MICHELIN : LE 1ER SLICK
Pendant l’inter- saison 1975, Michelin ( avec l’aide précieuse de Barry Sheene) sort le 1er slick de l’histoire.
Après une première victoire en 500 cm3 et un premier titre mondial en 125 cm3 conquis avec des pneus « standard », Michelin s’est rapidement taillé une place de choix au sein du paddock.
Si la machine clermontoise s’est mise en route tranquillement, elle a rapidement bousculé le Landerneau du Continental Circus, déclenchant une « guerre du pneu » sans merci. En 1974, Claude Decottignies a abandonné son « Tub » Citroën pour un camion Mercedes et il est désormais épaulé par un technicien ( deux en 75, puis 3 en 76). Par ailleurs, les antennes Michelin à l’étranger détachent plusieurs personnes lors de leur Grand Prix « national » . En 1975, les hostilités battent leur plein. Dunlop supporte mal de voir sa suprématie mise à mal. « Michelin ne regardait pas à la dépense et on avait des nouveaux pneus à chaque course. À tel point que ça a fi ni par devenir ingérable tellement les nuances entre chaque pneu étaient subtiles » , se souvient Decottignies. La chute dramatique de Barry Sheene à Daytona due à son Dunlop arrière marque un tournant dans cette « guerre du pneu » . À peine remis de ses innombrables fractures, Barry teste des Michelin. À Imola, il demande à Claude Decottignies si le manufacturier français peut l’équiper.
NAISSANCE DU PNEU LISSE
« Après avoir écouté Barry avec attention, j’ai téléphoné à Pierre Dupasquier, le patron de la compétition, qui a sauté dans sa voiture pour nous rejoindre » , se souvient le technicien « auvergnat » . Le jeudi soir précédant le Grand Prix, Pierre et Barry mirent cartes sur table et, sans plus de formalités, arrivèrent à un accord de la plus grande simplicité. « Barry Sheene allait utiliser des Michelin que nous nous engagions à développer en tenant compte de ses commentaires » , rapporte Pierre. C’est durant l’inter- saison 75 que le slick Michelin est apparu ( de l’autre côté de l’Atlantique, Goodyear développait également son propre slick). Jack Findlay et Guido Mandracci, les pilotes de Suzuki Italie, sont mis à contribution pour les premiers essais à Misano. « Notre premier réfl exe fut de tenter d’augmenter la surface de gomme en contact du pneu avec le sol. De Reynal, un de nos ingénieurs, avait montré qu’en auto, un pneu lisse mettait plus de gomme au sol et réduisait les mouvements parasites de la sculpture sur sol sec. Nous avons demandé que
Le slick Michelin retaillé s’avère une solution parfaite pour un bitume séchant... Barry adorait être impliqué dans tous les domaines de la course et les pneumatiques étaient un élément capital dans la performance.
pareil traitement soit appliqué à nos pneus moto. Le service de Recherche n’a pas vu ça d’un très bon oeil mais a tout de même accepté un essai » , se souvient Pierre Dupasquier. « François Décima avait dessiné un pneu sphérique, qui ne mettait pas beaucoup de gomme au sol, mais nos slicks se révélèrent d’emblée une solution intéressante. La motricité était améliorée, les remises des gaz meilleures et la moto était plus stable. Malgré le froid et quelques ennuis mécaniques, nous sommes repartis de cette première séance d’essai avec la certitude que les pneus arrière seraient des slicks ! Le problème de l’avant semblait plus délicat mais nous avions quand même établi une règle de base qui allait s’avérer être durable : à l’avant, il fallait de la guimauve ; à l’arrière, du béton. En d’autres termes, il fallait un pneu avant souple et déformable, et un pneu arrière rigide et précis. »
DE LA GUIMAUVE À L’AVANT, DU BÉTON À L’ARRIÈRE
Barry Sheene a réellement été partie prenante de l’introduction du slick par Michelin en GP 500. « Le slick n’a pas vraiment fait une entrée triomphale parce que, dans un premier temps, on n’a pas bien compris ce que c’était » , confi ait Barry à un journaliste lors de la commémoration de la 250e victoire de Michelin en 500 cm3 ( 2000). « Je me rappelle très bien qu’en découvrant ce concept, je m’étais dit que ce serait mieux si le pneu était un peu plus sculpté ! Je n’avais aucune idée de ce qu’était la température de la gomme. Les courses moto n’étaient pas encore sorties de l’adolescence. » À Assen, Barry Sheene remporte son premier Grand Prix chaussé en slicks ( c’est aussi la première victoire de la Suzuki RG 500 XR14). « Le slick arrière était prêt dès la fin du premier semestre 1975 mais j’ai dû attendre un peu plus pour le pneu avant. Pendant un certain temps, j’ai couru avec un S41 PZ2 sculpté à l’avant. Le pneu arrière s’est allégé mais il n’a vraiment changé qu’en 1978, année où la structure même a été modifi ée ; ce qui a constitué un réel progrès » , se souvenait le champion anglais. « L’évolution technologique était un peu moins rapide à l’époque et les effectifs des services techniques de Michelin étaient moins importants qu’à la fin de leur engagement. J’ai des photos super où l’on voit Stephanie – ma femme – et Pierre Dupasquier en train de retailler un pneu. Steph tient le pneu et Pierre sculpte la bande de roulement. Les gens de chez Michelin étaient extras. Ils savaient vous écouter et ils avaient la foi. Ils étaient toujours prêts à essayer de nouvelles solutions, au niveau des carcasses ou de la gomme. Dupasquier savait que je connaissais bien mon sujet. » Pierre se souvient que Sheene n’était pas à proprement parler un pilote facile. « Exigeant, scrupuleux et extrêmement doué, Barry nous faisait faire de rapides progrès. Il excellait en particulier dans la description de ce qu’il ressentait, notamment pour l’avant. Barry nous a également mené la vie dure avec les pneus “pluie”. Il n’était jamais aussi heureux
BARRY ÉTAIT LE SEUL PILOTE AUTORISÉ À JOUER AVEC UN APPAREIL À RETAILLER
que quand il nous empruntait un appareil à retailler les pneus – au grand dam de nos ingénieurs. » Barry était le seul pilote autorisé à jouer avec cet engin. Cela permet de mesurer l’aura dont il bénéfi ciait chez Michelin ! Dès 1976, Barry Sheene offre à Michelin le titre en catégorie reine. Il remet le couvert en 1977 et Michelin s’offre un grand Chelem en remportant tous les titres mondiaux ( Angel Nieto, Bultaco 50 cm3 ; Pier Paolo Bianchi, Morbidelli 125 cm3 ; Mario Lega, Morbidelli en 250 cm3 ; Takazumi Katayama, Yamaha 350 cm3 et Barry Sheene, Suzuki 500 cm3) ! En 1978, Barry termine vice- champion du monde derrière Kenny Roberts et sa Yamaha chaussée de pneus Goodyear. Ce sera le début d’une nouvelle guerre mondiale placée sous le signe de la glisse... et du radial !