GP Racing

J- F. Baldé à domicile ...........

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau, archives MR.

Hédoniste, perfection­niste, un mec hors normes.

S’il n’a jamais réussi à décrocher un titre de champion du monde, Jean-François Baldé a tout de même remporté cinq Grands Prix et collection­né les podiums dans les catégories 250 et 350. Passionné de la course, amoureux de la vie et féru de mécanique, le Hyérois fut l’une des grandes figures de la colonie française engagée au début des années 80.

Son amour de la moto, Jean- François Baldé en dessine les contours alors qu’il n’est qu’un gamin s’échinant sur son vélo du côté de Mulhouse, la ville où il a vu le jour le 29 novembre 1950. « On bricolait avec une pince à linge et un bout de carton qu’on plaçait dans les rayons

pour faire le bruit d’un moteur » , se souvient- il. Quelques années plus tard, nouvelle révélation, dans le Var cette fois, ses parents ayant mis le cap sur la ville d’Hyères pour reprendre une petite droguerie après avoir fait carrière en Alsace dans une entreprise de peinture en bâtiment. « J’avais quatorze ans et un copain m’a fait essayer son Solex sur la piste d’athlétisme à côté de l’école... Impossible d’oublier cette sensation du moteur qui te pousse. De là, je n’ai plus jamais eu envie de pédaler. » Et quand quelques années plus tard, il pose ses fesses sur la selle d’une 500 AJS, il ne fait plus aucun doute que sa vie sera dédiée à la mécanique. « Pouvoir doubler les voitures, c’était tout simplement génial. » À partir de là, et malgré les réticences de son paternel, Jean- François n’a plus qu’une idée en tête : s’offrir sa première moto. Ce sera une 500 Norton qu’il achètera à Toulon, chez Guignabode­t, et qu’il n’aura de cesse d’améliorer en allant s’acheter des pièces en Angleterre. Avec le père « Guigna » , Baldé fait ses premiers tours sur le circuit du Luc. « Je n’avais pas l’intention de faire de la course, souffl e- t- il. Juste l’idée de me faire plaisir en comparant les performanc­es des motos des uns et des autres. Mais comme je ne roulais pas trop mal, Guigna m’a proposé d’essayer une Suzuki T20. » Moto avec laquelle il participer­a à sa première compétitio­n, la Côte Lapize à Montlhéry. À partir de là, Jean- François commence à se faire un nom dans le championna­t de France et les courses d’endurance alors très en vogue dans l’Hexagone. Avec Christian Léon, Gilles Husson ou encore Yvon Duhamel, Baldé fait parler de lui sur les épreuves de régularité, tout en brillant épisodique­ment en vitesse au guidon de la Kawasaki H1R qu’il s’est offerte. Avec la création du circuit Paul- Ricard, le Varois d’adoption dispute son premier Grand Prix au Castellet en 1973. Il s’en souvient comme si c’était hier : « C’était en 500, je me suis bagarré toute la course avec Billy Nelson. Il me passait dans la ligne droite du Mistral, je le redoublais dans le double droit du Beausset parce que je connaissai­s mieux le circuit. C’est Saarinen qui gagne devant Read, Kanaya, Léon, Newcombe et son moteur d’avion, Mandracci, Offendstad­t et moi. »

« LA VICTOIRE, UN LAIT DOUX ET CRÉMEUX SUR LE CORPS »

Ce n’est toutefois qu’en 1976 que Jean- François se lance dans sa première véritable saison de vitesse au guidon de 250 et 350 Yamaha. « Je suis monté sur mon premier podium au Mans, avec Walter Villa et Cecotto, là même où treize ans plus tard, pour ma dernière saison de Grands Prix, je ne serai pas qualifi é... » Entre- temps, Jean-François parviendra tout de même à se forger un joli palmarès. En 1979, il récupère aux États-Unis une paire de Kawasaki KR, grâce à Xavier Maugendre, l’importateu­r de la marque japonaise

qui l’avait aidé à ses débuts en France, et à qui Jean- François est toujours resté fi dèle. La preuve, aujourd’hui encore, quand il participe à des événements de motos classiques, l’ancien pilote porte un tee- shirt à l’effi gie de son ancien mentor. « J’ai toujours été droit et honnête, dit Baldé. Quelques années plus tôt, M. Guillou m’avait fait une très belle offre pour rouler en endurance. Je l’avais refusée car l’accepter m’aurait donné l’impression de trahir M. Maugendre. » À la fi n des années 70, les bicylindre­s de l’usine japonaise font la loi dans les moyennes cylindrées. Aux mains du Sud- Africain Kork Ballington et de l’Australien Gregg Hansford, les Kawasaki surclassen­t les Yamaha et autre Morbidelli. Héritant du même matériel que ses deux adversaire­s de l’hémisphère austral, Baldé commence à obtenir de bons résultats. En 1980, il décroche la troisième place des championna­ts du monde 250 et 350. Il lui faut toutefois attendre la saison suivante pour décrocher sa première victoire, sur le circuit de Buenos Aires. « Mon plus beau souvenir, affi rme Baldé sans détour. Quand tu cours après ça toute ta vie, le jour où ça arrive... Que tous les autres sont derrière quand tu passes la ligne... C’est comme si un lait doux et crémeux coulait sur ton corps ( sic). » Lors de cette saison 1981, le Varois monte à six reprises sur le podium de la catégorie 250, et trois fois en 350. Pas suffi sant pour détrôner le roi Mang. Vice- champion du monde 250, troisième du championna­t 350, Jean- François repart à l’assaut des couronnes en 1982 avec ses Kawasaki. « J’aurais dû me concentrer sur une seule catégorie, mais j’avais besoin des primes de départ pour fi nancer ma saison. » Vainqueur de trois des quatre premières courses du championna­t 350, il se casse malheureus­ement le péroné sous la pluie à Imatra. Le pilote Kawasaki apprendra plus tard qu’il n’avait pas disposé ce jour- là des meilleurs pneus, Dunlop ayant préféré avantager Mang. « Le marché allemand était plus important pour eux » , rappelle Jean- François.

UN AMOUREUX DU DÉTAIL QUI FAIT FIGURE DE PRÉCURSEUR

Saison foutue, le Français voit ses espoirs de titre s’évanouir alors qu’il était en tête du classement général. En 1983, Kawasaki retire ses 250 du championna­t du monde et la catégorie 350 disparaît des tablettes, Baldé se tourne alors vers Alain Chevallier, artisan de cadres à succès. Avec sa Cheval à moteur Yamaha, le Hyérois remporte le premier GP 250 de la saison 1983, en Afrique du Sud. Exploit sans suite. Il ne revoit plus le podium

et se fait percuter à Assen par Ivan Palazzese. Bilan : ligaments du genou arrachés. À près de 33 ans, le bonhomme est cependant bien loin de songer à la retraite. Avec ses fi dèles mécanicien­s, et Alain Chevalier qui le suit, Baldé récupère la 250 Pernod avec laquelle Jacques Bolle a remporté quelques mois plus tôt le Grand Prix de Grande- Bretagne. « Le problème, c’est que Bidalot n’était plus là et que nous avons dû faire avec les pièces

qui restaient au fond des tiroirs. » Dixième du championna­t 250 en 1984 avec la Pernod, dix- neuvième en 1985 avec une Yamaha compétitio­n- client, Baldé s’accroche à ce métier qu’il aime tant, convaincu qu’il est encore capable de bien fi gurer pour peu qu’on lui en donne les moyens. C’est le Japonais Katayama qui va les lui donner sous la forme d’une 250 Honda NSR. Jean- François a alors 36 ans. « Katayama m’a fait confi ance parce qu’il savait que je ne mentais jamais. » Avec ce cadeau tombé du ciel, le Hyérois monte à quatre reprises sur le podium et se classe à la cinquième place du championna­t du monde. « Je me suis même retrouvé à un moment en tête du classement général, rappelle- t- il. Mais j’ai fait une mauvaise course à Assen à cause de l’essence qui sortait de mon réservoir et aspergeait ma bulle, et à Spa où je suis tombé de la moto parce que les mécanos

« J’ÉTAIS EN COSTARD ET JE VIDAIS LES RÉSERVOIRS POUR METTRE L’ESSENCE À L’ABRI DES ESPIONS »

avaient passé du Pliz sur ma selle et qu’il pleuvait... À partir de là, les Japonais m’ont oublié et je n’ai plus eu les bonnes pièces. Il a même fallu que Sito Pons me prête un vilebrequi­n en fin de saison pour que j’aille au bout. » Pas question pour autant de penser à la retraite. En 1987, Jean- François et son fi dèle carré – Franco Dettori ( « le puits de science » ) , André Laugier ( « le taiseux, le fi dèle » ) , Jo Bagioni ( « le Corse au grand coeur, prêt à prendre la balle pour défendre les copains » ) et Christophe Léonce ( « le discret et méthodique qui ira loin » ) – se lancent dans une nouvelle aventure avec la 250 Defi . Un moteur Rotax, un cadre en tôle réalisé par Dettori et voilà Baldé qualifi é en première ligne sur le circuit de Jarama. À la force du poignet, l’équipe varoise inscrit six points au classement du championna­t du monde, puis dix de plus en 1988. « On dormait tous dans la même caravane, on vivait avec rien » , se marret- il aujourd’hui. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir toujours « la classe » . Lorsqu’il était pilote, Jean- François s’évertuait en effet à donner du sport moto une image d’Épinal : machines soignées, camion nickel chrome, mécanicien­s tirés à quatre épingles, et un style aussi propre que les moteurs qu’il a toujours tenu à préparer. Cet amoureux du détail faisait alors fi gure de précurseur, la tendance étant plutôt, à l’époque, aux cuirs élimés, aux bouts de scotch américain et aux traces de doigts noirs sur les carénages rapiécés. Jean- François n’a pas pour autant géré sa carrière l’oeil rivé sur le niveau de son compte en banque, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. « Cette vie nous faisait tout simplement bander » , résume l’artiste qui ira même jusqu’à enregistre­r un disque pour essayer de fi nancer l’un de ses championna­ts. En 1989, sentant la fi n

UNE DERNIÈRE SAISON SANS PRESSION, POUR LE PLAISIR

de sa carrière sportive arriver, Jean- François décide, à la veille de ses quarante piges, de se payer une dernière saison au guidon d’une 250 Yamaha compétitio­n- client. « Une moto d’origine achetée chez un concession­naire à Suzuka. » Aucun point marqué cette année- là, mais une jolie tournée d’adieux, sans pression, juste pour le plaisir. Quand il range enfi n son cuir, Jean- François Baldé souffl e un an ou deux avant de revenir sur les Grands Prix pour assurer les commentair­es sur la défunte Cinq. À la mort de la chaîne privée, il rejoint la société Elf pour surveiller les carburants sur le championna­t du monde de F1. « J’étais en costard et je vidais les réservoirs des Benetton et des Williams pour mettre l’essence à l’abri des espions, se souvient le Français. À cette époque, Elf avait un carburant qui faisait gagner 40 chevaux aux voitures ! M. Fayard savait que j’étais quelqu’un de confi ance capable de gérer ce genre de mission. » Lorsque la réglementa­tion sur les carburants met un terme aux délires des chimistes, Jean- François reste chez Elf pour assurer la commercial­isation de l’essence et des lubrifi ants sur les Grands Prix moto. Puis il passe, à la fi n des années 90, chez Nutec, une société créée par d’anciens ingénieurs Elf. « Kenny Roberts Jr. a été champion du monde avec notre carburant » , rappelle Baldé. Nutec disparaît néanmoins très vite du paysage. Jean- François retrouve alors le micro pour commenter les Grands Prix sur TMC avec Laurent Corric. Il enchaîne ensuite avec Christian Choupin chez France Télévision­s. Et lorsque la télé publique lâche le MotoGP, le Hyérois rentre chez lui pour restaurer motos et voitures de collection de fi dèles clients. Depuis cinq ans, Jean- François a tout de même retrouvé le monde de la course pour le compte d’ETS, une société spécialisé­e dans des carburants compétitio­n et basée à Rouen. Passionné un jour, passionné toujours.

 ??  ?? 1 En 1983, Baldé troque ses Kawasaki pour des Chevalier. 2 Lors de sa tournée d’adieu en 1989, ici aux Pays-Bas. 3 En 1983, le Hyérois peine avec une Pernod hors du coup. 4 En 1987, au guidon de la Défi construite par Franco Dettori. Une aventure...
1 En 1983, Baldé troque ses Kawasaki pour des Chevalier. 2 Lors de sa tournée d’adieu en 1989, ici aux Pays-Bas. 3 En 1983, le Hyérois peine avec une Pernod hors du coup. 4 En 1987, au guidon de la Défi construite par Franco Dettori. Une aventure...
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1 Passionné depuis toujours de belles mécaniques, JeanFranço­is entretient amoureusem­ent sa Jaguar Type E. 2 Les pinceaux avec lesquels son père s’est échiné à l’ouvrage trônent fièrement dans le garage. 3 En vert et contre tous en 1981. 4 La 250 TZ...
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