Feuillet Hebdo de la Revue Fiduciaire
Un enjeu de taille en cas de contentieux basé sur l'imprécision du motif
Le salarié qui, en présence d'un motif qu'il estime imprécis, ne demandera pas à l'employeur de clarifier les raisons de la rupture ne pourra pas invoquer ensuite cette insuffisance de motivation devant les prud'hommes pour faire juger qu'il a été licencié sans cause réelle et sérieuse (c. trav. art. L. 1235-2).
Si l'imprécision de motivation est reconnue, il n'aura droit qu'à une indemnité d'au plus un mois de salaire, soit la même qu'en cas d'irrégularité de procédure (voir § 1-15).
Si, en présence d'un motif imprécis, le juge conclut que l'insuffisance de motivation aboutit à un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ce qui suppose que l'employeur n'a pas répondu à la demande d'éclaircissement du salarié ou que les précisions qu'il a apportées sont insuffisantes), ce seront les règles de droit commun qui s'appliqueront : le salarié percevra, au titre de l'insuffisance de motivation, l'indemnité prévue en l'absence de cause réelle et sérieuse (voir § 1-11). De fait, cette nouvelle procédure met la balle dans le camp du salarié s'il veut préserver au maximum ses droits dans la perspective d'un contentieux prud'homal basé sur la seule insuffisance de motivation du licenciement. Dans l'hypothèse où il ne demande pas de précision, il risque de ne pouvoir prétendre qu'à l'indemnité d'au plus 1 mois de salaire (donc bien souvent inférieure au nouveau barème de dommages et intérêts). Parmi les conseils des salariés (avocats, représentants du personnel, défenseurs syndicaux, etc.), il est probable que certains recommanderont aux salariés de demander systématiquement des précisions, afin de préserver leurs droits dans la perspective d'un éventuel contentieux. Ce qui, au final, risque d'alourdir certaines procédures de licenciement.
Bien entendu, si les juges estiment que le motif invoqué dès le départ était suffisamment précis et justifiait le licenciement, ils valideront la cause réelle et sérieuse.
Enfin, il convient de garder à l'esprit que l'insuffisance de motivation n'est qu'un aspect du contentieux. Même parfaitement motivé, un licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse, par exemple parce que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement (licenciement économique ou licenciement pour inaptitude) ou, dans le cadre d'une sanction disciplinaire, parce que le licenciement apparaissait comme disproportionné eu égard aux faits fautifs.