LES MOMENTS DE DOUTE
Lorenzo
La saison dernière, Jorge a été héroïque. À Assen, le pilote, qui s’est cassé la clavicule aux essais, a demandé à son entourage de lui organiser, dans la foulée de sa chute, un vol pour Barcelone afi n de se faire opérer de sa fracture le plus rapidement possible. Moins de 24 heures plus tard, on le retrouve de nouveau au guidon de sa machine. Après avoir obtenu le feu vert des médecins, le Majorquin laisse tout le monde sans voix en s’alignant au départ de la course. Cette détermination a pourtant été plus d’une fois soumise à rude épreuve. Comme en 2008, lors de sa première saison en MotoGP. Avec un pilotage encore marqué de ses réfl exes acquis en 250, Jorge, poussant trop loin ses limites lors des derniers GP, tombe à de nombreuses reprises. À Barcelone, il chute lourdement et perd connaissance : « Il a vraiment eu très peur après le crash, explique Dani Amatriaín, qui était encore son manager à l’époque. Je me souviens de l’infi rmière me disant qu’il fallait l’évacuer et que son état était inquiétant. Son regard, ce qu’il faisait avec ses yeux... Nous devions le transférer de toute urgence vers Barcelone. Ça a été un moment diffi cile, nous avons eu peur, mais heureusement, avec le temps, son état s’est arrangé. » Après l’accident, pétrifi é par l’angoisse, il envisage alors sérieusement de tout arrêter. L’appel de la compétition est fi nalement le plus fort et depuis, Jorge Lorenzo a remporté deux championnats dans la catégorie reine. En épousant la carrière de pilote de MotoGP, Lorenzo, Pedrosa et Marquez n’ont pas choisi la facilité. Chutes et blessures font partie des risques de leur profession. C’est dans l’adversité que l’on a pu juger de leur exceptionnelle détermination.
Pedrosa
En raison de sa constitution physique, Dani est un pilote qui peut être qualifi é d’assez fragile. La liste de ses blessures pourrait remplir de nombreuses pages. L’absence de titre en catégorie MotoGP dans son palmarès peut y être imputée. C’est en 2011, après sa chute provoquée par Marco Simoncelli au Mans, que Pedrosa remet sérieusement ses ambitions en question. Il faut dire que le pilote espagnol venait tout juste de reprendre le guidon après une longue période de convalescence, due à une chute à Motegi l’année précédente et qui lui avait valu trois opérations chirurgicales. On comprend pourquoi cette nouvelle chute, qui l’a renvoyé chez lui pour deux semaines supplémentaires, a sérieusement ébranlé la motivation de notre homme. À cela, s’ajoute un élément peu connu mais aggravant dans son cas : une incontrôlable phobie des radiographies. Mais fi nalement, le Catalan a réussi à faire de ses faiblesses une force car les moments passés avec les médecins ont fait de lui un véritable expert en anatomie humaine. Reste à savoir si de telles connaissances peuvent faire la différence sur la piste...
Marquez
Contrairement à Jorge et Dani, Marc ne s’est jamais demandé si la course était essentielle dans sa vie. Pas même lors de sa longue période de convalescence alors qu’il s’était sévèrement blessé, au Grand Prix de Malaisie en 2010, en se cognant violemment la tête sur le sol au début de la première séance qualifi cative du vendredi. Une chute qui a entraîné un dédoublement de sa vision. Bien que le jeune pilote ait essayé d’éviter la chirurgie à tout prix – comptant sur un rétablissement naturel –, l’intervention chirurgicale s’est fi nalement révélée inévitable. Une convalescence qui s’est accompagnée de doutes et de questionnements mais sans réelle anxiété. Après son opération à l’oeil, les choses sont rentrées dans l’ordre et dans l’esprit de Marc, cet événement a été relégué au rang de mauvais souvenir. Une bonne nature doublée d’un courage étonnant, dont nous avons pu être les témoins, cette année, à Silverstone. Après s’être blessé à l’épaule pendant le warm- up du dimanche, Marc a demandé aux commissaires de course de l’emmener le plus rapidement possible à la clinique mobile pour replacer son épaule. Il est alors tout à fait conscient de l’urgence de la situation. Une fois arrivé dans la clinique, le champion du monde interpelle les personnes présentes : « Qui est responsable des épaules disloquées ? » Puis, quand le docteur lui demande s’il veut être anesthésié, il répond : « Non, non, si vous me faites une anesthésie, ces gars ne me laisseront pas prendre le départ... » Quelques minutes plus tard, Marquez prend le départ de la course pour terminer... en deuxième position.