GP Racing

ITW MIKE DI MEGLIO

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Mike sera le seul pilote tricolore présent sur la grille MotoGP cette saison. Un mec attachant.

Seul Français engagé en MotoGP, Mike Di Meglio effectue cette année ses débuts en classe reine avec l’équipe Avintia. Un nouveau challenge pour l’ancien champion du monde 125 qui, dix ans après avoir entamé sa carrière en Grands Prix, continue à se serrer la ceinture pour satisfaire sa passion de la course.

Si, au mois d’août dernier, on lui avait dit qu’il s’alignerait au premier Grand Prix de la saison 2014 aux côtés de Marc Marquez et de Valentino Rossi, Mike Di Meglio nous aurait sûrement ri au nez. Victime d’une terrible chute sur le circuit de Brno, le Toulousain doutait même de pouvoir refaire de la moto un jour. « J’ai eu fi nalement de la chance, estime- t- il. J’aurais pu en effet garder de graves séquelles de ma fracture du sacrum. Mais tout s’est bien remis. J’avais une fracture en forme de H. Le côté gauche a mis un mois à se consolider, le côté droit, trois. Il a fallu patienter car on ne peut pas opérer ce genre de fracture. Il y a trop de nerfs qui passent par là. Aujourd’hui, tout est nickel. J’ai fait du sport tout l’hiver au CREPS de Toulouse, je suis en pleine forme, je ne ressens aucune douleur. » Dès qu’il a obtenu le feu vert des médecins, au mois d’octobre, Mike Di Meglio a pu s’offrir un galop d’essais au guidon de la FTR Kawasaki de l’équipe Avintia. C’est comme ça qu’il a réussi à récupérer un guidon pour débarquer en MotoGP alors que son avenir en Grands Prix semblait compromis après une quatrième saison de Moto2 bouclée à nouveau dans le ventre mou du peloton. « J’étais en contact avec le team Avintia depuis 2012, explique- t- il. J’avais fait une séance d’essais avec eux en République tchèque. Ça s’était plutôt bien passé, et nous étions restés en contact avec Raul Romero par l’intermédia­ire d’Éric Garcia, mon manager. » Voilà pourquoi, lorsque l’Argentin Leandro Mercado, censé courir cette année avec Barbera, a déclaré forfait faute de pouvoir réunir le budget promis, la carte Di Meglio est remontée à la surface. « Ils m’ont proposé une nouvelle séance de tests où j’ai fait de bons chronos et glissé des commentair­es proches de ceux de Barbera. Ça s’est fait comme ça. » Bien évidemment, pour obtenir une place chez Avintia, le Toulousain a dû mettre la main à la poche. « Ça ne me coûte pas plus cher qu’une place en Moto2, glisse- t- il pudiquemen­t. L’avantage du MotoGP par rapport aux autres catégories, c’est que la vitrine a plus de visibilité. C’est plus facile de trouver des partenaire­s. » Depuis son titre de champion du monde 125 obtenu en 2008 avec l’équipe d’Aki Ajo, Mike Di Meglio doit se démener pour assurer sa présence en Grands Prix. Après une bonne et prometteus­e première saison dans la défunte classe 250, le Français est allé de déceptions en désillusio­ns. Il raconte : « En 2008, j’ai eu la chance de me retrouver dans une structure avec laquelle j’étais en totale osmose. On se comprenait et on s’apportait des solutions les uns et les autres, sur le plan de la technique comme du pilotage. Quand je suis parti chez Aspar, la première saison avec la 250 s’est elle aussi bien passée. Malheureus­ement, quand il a fallu passer au Moto2, on a fait l’erreur d’écouter Julian Simon, mon coéquipier. On a opté pour la partiecycl­e RSV qui s’est avérée être un fl op. On a ensuite récupéré des Suter, mais c’était trop tard. J’ai fait deux Top dix, mais on était déjà perdu. À partir de là, je ne pouvais pas conserver ma place. Chez Aspar, si tu n’es pas Espagnol, il faut se battre devant pour intéresser les sponsors. » Sinon, c’est la porte. Récupéré par Hervé Poncharal, le Toulousain n’a malheureus­ement pas fait mieux en 2011. C’est à partir de là que les choses se sont compliquée­s et qu’il a fallu sortir le porte- monnaie. « Je sais que tout cela peut sembler déraisonna­ble, admet Mike. On me dit que je pourrais gagner ma vie en courant en endurance au lieu de dépenser mon argent pour rouler en Grands Prix mais si je suis là, c’est parce que j’aime ça. C’est ce que j’ai envie de faire, c’est mon boulot depuis dix ans, ma passion depuis que j’ai trois ans... L’endurance, c’est autre chose. À la limite le Superbike, je ne dis pas... Mais j’aime tellement la moto que j’ai envie que ça reparte. Je sais qu’on vit une période compliquée, la plupart des pilotes paient pour courir en Moto3 et en Moto2. Je me dis qu’amener un budget pour

AVINTIA M’A PROPOSÉ UNE NOUVELLE SÉANCE DE TESTS OÙ J’AI FAIT DE BONS CHRONOS

rouler en MotoGP quand on n’a rien prouvé, c’est normal... À moi maintenant de montrer que j’ai ma place ici. » Comme d’autres, Mike Di Meglio se débrouille pour fi nancer son engagement en Grands Prix par l’intermédia­ire d’une société qui pratique le portage salarial et commercial offshore, en l’occurrence le groupe SRSI, qui possède une antenne en Andorre. « Il ne faut pas se leurrer, aujourd’hui la plupart des sponsors investisse­nt dans la course pour défi scaliser » , justifi e un expert du sujet. Avant de trouver des partenaire­s prêts à lui fi ler un coup de main, Mike en a tout de même été de sa poche. Et, aujourd’hui encore, il vit en comptant auprès de sa femme qui habille des cabines d’avion pour Airbus, et Matteo, leur petit garçon de deux ans. « Ça fait longtemps que je me prive, reconnaît- il. Je n’ai pas un train de vie de fou, on fait attention à tout. Mon père me fi le encore un coup de main pour le quotidien... Les vacances, c’est une fois par an, pour aller voir la mer. Mais je n’ai besoin ni d’une belle bagnole, ni d’une belle montre. » Bouffer de la vache enragée l’a par ailleurs endurci. « Gagner de l’argent, ne plus en avoir, être adoré puis ignoré par ceux qui t’appelaient tous les jours... Tout cela te fait prendre du recul. Une chose est sûre, je mesure la chance que j’ai aujourd’hui de me retrouver en MotoGP, même si c’est au travers de la classe Open. » Cette année, le team Avintia engage ses motos en son nom propre. Adieu les FTR Kawasaki. Derrière tout cela plane

UNE CHOSE EST SÛRE, JE MESURE LA CHANCE QUE J’AI DE ME RETROUVER EN MOTOGP, MÊME EN CLASSE OPEN

bien évidemment l’ombre du constructe­ur japonais. Bien qu’Ichiro Yoda fasse tout pour que le nom de Kawasaki ne soit pas mentionné, il est clair que l’usine nippone s’interroge sur un possible retour en MotoGP. Les machines de l’équipe Avintia ressemblen­t en tout cas étrangemen­t à celles que pilotent Tom Sykes et Loris Baz en Mondial Superbike. Équipés de valves pneumatiqu­es, les moteurs Kawasaki de Barbera et Di Meglio sont développés chez Akira, la société française qui assure la maintenanc­e des 4- cylindres des Kawasaki offi cielles. Quant aux partie- cycles, elles sont désormais fabriquées au Japon par la société qui réalise celles des ZX- 10R de l’équipe de Ichiro Yoda. Ce dernier a même débauché un ingénieur de chez Yamaha, Akikoto Ishida, pour faire le lien avec le team espagnol. Lors des premiers tests en Malaisie, Barbera et Di Meglio ont eu des problèmes de dribble du fait d’un cadre trop rigide car développé pour les Pirelli de Superbike. Une nouvelle version devrait rapidement se retrouver dans le garage de l’équipe de Raul Romero. « J’espère qu’on sera prêt pour le premier GP, glisse Mike. L’objectif de l’équipe est de se battre avec les Honda et les Yamaha engagées en Open. Ça ne sera pas facile, surtout quand on voit ce qu’a fait Espargaro lors des premiers tests, mais l’équipe est motivée pour faire progresser notre machine et en tirer le maximum. De mon côté, je veux être à la hauteur de mon coéquipier qui roule dans cette catégorie depuis quatre ou cinq ans. Je sais que j’en ai la capacité. » Et à 26 ans, Mike a encore toute la vie devant lui.

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