EVO (France)

LAMBORGHIN­I HURACÁN EVO

Avec 4 roues directrice­s et un système de vectorisat­ion du couple, la Huracán Evo est-elle une entrée de gamme Lamborghin­i qui satisfera le pilote qui en prend les commandes?

- Par STUART GALLAGHER /// Photos D.R. ET PATRICK GARCIA

Les ingénieurs de Lamborghin­i n’ont pas simplement dépoussiér­é la Huracán, ils en ont fait un monstre qui se hisse au niveau de l’extraordin­aire Performant­e! Premier essai, premiers frissons.

L'arrivée d'une sportive à moteur central est toujours une bonne nouvelle, attendue aussi bien par les potentiels futurs acheteurs, que par les fabricants d'affiches et de posters ou encore les stars des réseaux sociaux qui passent leur vie à acheter des supercars et à la montrer (leur vie).

Bien que la performanc­e n'ait jamais été aussi accessible au plus grand nombre (nous vivons une époque où existent des compactes de 400 ch et des berlines de plus de 600 ch), l'attraction produite par une nouvelle sportive à moteur central reste aussi forte aujourd'hui qu'à l'époque où Lamborghin­i démontrait que sa Miura était aussi belle à regarder que rapide à piloter. Dans le monde des supercars, certaines choses ne changent jamais, ou tout du moins, certains constructe­urs ne modifient pas une recette qui marche. Certains pourront avancer que le design des Lamborghin­i à moteur central du XXIE siècle s'est grandement éloigné de celui de l'époque de l'élégante Miura durant laquelle la fonction prévalait sur la forme, mais un rapide coup

d'oeil aux plus célèbres des modèles de la firme démontre que l'approche actuelle plus brutale dans son exécution colle parfaiteme­nt à ce qu'est devenue la marque et, qu'en tout état de cause, Lamborghin­i fait toujours autant tourner les têtes. De la Gallardo à la Huracán et maintenant à la Huracán Evo, le point d'entrée dans l'univers des Lamborghin­i à moteur central n'a jamais été aussi agressif et aiguisé. L'aérodynami­que a beaucoup contribué au style de cette Evo. L'appui a été la quête principale et la traînée, l'ennemi.

Le nouveau bouclier avant qui rappelle désormais un peu celui de l'aventador ne possède pas seulement un splitter inédit mais également un aileron avant suspendu et intégré. Son effet combiné dirige avec plus de précision le flux d'air au-dessus et au-dessous de l'auto, là où il est le plus nécessaire. On note aussi la présence de deux conduits d'air en partie haute du bouclier qui ont pour but de réduire les turbulence­s dans les arches de roues et canaliser l'air sur les flancs et vers les prises d'air. Cela permet d'augmenter de 16 % l'admission d'air du V10 qui reste coincé entre la cloison et le bouclier arrière.

Mais c'est sur la poupe que l'on remarque le plus les évolutions aérodynami­ques. À la base du capot moteur, on trouve un nouvel aileron fendu pour remplir deux fonctions. La partie supérieure est conçue pour générer de l'appui, tandis que la partie centrale crée un effet venturi en accélérant le flux à travers l'aileron afin de créer de l'appui là aussi mais en améliorant la traînée de 6 %. Le dessin des parties avant et arrière fonctionne de concert pour optimiser l'équilibre aérodynami­que global grâce notamment à un nouveau fond plat conçu pour coller au sol les trains avant et arrière avant d'envoyer le flux d'air vers le diffuseur, lui aussi inédit. Le résultat est rien moins qu'une multiplica­tion par sept du niveau d'appui par rapport à la Huracán précédente, là encore sans pénaliser la traînée. Visuelleme­nt, l'entrée de gamme Lamborghin­i (on parle uniquement de sportives, là) n'a jamais été aussi agressive, notamment en vue arrière avec ses échappemen­ts qui percent le bouclier dans sa partie haute et centrale, comme sur l'aventador. Même sans les éléments proéminent­s vus sur la Performant­e, le look de la nouvelle Evo en impose, c'est une vraie Lamborghin­i.

Ce que l'evo ne récupère pas de l'aérodynami­que

ELLE VOUS RAPPELLE à QUEL POINT LES ACCÉLÉRATI­ONS D’UN MOTEUR SANS TURBO PEUVENT ÊTRE GRATIFIANT­ES

de la Performant­e, elle le prend à son moteur en intégrant les soupapes titane et l'échappemen­t sport au V10 5,2 litres atmosphéri­que toujours couplé à la boîte double embrayage 7 rapports. La puissance et le couple grimpent ainsi à 640 ch à 8 000 tr/mn et 600 Nm à 6 500 tr/ mn. C'est respectabl­e, c'est 30 ch et 40 Nm de plus qu'auparavant mais cela reste toujours loin derrière les rivales de chez Ferrari et Mclaren qui développen­t un peu plus de 700 ch. Certes, elle reste la moins chère à 220 841 euros mais est-ce un critère sur ce segment ?

Pour le boss Stefano Domenicali, cela n'est pas un problème puisque l'objectif assigné aux ingénieurs était non pas de chercher à rivaliser avec une performanc­e donnée mais de se concentrer sur le ressenti de pilotage et le comporteme­nt : « Chaque cheval ajouté à notre voiture doit améliorer la performanc­e mais doit également être ressenti par le pilote. Le facteur “amusement” est important. Si l'ajout de puissance n'améliore pas la conduite de la voiture, alors nous ne l'intégrons pas. » Mais soyons clairs, ses caractéris­tiques ne peuvent qu'impression­ner : l'evo qui ne pèse que 1422 kg (à sec) atteint les 100 km/h en 2''9, les 200 km/h en 9'' et dépasse ensuite les 320 km/h en pointe. Sur le circuit de Nardó, elle bat également le temps au tour de la précédente Huracán de 5''7, et de 3''7 celui de la Performant­e dont on se rappelle tous qu'elle avait signé un chrono extraordin­aire sur la Nordschlei­fe à son lancement.

Les manques de sa fiche technique par rapport aux 488 GTB et autre 720S, elle les compense largement avec une bande-son toujours aussi frissonnan­te et unique.

Est-ce que suffisamme­nt de gens sont conscients de ce que nous abandonnon­s en cherchant à obtenir des niveaux de puissance insensés inutilisab­les sur routes à partir de moteurs turbo ? Des moteurs qui, au final, ne se révèlent généraleme­nt pas plus efficaces que les blocs atmosphéri­ques magistrale­ment conçus qu'ils remplacent ? Probableme­nt pas assez, non. Il semble que l'être humain ne se rende compte de ce qu'il veut réellement que lorsqu'il ne peut plus l'obtenir…

Evidemment, la Huracán Evo chante admirablem­ent avec une amplitude incroyable et d'innombrabl­es nuances de tons. Elle évoque à l'oreille rien moins qu'une supercar extrêmemen­t puissante, ce qu'elle est complèteme­nt même si nous n'avons pas pu l'essayer ailleurs que sur le circuit F1 de Bahreïn où même les voitures les plus rapides peuvent paraître tel un autobus scolaire plein à craquer au bas d'une colline. Pas très tout ça. Entre chaque virage, elle prend de evo la vitesse avec une telle conviction que, s'il n'y avait le son si caractéris­tique du V10, vous pourriez croire que 12 cylindres s'activent derrière vos épaules. Elle efface la longue (et stupide) ligne droite des stands requise par les F1 modernes avec le même dédain qu'une Caterham a pour la pluie. Trois modes de conduite (Strada, Sport et Corsa) sont proposés. Par défaut, vous roulez en Strada, puis vous basculez sur les deux autres à l'aide de la molette sur le volant. C'est en Sport que la réponse moteur et les changement­s de vitesse semblent les plus naturels. Ce petit tranchant supplément­aire qu'il ajoute à l'accélérate­ur nous rappelle ce que font perdre les moteurs turbocompr­essés et surtout à quel point les accélérati­ons d'un moteur sans turbo peuvent être gratifiant­es. La précision dont elle fait preuve est un vrai bonheur.

Une boîte manuelle est pour certains la cerise sur le gâteau mais à défaut, cette Evo a au moins le mérite de ne pas vous infliger la boîte simple embrayage de l'aventador. Du coup, les rapports s'enchaînent, comme attendu, d'une simple flexion du doigt sans rupture de charge grâce à des palettes à la bonne longueur. Je n'arrive pas à m'enlever de l'idée qu'un levier archaïque émergeant du tunnel de transmissi­on avec une grille à six positions ne serait pas du gâchis mais bon… même si cela la rendait plus amusante (et donc conforme aux voeux de Domenicali), une boîte manuelle ne pourrait la rendre que plus lente. Mais il est toujours bon de rêver.

Sous son look acéré, cette Evo cache toujours un châssis mariant carbone et aluminium, mais pour améliorer l'aspect dynamique, l'attention s'est surtout portée sur l'électroniq­ue. La Huracán dispose pour la première fois de roues arrière directrice­s (4WS) et, c'est une première chez Lamborghin­i, d'un système de torque vectoring jouant sur chacune des 4 roues. En plus de la transmissi­on intégrale, on trouve aussi la direction active rendue obligatoir­e par le système 4WS. Pour 10 degrés d'angle apposés sur le train avant, l'arrière braque d'un degré, avec un maximum de trois degrés. Cela est contrôlé par le Lamborghin­i Dinamica Veicolo Integrata (LDVI), un système développé en interne que l'on ne devrait pas trouver sur une Audi de sitôt. Relié à son propre boîtier électroniq­ue, le

LDVI reçoit un grand nombre d'informatio­ns en provenance des quatre coins du châssis, de l'accélérate­ur, de la boîte, de la direction et du freinage. Et grâce à ses algorithme­s de calcul, il peut contrôler chaque élément en fonction de l'objectif recherché. Par exemple, bien que l'evo soit la plupart du temps une propulsion, le LDVI peut envoyer du couple vers l'avant lorsqu'il estime cela nécessaire, voire freiner une roue arrière, ou deux, s'il le faut. Il peut aussi décider de l'intérêt d'ajouter, ou non, un dixième de degré au braquage des roues arrière. Tout cela simultaném­ent, sans même que le pilote en soit conscient.

Lamborghin­i définit son LDVI comme une commande à logique prédictive. Il peut également apprendre votre façon de conduire pour anticiper votre prochain mouvement plutôt que simplement réagir à celui-ci. Bien sûr, il ne lit pas dans les pensées mais il peut préparer certains systèmes pour qu'ils s'activent plus rapidement en cas de besoin. Le système mesure le lacet, le roulis, le ballant à travers le mouvement des suspension­s, il connaît la pression appliquée sur les freins, l'angle volant, le niveau d'accélérati­on et l'adhérence de chaque roue, il agit en 20 millisecon­des.

Si je devais prendre comme baromètre nos quelques tours de circuit de Bahreïn, je dois admettre que le LDVI fonctionne, et cela sans jamais parasiter le lien entre l'homme et la machine. La direction manque toujours de ressenti, elle déconcerte toujours par sa trop grande légèreté à toutes les vitesses, mais cela semble moins une entrave qu'auparavant. L'evo braque avec précision mais n'est pas exagérémen­t vive. Elle n'est pas nerveuse, juste suffisamme­nt aiguisée pour emmener le nez jusqu'à la corde de façon décisive. En fait, le plus remarquabl­e est de voir le volant rester aussi calme entre vos mains. Tous les petits ajustement­s constants que l'on faisait en entrée et en sortie de courbe avec la précédente Huracán ont disparu. Si vous étiez habitué à rouler en piste avec sa devancière, il faudra quelques tours pour prendre la mesure de cette direction et accepter l'idée qu'elle ne vous veut pas de mal. La vitesse en courbe a fait un bond en avant, c'est là qu'elle signe ses plus gros progrès dynamiques.

N'allez quand même pas croire que Lamborghin­i a fait de sa Huracán une auto pour tous. Non, elle vous enverra toujours hors trajectoir­e si vous ne la traitez pas correcteme­nt. Mais elle paraît si équilibrée lorsque vous la poussez au-delà de la limite, lorsque ses Pirelli Corsa avant commencent à lâcher prise à mi-virage ou quand la puissance déborde les pneus arrière en sortie de virage. Bien sûr, tout cela dépend de votre faculté à mettre en adéquation puissance et couple moteur (très analogique) avec ses capacités châssis (un peu

plus numériques). La capacité de la Huracán Evo à donner des frissons va vous surprendre et cela n'est pas seulement en relation avec sa faculté à brûler du pneu.

Quelques chiropract­eurs pourraient aussi être nécessaire­s car la Huracán Evo n'est toujours pas un monstre d'ergonomie. Vous êtes assis trop haut, toutes les commandes semblent être trop proches de vous, même si l'on note quelques petites améliorati­ons par rapport à la précédente. L'une d'elles est le HMI qui intègre à la nouvelle console centrale un écran tactile de 8,4 pouces juste au-dessus du bouton de démarrage toujours placé sous un cabochon amovible rouge, très typé aviation. Ce système info-divertisse­ment moderne remplace avec bonheur l'ancien qui commençait à dater. En plus de fonctionne­r très correcteme­nt, ce système apporte aux clients ce qu'ils désirent : une bonne connexion.

Douze tours (j'aurais pu en faire 14 que ça ne changerait rien) d'un circuit de F1 ne sont pas la meilleure introducti­on à un nouveau modèle puisque les conclusion­s que l'on en tire peuvent être instantané­ment remises en question sur route. Je peux toutefois dire que, par rapport à l'ancienne version, les roues arrière directrice­s ont pour double effet de calmer le comporteme­nt de l'auto à haute vitesse et de la rendre moins maladroite à basse vitesse. Elle rend pertinente la direction active qui, malgré tous les défauts qu'un pilote en quête de frissons peut lui trouver, travaille beaucoup mieux maintenant qu'elle dispose d'un lien direct avec l'essieu arrière. Le fonctionne­ment invisible du torque vectoring est aussi remarquabl­e, il ne parasite jamais la conduite et surtout, ce moteur démoniaque est toujours bien présent et ne peut pas être ignoré. Non vraiment pas.

Cela fait plusieurs présentati­ons récentes que nous sommes contraints de rester sur circuit. Ce fut le cas de cette Huracán Evo, mais aussi de l'aventador SVJ puis de la Mclaren 600LT et, à chaque fois, cela laisse plusieurs questions sans réponses dont le comporteme­nt sur route de chacun des modèles. La SVJ et la 600LT ont par la suite dépassé toutes les attentes sur le sujet, l'une est même devenue Sportive de l'année et l'on peut penser que pour la Huracán Evo, c'est aussi l'objectif. Mais une chose est sûre, même après une très courte prise en mains, cette Evo est une auto que vous quittez avec au fond de vous un désir extrêmemen­t fort: en reprendre le volant dès que l'opportunit­é se présentera pour vous régaler à nouveau à son bord.

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 ??  ?? Ci-dessus, tout à gauche : la Huracán Evo reprend le moteur de la Performant­e et ses 640 ch et 600 Nm de couple. Page de gauche : le style est nettement plus agressif, notamment en vue arrière.
Ci-dessus, tout à gauche : la Huracán Evo reprend le moteur de la Performant­e et ses 640 ch et 600 Nm de couple. Page de gauche : le style est nettement plus agressif, notamment en vue arrière.
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 ??  ?? Ci-dessus, à partir de la gauche : la position de conduite ne s’est pas améliorée ; le système d’info-divertisse­ment à écran tactile de 8,4 pouces d’origine Audi est une mise à jour technologi­que bienvenue; le bouton de démarrage a conservé son “capuchon de protection”.
Ci-dessus, à partir de la gauche : la position de conduite ne s’est pas améliorée ; le système d’info-divertisse­ment à écran tactile de 8,4 pouces d’origine Audi est une mise à jour technologi­que bienvenue; le bouton de démarrage a conservé son “capuchon de protection”.
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