La bouillabaisse, la soupe de la Bonne Mère
Qui dit Marseille dit OM, pastis, pétanque, Bonne Mère et… bouillabaisse ! Ce mijoté de poissons est délicieux, et pas si compliqué à préparer qu’on peut le croire. Mais attention, suivez bien la charte !
«
Pour faire une bonne bouillabaisse / Il faut se lever de bon matin / Préparer le pastis et sans cesse / Raconter des blagues avec les mains… » En bon Marseillais, Fernandel résume, dès les premières strophes de la chanson « La Bouillabaisse », toute l’identité de la cité phocéenne : la pêche, la gastronomie, la tchatche et le petit jaune. Bon, de vous à nous, vous pouvez laisser de côté le pastis. Il n’est vraiment pas essentiel pour réaliser cette recette qui remonterait à l’époque où fut fondée la ville de Massalia, aujourd’hui Marseille, vers 600 av. J.-C., par les Grecs venus de Phocée.
LE REBUT À POISSONS
Pour comprendre, il faut imaginer le port de la ville à l’époque. Le commerce se fait essentiellement par voie maritime et Massalia est une porte ouverte sur le monde. L’activité de pêche y est très développée. Chaque soir, les pêcheurs rapportent chez eux les poissons pris dans leurs filets mais qui n’ont pas trouvé preneur. Ainsi, rascasse, saint-pierre, rouget, congre atterrissent dans les marmites pour être longtemps mijotés. Le résultat est un ragoût de poisson que l’on nomme « kakavia ».
Au fil du temps et des influences, le terme provençal « bolhabaissa » se serait imposé – « bohl » voulant dire « bout » (du verbe bouillir), et « abaissa », « abaisse ». Sousentendu, quand cela bout, il faut baisser le feu. Et c’est là le point clé de la recette : la bouillabaisse doit commencer sa cuisson à petits bouillons pour finir à feu tout doux.
UNE RECETTE « CHARTÉE »
Mais alors, on met quoi dedans ? Dans sa chanson, Fernandel conseille : « Une langouste est nécessaire / De la baudroie et des favouilles / Douze rascasses, un petit saint-pierre / Huile, safran, ail et fenouil… » Et il a raison !
Si on trouve nombre de recettes différentes ou adaptées, depuis 1980, la bouillabaisse fait l’objet d’une charte mise au point par une association des restaurateurs marseillais, que certains appliquent à la lettre. Celle-ci précise que la soupe « comporte des ingrédients bien précis qu’il importe d’utiliser, si l’on ne veut pas tromper le client ».
On doit donc trouver des poissons de roche variés (rascasse, saint-pierre, lotte, grondin…), des tomates, des carottes, des oignons, un poireau, de l’ail, du vin blanc et du safran. À cela s’ajoutent le tour de main et le dressage. On ne fait pas ce que l’on veut avec ce mets ! Le texte de la charte précise que les poissons doivent être détaillés devant les convives, et présentés dans un plat à part du bouillon, accompagnés de croûtons aillés et de rouille. Et c’est là, devant le plat fumant, que vous pourrez prendre l’accent de Pagnol et vous écrier : « Ah, Bonne Mère, que cette soupe est délicieuse ! »