le son si caractéristique du V10, vous pourriez croire que 12 cylindres s'activent derrière vos épaules. Elle efface la longue (et stupide) ligne droite des stands requise par les F1 modernes avec le même dédain qu'une Caterham a pour la pluie. Trois modes de conduite (Strada, Sport et Corsa) sont proposés. Par défaut, vous roulez en Strada, puis vous basculez sur les deux autres à l'aide de la molette sur le volant. C'est en Sport que la réponse moteur et les changements de vitesse semblent les plus naturels. Ce petit tranchant supplémentaire qu'il ajoute à l'accélérateur nous rappelle ce que font perdre les moteurs turbocompressés et surtout à quel point les accélérations d'un moteur sans turbo peuvent être gratifiantes. La précision dont elle fait preuve est un vrai bonheur.
Une boîte manuelle est pour certains la cerise sur le gâteau mais à défaut, cette Evo a au moins le mérite de ne pas vous infliger la boîte simple embrayage de l'aventador. Du coup, les rapports s'enchaînent, comme attendu, d'une simple flexion du doigt sans rupture de charge grâce à des palettes à la bonne longueur. Je n'arrive pas à m'enlever de l'idée qu'un levier archaïque émergeant du tunnel de transmission avec une grille à six positions ne serait pas du gâchis mais bon… même si cela la rendait plus amusante (et donc conforme aux voeux de Domenicali), une boîte manuelle ne pourrait la rendre que plus lente. Mais il est toujours bon de rêver.
Sous son look acéré, cette Evo cache toujours un châssis mariant carbone et aluminium, mais pour améliorer l'aspect dynamique, l'attention s'est surtout portée sur l'électronique. La Huracán dispose pour la première fois de roues arrière directrices (4WS) et, c'est une première chez Lamborghini, d'un système de torque vectoring jouant sur chacune des 4 roues. En plus de la transmission intégrale, on trouve aussi la direction active rendue obligatoire par le système 4WS. Pour 10 degrés d'angle apposés sur le train avant, l'arrière braque d'un degré, avec un maximum de trois degrés. Cela est contrôlé par le Lamborghini Dinamica Veicolo Integrata (LDVI), un système développé en interne que l'on ne devrait pas trouver sur une Audi de sitôt. Relié à son propre boîtier électronique, le
LDVI reçoit un grand nombre d'informations en provenance des quatre coins du châssis, de l'accélérateur, de la boîte, de la direction et du freinage. Et grâce à ses algorithmes de calcul, il peut contrôler chaque élément en fonction de l'objectif recherché. Par exemple, bien que l'evo soit la plupart du temps une propulsion, le LDVI peut envoyer du couple vers l'avant lorsqu'il estime cela nécessaire, voire freiner une roue arrière, ou deux, s'il le faut. Il peut aussi décider de l'intérêt d'ajouter, ou non, un dixième de degré au braquage des roues arrière. Tout cela simultanément, sans même que le pilote en soit conscient.
Lamborghini définit son LDVI comme une commande à logique prédictive. Il peut également apprendre votre façon de conduire pour anticiper votre prochain mouvement plutôt que simplement réagir à celui-ci. Bien sûr, il ne lit pas dans les pensées mais il peut préparer certains systèmes pour qu'ils s'activent plus rapidement en cas de besoin. Le système mesure le lacet, le roulis, le ballant à travers le mouvement des suspensions, il connaît la pression appliquée sur les freins, l'angle volant, le niveau d'accélération et l'adhérence de chaque roue, il agit en 20 millisecondes.
Si je devais prendre comme baromètre nos quelques tours de circuit de Bahreïn, je dois admettre que le LDVI fonctionne, et cela sans jamais parasiter le lien entre l'homme et la machine. La direction manque toujours de ressenti, elle déconcerte toujours par sa trop grande légèreté à toutes les vitesses, mais cela semble moins une entrave qu'auparavant. L'evo braque avec précision mais n'est pas exagérément vive. Elle n'est pas nerveuse, juste suffisamment aiguisée pour emmener le nez jusqu'à la corde de façon décisive. En fait, le plus remarquable est de voir le volant rester aussi calme entre vos mains. Tous les petits ajustements constants que l'on faisait en entrée et en sortie de courbe avec la précédente Huracán ont disparu. Si vous étiez habitué à rouler en piste avec sa devancière, il faudra quelques tours pour prendre la mesure de cette direction et accepter l'idée qu'elle ne vous veut pas de mal. La vitesse en courbe a fait un bond en avant, c'est là qu'elle signe ses plus gros progrès dynamiques.
N'allez quand même pas croire que Lamborghini a fait de sa Huracán une auto pour tous. Non, elle vous enverra toujours hors trajectoire si vous ne la traitez pas correctement. Mais elle paraît si équilibrée lorsque vous la poussez au-delà de la limite, lorsque ses Pirelli Corsa avant commencent à lâcher prise à mi-virage ou quand la puissance déborde les pneus arrière en sortie de virage. Bien sûr, tout cela dépend de votre faculté à mettre en adéquation puissance et couple moteur (très analogique) avec ses capacités châssis (un peu
plus numériques). La capacité de la Huracán Evo à donner des frissons va vous surprendre et cela n'est pas seulement en relation avec sa faculté à brûler du pneu.
Quelques chiropracteurs pourraient aussi être nécessaires car la Huracán Evo n'est toujours pas un monstre d'ergonomie. Vous êtes assis trop haut, toutes les commandes semblent être trop proches de vous, même si l'on note quelques petites améliorations par rapport à la précédente. L'une d'elles est le HMI qui intègre à la nouvelle console centrale un écran tactile de 8,4 pouces juste au-dessus du bouton de démarrage toujours placé sous un cabochon amovible rouge, très typé aviation. Ce système info-divertissement moderne remplace avec bonheur l'ancien qui commençait à dater. En plus de fonctionner très correctement, ce système apporte aux clients ce qu'ils désirent : une bonne connexion.
Douze tours (j'aurais pu en faire 14 que ça ne changerait rien) d'un circuit de F1 ne sont pas la meilleure introduction à un nouveau modèle puisque les conclusions que l'on en tire peuvent être instantanément remises en question sur route. Je peux toutefois dire que, par rapport à l'ancienne version, les roues arrière directrices ont pour double effet de calmer le comportement de l'auto à haute vitesse et de la rendre moins maladroite à basse vitesse. Elle rend pertinente la direction active qui, malgré tous les défauts qu'un pilote en quête de frissons peut lui trouver, travaille beaucoup mieux maintenant qu'elle dispose d'un lien direct avec l'essieu arrière. Le fonctionnement invisible du torque vectoring est aussi remarquable, il ne parasite jamais la conduite et surtout, ce moteur démoniaque est toujours bien présent et ne peut pas être ignoré. Non vraiment pas.
Cela fait plusieurs présentations récentes que nous sommes contraints de rester sur circuit. Ce fut le cas de cette Huracán Evo, mais aussi de l'aventador SVJ puis de la Mclaren 600LT et, à chaque fois, cela laisse plusieurs questions sans réponses dont le comportement sur route de chacun des modèles. La SVJ et la 600LT ont par la suite dépassé toutes les attentes sur le sujet, l'une est même devenue Sportive de l'année et l'on peut penser que pour la Huracán Evo, c'est aussi l'objectif. Mais une chose est sûre, même après une très courte prise en mains, cette Evo est une auto que vous quittez avec au fond de vous un désir extrêmement fort: en reprendre le volant dès que l'opportunité se présentera pour vous régaler à nouveau à son bord.