GP Racing

UNE HISTOIRE

DE TEMPS QUI PASSE...

- Alain Lecorre

Peut- on encore, à l’heure du tweet et de la 5G, imaginer construire une carrière de top pilote sur la durée ? Peut- on encore prendre son temps pour y arriver, apprendre et se nourrir de l’expérience acquise ? « Une année pour apprendre, une année pour gagner » , la célèbre phrase du génie de Tavullia a- elle encore un sens ? A- t- elle encore du sens d’ailleurs ? Par les temps qui courent, l’apprentiss­age a la queue courte en GP où tout va de plus en plus vite. Et Marquez, champion du monde MotoGP sortant – pour ceux qui seraient restés bloqués à l’époque des 500 –, est une caricature de ce phénomène. En une seule année de catégorie reine, il a tout explosé. Sans temps mort. Aucun. Le temps justement, il ne l’a pas pris, il l’a devancé. Il l’a tué. En 18 courses à peine et à 20 ans seulement, il a réalisé ce qu’aucun autre avant lui n’avait jamais fait si vite. Ni Ago, ni Hailwood, ni Sheene, ni Spencer, ni Lawson, ni Rainey, ni Schwantz, ni Doohan, ni même Valentino Rossi ( voir l’historique des GP, p. 100). C’est dire. À ce niveau de performanc­es, on ne parle plus de pilote mais bien de légende, tout le monde est d’accord. Mais, même parmi les légendes, beaucoup ont dû patienter un peu avant de toucher le Graal. Une paire de saisons pour certains, une carrière entière pour d’autres. C’est le prix à payer. On débarque, on découvre, on déboule, on débriefe et – si tout se passe bien, si les astres sont bien positionné­s, si la mécanique est fi able et performant­e, si la météo est aussi clémente que le pilotage est chirurgica­l alors, seulement, on se délecte et on déguste. Une fois pour la plupart, deux ou trois fois pour les stars, près de 10 fois pour les Dieux. Alors, même si l’époque aimerait le faire en deux temps, trois mouvements ( exception faite de Marc Marquez), devenir une star prend du temps. Plein. L’exact opposé de la demande planétaire qui veut tout, tout de suite. Alors, comment faire avec les jeunes talents qui montent ( les jeunes Marquez et Quartararo) ? Les faire rouler dès qu’ils marchent, quitte à leur cramer les ailes et les voir prendre leur retraite à tout juste 26 ans, gavés de courses et de moto ( n’est- ce pas, mister Stoner...) ? Ou leur apprendre à apprendre ? Les circuits, la technique, les motos, l’électroniq­ue et ce, malgré les sirènes, les contrats juteux, et tous les fantasmes qui vont avec. Oui je sais, c’est compliqué, voire impossible. Pourtant, regardez Rossi aujourd’hui. Quoi qu’on dise, il prend son temps. Plus serein, mieux armé ( la M1 « dégrossie » par Lorenzo n’a plus de secret pour lui), il pourrait mettre à profi t son inégalable expérience pour accrocher une 10e timbale mondiale. Et si, comme le dit le proverbe, « le temps, c’est de l’argent » , alors le gosse de Tavullia pourrait repartir une fois encore avec les poches pleines...

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