LIGUE EUROPA LILLE, LE CHOIX DU ROI
Lille Le choix du roi Lever le pied sur la scène continentale face à l’ajax Amsterdam pour mieux se focaliser sur la Ligue 1 Cette option existe pour le LOSC. Pourtant, la forme de l’équipe et l’ambition de son entraîneur doivent autoriser une implication
Pour sûr, Christophe Galtier garde fichés en mémoire ces instantanés du printemps 2004 qui ont chauffé à blanc sa chère ville de Marseille. Alors que lui apprenait le métier d’entraîneur du côté de Bastia, Didier Drogba en mode dragon, Fabien Barthez et de valeureux compères alignaient une série de matches dingues en Coupe de L’UEFA, l’ancêtre de la Ligue Europa. L’OM craquera en finale devant Valence (0-2) mais, sur le chemin de son odyssée, elle aura écarté le Liverpool de Gerrard, l’inter de Zanetti et le Newcastle de Shearer, rien que ça ! Autant dire que le coach du LOSC connaît la valeur sportive de cette Coupe d’europe bis, son impact sur les réputations aussi.
Cette semaine, ses Dogues voient s’avancer l’ajax Amsterdam, son maillot mythique et un palmarès à faire blêmir tout le football français. S’ils surmontent l’obstacle, en huitièmes, puis en quarts de finale, voire plus loin, ils pourraient se frotter à plus gros encore : Manchester United, Tottenham, Arsenal, le Milan AC, la Roma, Naples... Un plantureux casting qui laisse présager une épopée à secouer les Hauts-de-france. Sauf que l’entraînante équipe de Lille est aussi lancée dans un long sprint face à L’OL, au PSG et à
Monaco pour la conquête du Championnat. Alors, dilemme, le club doit-il lever le pied sur la scène extérieure pour se focaliser sur la chasse à un quatrième titre national ? « Brader la Ligue Europa, ce serait choquant !, lance Grégory Tafforeau, pilier lillois de 2001 à 2009. Il faut la jouer à fond. Comment la prendre à la légère, surtout vu le renom du prochain adversaire ? »
Par la grâce d’une tonitruante victoire (0-3) à San Siro, le 5 novembre dernier face au Milan de Zlatan Ibrahimovic, le LOSC a acquis un renom mérité hors des frontières. Se brider au moment où les choses deviennent sérieuses en Ligue Europa aurait tout du non-sens absolu.
ARBITRAGE DU PRÉSIDENT ?
Pour l’instant, les déclarations de l’entraîneur ou de ses nouveaux dirigeants ne laissent pas filtrer cette hypothèse. Cependant, interrogé la semaine passée, Christophe Galtier a laissé entendre que l’encombrement du calendrier pourrait conduire à une prise de décision :
« On ne pourra pas jouer sur tous les tableaux. On verra bien à la sortie de la série actuelle. Si nous sommes dans toutes les compétitions, il y aura un arbitrage qui se fera avec le président (NDLR : Olivier Létang) .»Le6ou 7 mars prochains, lors des seizièmes de finale de Coupe de France, les Lillois joueront leur onzième partie en cinq semaines.
Participer à la Ligue Europa pied au plancher n’est pas une spécialité française. Depuis sa première édition (1971-72, anciennement Coupe de L’UEFA), on ne relève que cinq finalistes issus de l’hexagone : Bastia (en 1978), Bordeaux (en 1996) et L’OM (en 1999, 2004 et 2018). Depuis deux décennies, la France a placé huit clubs en quarts de finale, soit quatre fois moins que l’espagne (voir encadré).
« Franchement, c’est un problème, assène Mathieu Bodmer, qui a goûté à la Coupe d’europe avec Lille, Lyon, le Paris-sg et Nice. On voit des clubs qui s’arrachent toute une saison pour jouer l’europe et qui, la saison suivante, décident de négliger la Ligue Europa. C’est une vision à court terme. Ils prennent les millions de la qualification et c’est tout. Quel intérêt ? »
« Brader la Ligue Europa, ce serait choquant ! » Grégory Tafforeau, ancien défenseur du LOSC
UN HÉRITAGE À VALORISER
À ce titre, handicapé par des remous en coulisses, un recrutement mal adapté, la blessure de Dante et la fragilisation de son entraîneur, L’OGC Nice a donné une sale image du football français cet automne. Le cinquième de L1 2019-20 a été taillé en pièces à Leverkusen (6-2), battu deux fois par le
Slavia Prague (3-2 et 1-3) et meurtri par l’hapoël Beer-sheva (0-1). Les commentaires de Patrick Vieira disaient alors tout des manques de ses Aiglons : « On s’est peut-être vus trop beaux et on a été très insuffisants au niveau de l’intensité. L’esprit de compétition nous a fait défaut. » Même gouffre culturel et même constat d’abandon pour le Stade de Reims, bouté hors du troisième tour de qualification de C3 par les Hongrois de
« Galtier a une équipe formidable qui peut frapper un grand coup. » Mathieu Bodmer, ancien milieu du LOSC
Fehérvar. Les belles tirades au sujet du retour sur la scène continentale après cinquante-sept années sonnaient alors bien creux. « La Coupe d’europe, c’est surtout une histoire de culture. Un club trop neuf à ce niveau est souvent en difficulté », résume Bodmer, qui pense aussi au Stade Rennais, acteur fantoche en Ligue des champions cette saison. Le LOSC, lui, possède ce vécu continental. Sous Vahid Halilhodzic (1998-2002), puis Claude Puel (2002-2008), deux gourmands de reconnaissance internationale, les Dogues ont accroché et parfois puni des cadors européens tels Parme, MU (3 fois), La Corogne, la Fiorentina, Séville, Villarreal et le Milan AC. Grégory Tafforeau a disputé 42 parties de C1, C3 et Intertoto pour Lille : « Il ne faut pas déprécier cet héritage, mais plutôt le valoriser. C’est dans l’intérêt du club, des joueurs et des nouveaux dirigeants. » L’ex-latéral suit les matches de son ancienne équipe pour France Bleu Nord et se dit séduit par le management de Christophe Galtier :
« Il est très fin humainement, ne laisse passer aucun dérapage de comportement. Depuis des mois, il fait tourner l’effectif avec doigté afin de préserver la fraîcheur et la dynamique. » Hormis le quintette Maignan-fonte-botmanandré-bamba, les autres postes sont soumis à une sévère émulation que le technicien nordiste se plaît à entretenir. Ainsi, en zone d’attaque, son choix est ouvert entre les Araujo, David, Ikoné, Yazici, Yilmaz et Weah.
BELLE VITRINE POUR TOUS
Mathieu Bodmer a souvent commenté son ancienne équipe sur feue la chaîne Téléfoot et la juge armée pour tenir son rang sur trois fronts : « Elle est épargnée par les blessures lourdes, ne dépend pas d’une unique vedette, ne comporte aucun point faible et une très bonne ambiance y règne. Alors, il faut jouer les coups à fond... » Surtout que le contexte propre au LOSC, qui entame un nouveau cycle, encourage les acteurs à se donner sans frein dans la lumière des joutes européennes, histoire de rebondir ailleurs, un cran plus haut. Sous contrat jusqu’en 2022, Christophe Galtier a conscience que ses méthodes et sa philosophie de jeu alimentent sa cote hors de France (mais aussi à Lyon). « Il sait qu’il a une équipe formidable qui peut frapper un grand coup dans les matches de haut niveau, comme à Milan, confirme Mathieu Bodmer. C’est un homme ambitieux qui a des objectifs élevés dans sa carrière. » Vu le chambardement à la tête du club, le départ de Luis Campos, grand manitou du recrutement, et le besoin urgent de liquidités, un paquet de joueurs (Bamba, Çelik, Ikoné, Maignan, Renato Sanches, Soumaré, Yazici...) vont aussi être sollicités. Rien de tel que des performances marquantes en Coupe d’europe pour prendre de la valeur et capter l’attention d’un top club étranger. Autant commencer ce jeudi face à l’ajax.