Une tarte Tatin renversante

Elle est devenue l’une des tartes les plus célèbres de la gastronomie française, fruit d’une maladresse des soeurs Tatin. À moins que cela ne relève de la légende ?

Parmi les desserts cultes de la bistronomie, la tarte Tatin tient une bonne place. Des pommes tièdes, fondantes et caramélisées disposées sur une pâte brisée délicate… il y a de quoi, il faut l’avouer, mettre rapidement les papilles en émoi. Si, en plus, vous l’accompagnez d’une cuillerée de crème fraîche ou de glace à la vanille, le délice sera total !

UNE LÉGENDE POUR L’HISTOIRE

Pour connaître les origines de la tarte Tatin, il faut remonter à la fin du XIXe siècle en Sologne. La ligne de chemin de fer conduit les amateurs de chasse parisiens et orléanais jusqu’au village de LamotteBeuvron. Ils sont nombreux à manger et à loger à l’hôtel Tatin, propriété depuis 1894 de Caroline et Stéphanie, – dite Fanny – Tatin. Et c’est là que la légende prend racine : on raconte que Fanny, pressée devant l’affluence des chasseurs venus déjeuner, enfourna sa tarte aux pommes à toute vitesse. En se retournant, elle vit la pâte sur la table. Elle l’avait oubliée ! Ni une ni deux, elle récupéra le plat dans le four et plaça la pâte sur les pommes avant de l’enfourner à nouveau.

L’histoire est chouette, mais totalement inventée en 1926 par le critique culinaire MauriceEdmond Sailland, dit Curnonsky.

LE MANUSCRIT DE MARIE SOUCHON

La vérité, on la doit à l’historien Henri Delétang dans son livre « La Tarte Tatin, histoire et légendes ». Fanny Tatin aurait confié sa recette à Marie Souchon, une institutrice du village. Cette dernière, afin de ne rien oublier, l’a notée dans son livre de recettes. Un manuscrit retrouvé dans lequel la recette, sobrement intitulée « tarte Tatin », est décrite dans les moindres détails, jusqu’à des précisions sur les ustensiles : « Se servir d’un plat en cuivre, sans quoi cette délicieuse tarte ne sera jamais réussie. » Rassurez-vous, si le cuivre existe encore, nos moules actuels diffusent parfaitement la chaleur.

LE TOUR DE MAIN DE FANNY

Les ingrédients se résument à des pommes, du beurre, du sucre et de la farine. Mais pour réussir la tarte, il faut lire le tour de main de Fanny : « Prendre des bons morceaux de beurre que l’on pétrit énergiquement. Puis en garnir le fond du plat en cuivre, mettre dessus une bonne couche de sucre en poudre ou cristallisé. Couper des pommes en morceaux qui doivent être soigneusement rangées dans le plat. Faire autant de couches que le plat peut en contenir, recouvrir les pommes d’une épaisse couche de sucre cristallisé. » Pour la pâte, le secret réside dans sa finesse : « La rouler aussi fine que possible 1 millimètre ; l’étendre sur les pommes, couper tout le tour autour du plat. »

Il faut maintenant enfourner et attendre la fin de la cuisson pour le bouquet final : « La cuisson terminée, vous prenez un plat avec lequel vous couvrez la tarte et renversez. Le dessus devient alors le dessous. Servir chaud. » Et c’est tout… ou presque ! Car en fin de recette, la main de Marie Souchon a ajouté : « Cette recette a été inventée par la cuisinière du comte de Chatauvillard qui a passé la recette à Fanny Tatin. » Et on cherche encore le nom de cette dame !