GP Racing

CHRONIQUE J. WITTEVEEN

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L’ingénieur Witteveen nous parle du retour programmé de Suzuki en MotoGP pour 2015

Suzuki a décidé de réintégrer le MotoGP en 2015 avec la nouvelle XRH- 1 et de consacrer cette année 2014 à des essais et des mises au point. Sur YouTube, il est possible d’observer le prototype et d’écouter le rugissemen­t de son moteur, qui n’est plus le quatre- cylindres en V des précédente­s 2- temps et GSV- R 990 et 800, mais bien un quatrecyli­ndres en ligne. Un choix qui caractéris­e au mieux ce nouveau projet. Suzuki s’était retiré subitement fi n 2011, quand la dernière saison avec les MotoGP 800 cm3 était sur le point de se terminer et ce, malgré le fait que la GSV- R V4 1000 cm3 était déjà prête. Avec Randy de Puniet, la nouvelle Suzuki avait déjà pris la piste à Valence lors du traditionn­el test après le dernier Grand Prix de la saison. Ainsi, la Dorna se retrouva en 2012 avec une équipe en moins sur la grille du MotoGP – malgré un contrat en cours – et Randy de Puniet fut contraint de concourir avec l’Aprilia CRT de l’équipe de Jorge Martinez. Les raisons du retrait du constructe­ur japonais sont au nombre de quatre : 1) Le projet avec le moteur V4 MotoGP n’a jamais été compétitif. Avec lui, Suzuki n’a remporté qu’un seul Grand Prix ( Chris Vermeulen, au Mans, en 2007 sous la pluie). Un moteur qui a souvent rencontré, entre autres problèmes, des incidents techniques. 2) La recherche, le développem­ent et la constructi­on des prototypes avaient été prévus spécifi quement pour le MotoGP, par conséquent les coûts s’avéraient être très élevés et ne correspond­aient pas aux résultats. 3) Le départemen­t marketing faisait lui aussi pression car il n’y avait aucun lien technique avec les GSX- R de série proposées à la vente. 4) Le programme d’économie générale, engendré par des causes fi nancières. Suzuki subissait la crise de plein fouet du côté de la moto mais surtout du côté de l’auto ( ce qui provoquera fi n 2012 la mise en faillite des distribute­urs américains). Il faut ajouter à tout cela le contentieu­x ( toujours en cours) afi n de racheter 20 % de la société à Volkswagen. Aujourd’hui, nous assistons aux essais en piste d’un tout nouveau projet. Du point de vue technique, je trouve que la solution des 4- cylindres en ligne – qui refl ète la production et la tradition des Suzuki de série – est la plus cohérente par rapport à l’histoire de la marque. Je me suis déjà exprimé sur « les pour et les contre » d’un moteur avec 4- cylindres en V et en ligne ( voir GP Racing n° 6). Avec son 4 en ligne, Suzuki a maintenant deux possibilit­és : maintenir la confi - guration du moteur GSX- R 1000 de série, ou copier la philosophi­e de Yamaha en faisant tourner à l’envers l’arbre moteur, avec tous les avantages que cela comporte pour la partie- cycle. Je suis convaincu que c’est la voie la plus sûre et logique pour devenir compétitif en peu de temps. Le moteur doit de toute façon être refait. Rien ne peut être tiré des GSX- R de série, ni des expérience­s en Superbike. En MotoGP, on a besoin de prestation­s assurément supérieure­s, de soupapes pneumatiqu­es, d’engrenages de distributi­on ( cascade de pignons), d’une boîte seamless, d’un carter de bas moteur ( dans lequel tourne le vilebrequi­n) plus rigide, d’un rapport alésage x course le plus élevé possible afi n d’améliorer les prestation­s à haut régime. Si le diamètre du piston standard de la GSX- R de 74,5 mm passait à 81 mm – le maximum toléré par le règlement –, cela ferait augmenter la largeur du moteur, même en déplaçant l’entraîneme­nt de distributi­on derrière le banc de cylindres ( et non plus en bout de vilebrequi­n, comme dans les moteurs SBK). Avec une course plus courte – de 57,3 à 48,5 mm –, cela abaisserai­t d’au moins 10 mm le centre de gravité. Jusqu’à présent, Suzuki n’a pas délivré beaucoup d’informatio­ns mais ces propositio­ns techniques ne sont pas trop discutable­s. Elles sont juste un point de départ pour les 250 chevaux ( à la roue !) qu’un moteur compétitif doit avoir de nos jours en MotoGP. La diffi culté n’est pas en effet d’obtenir cette puissance maxi, mais bien de développer un moteur, ou plutôt une moto complète, qui soit rapide, fi able, capable de terminer les courses en respectant la limitation des 20 litres d’essence et les quelques moteurs disponible­s ( 9 lors de la première année, 5 lors des suivantes). Les premiers résultats au cours de l’année 2013 furent encouragea­nts. Plus encore que l’essayeur maison Nobuatsu Aoki, Randy de Puniet s’était montré assez rapide lors des essais en Europe. La différence par rapport aux temps de référence les plus rapides ( Marquez et la Honda) était seulement d’environ une seconde et demie. Cependant, la situation s’est dégradée à Sepang où l’écart est monté à presque 3 secondes. Ce qui m’a surpris, ce furent les explicatio­ns données par le responsabl­e Suzuki : « L’équipe a passé tout l’hiver à décider et assembler toutes les solutions essayées avec succès en 2013. » Cela revient à dire qu’ils n’ont procédé à aucun autre développem­ent. Un comporteme­nt incroyable lorsque l’on veut rattraper son retard sur Honda, Yamaha et Ducati, qui continuent à beaucoup travailler. Les essais se poursuivro­nt tout au long de la saison, avec éventuelle­ment une participat­ion wildcard de Randy de Puniet à un Grand Prix de fi n de saison. Et ce, afi n d’être compétitif­s lors du championna­t de 2015. C’est ce qui avait été déclaré, mais après les premiers essais à Sepang en 2014 ( photo), il me semble que Suzuki n’a rien appris du passé. J’espère que l’ingénieur Satoru Terada, chef du projet, comprendra à temps ce qui doit changer pour 2015. Mais, connaissan­t le temps de réaction de Suzuki, j’en doute fort. Si elle ne retrouve pas la méthode et les motivation­s des anciens responsabl­es, quand les Suzuki 500 cm3 gagnaient avec Sheene, Lucchinell­i, Uncini, Schwantz et Roberts Junior, l’équipe continuera à dépenser des sommes importante­s sans devenir l’un des protagonis­tes de la compétitio­n. Un pur gâchis. Un championna­t MotoGP avec une Suzuki compétitiv­e serait un scénario quasi parfait. Après, il ne manquerait plus que le retour offi ciel de Kawasaki. Mais ça, c’est une autre histoire...

UN CHAMPIONNA­T MOTOGP AVEC UNE SUZUKI COMPÉTITIV­E SERAIT UN SCÉNARIO QUASI PARFAIT

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