GP Racing

Portrait Nick Harris............

En près de 40 ans de travail au sein du paddock du Continenta­l Circus, Nick Harris en est devenu l’un des personnage­s incontourn­ables. Le commentate­ur officiel du MotoGP pour la Dorna nous raconte son histoire.

- Par Alexis Delisse. Photos Jean-Aignan Museau.

Rencontre avec la voix du MotoGP.

Aussi curieux que cela puisse paraître, la première passion de Nick Harris n’était pas la moto, mais le football. Ses parents, eux, étaient férus de cricket et de rugby. Rien ne prédestina­it donc le commentate­ur anglais à la carrière qui fut la sienne. Le déclic a en fait eu lieu dans les années 1960 après qu’il a assisté à ses premières courses de motocross. « J’avais un ami d’école qui était très bon à moto et avec qui j’avais l’habitude de me rendre sur les circuits de cross aux alentours d’Oxford. Un jour, il m’a proposé d’aller à Mallory Park. À cette époque, beaucoup de stars des Grands Prix venaient rouler dans d’autres championna­ts, en particulie­r en Angleterre, vu qu’il n’y avait pas de Grand Prix au calendrier à part le Tourist Trophy de l’île de Man. Je suis descendu de la voiture et à ce moment- là, passait Mike Hailwood sur la Honda Four. Je ne pouvais pas le voir à cet instant mais... Wouah, j’étais déjà amoureux de ce bruit ! » Peu de temps après, en 1965, l’enfant d’Oxford prend un ferry à Liverpool après l’école, direction l’île de Man. « Je suis arrivé à 4 heures du matin, je suis resté la journée et j’ai vu Mike Hailwood remporter le senior TT, se souvient Nick. C’était fantastiqu­e. Il vivait à Oxford, comme moi, et il est immédiatem­ent devenu mon héros absolu. » De quoi lui donner envie de travailler au plus près de son idole, sur les Grands Prix. « Après quelques piges dans des journaux locaux, j’ai débuté ma carrière de journalist­e chez Motor Cycle News, en 1975 qui était – et doit toujours être – le premier journal moto au monde. J’ai ensuite travaillé pour Motor Cycle Weekly en tant que reporter sur les Grands Prix – ma vocation de toujours et que je ne pouvais pas faire chez MCN. Puis j’ai pu créer ma propre entreprise pour couvrir les Grands Prix à partir de 1980. » Une entreprise fl orissante puisque Nick Harris Media Communicat­ions ( NHMC) est rapidement en charge des relations presse pour le team Rothmans Honda à l’époque où Wayne Gardner et Eddie Lawson soulevaien­t le trophée de champion. « En parallèle, je commentais aussi des rencontres du club de football d’Oxford pour l’antenne radio locale de la BBC et je faisais aussi beaucoup de live sur les Grands Prix pour parler de Barry Sheene qui suscitait un énorme engouement en Angleterre, se remémore Harris. Ce qui constituai­t d’ailleurs une excellente préparatio­n pour ce que je fais aujourd’hui. »

« JE SUIS TOUJOURS UN PEU COMMENTATE­UR RADIO »

En 1993, Rothmans se retire des Grands Prix pour se consacrer à la Formule 1 et sponsorise­r l’équipe Williams. Le cigarettie­r conserve les services de NHMC. « Malgré mon amour pour la moto, j’ai pensé que c’était une opportunit­é à ne pas manquer. Et ces six années ont été une période incroyable. L’aventure s’est arrêtée en 1999 mais pendant tout ce temps, je me rendais aussi sur des Grands Prix moto et je dois remercier ma femme car à cette époque, je devais faire 25 courses par an, soit presque la moitié de l’année ! Mais cela a payé car en 2000, la Dorna m’a engagé comme commentate­ur du signal internatio­nal. C’est ce que j’ai toujours voulu faire, je suis très chanceux de pouvoir m’y consacrer à plein- temps. » Succédant à Toby Moody et Dennis Noyes, Nick – qui réalisait déjà des communiqué­s pour la Dorna – découvre le direct. Un direct dont la couverture était bien moins importante qu’aujourd’hui puisque les séances d’essais ou encore le warm- up n’étaient pas retransmis. Nick utilise alors son expérience en radio pour rapidement s’imposer comme « la » voix du MotoGP. « Je suis toujours un peu un commentate­ur radio, analyse- t- il. J’en ai fait pendant de nombreuses années, avant la TV, et je parle probableme­nt un peu trop pour de la télévision. Beaucoup de choses ont évolué au fil du temps. La technologi­e, les infographi­es, les chronos. Quand j’ai commencé, vous aviez seulement le classement une fois par tour. Je me souviens à Anderstorp ; les cabines de commentate­urs n’étaient pas sur la ligne d’arrivée et vous ne saviez pas exactement qui avait remporté la course ! Il n’y avait pas d’images. C’était

complèteme­nt différent. » Le MotoGP a lui aussi beaucoup changé en 40 ans, notamment en Grande- Bretagne où les GP étaient au

plus bas. « En 2000, quand j’ai commencé le commentair­e pour la Dorna, il y avait 18 000 personnes pour la manche de Donington Park alors qu’au World Superbike de Brands Hatch, ils avaient un public quatre ou cinq fois plus nombreux, rappelle Nick. Le MotoGP tout entier a complèteme­nt changé grâce à la Dorna. Ce que nous avons vu la saison passée avec 9 vainqueurs différents et un premier succès anglais depuis 1971 était incroyable. J’étais là quand Barry Sheene a remporté le Grand Prix de Suède, c’était donc un grand moment pour moi quand Cal Crutchlow a gagné en République tchèque. La couverture télévisuel­le, l’organisati­on, les médias, la sécurité, le nombre d’usines engagées, le nombre de spectateur­s sur les circuits... Les gens de mon âge regardent souvent dans le passé en pensant à la bonne vieille époque des 500 cm3 2- temps mais je peux vous dire que cela n’a rien à voir avec ce que nous vivons actuelleme­nt. Nous sommes au sommet de cette discipline, nous n’avons jamais eu un si beau spectacle qu’aujourd’hui. » Un spectacle que Nick est chargé de transmettr­e. Pour cela, un seul secret : « La passion. Il est crucial d’exprimer au téléspecta­teur combien tu aimes ce que tu vois. Une bonne préparatio­n est aussi indispensa­ble. Et puis il faut prendre conscience que vous n’êtes pas LA personne importante. La star, ce sont les gens que tu questionne­s, pas toi. Certains commentate­urs se trouvent plus importants que ceux à qui ils parlent, c’est une grosse erreur. Ton travail est de communique­r, de transmettr­e. Pas d’être Valentino Rossi. » Un Rossi dont la première victoire avec Yamaha à Welkom en 2004 fait partie des souvenirs marquants de sa carrière. « Rencontrer Mike Hailwood à Daytona, voir Barry Sheene remporter sa toute première course 500 cm3 en battant Giacomo Agostini avec un écart infi me ou encore la victoire de Sete Gibernau juste après la mort de Daijiro Kato... Oui, j’ai des souvenirs mémorables plein la tête.

« LE FEELING EST EXACTEMENT LE MÊME QU’EN 1980 »

Mais la chose la plus folle que j’ai faite est mon tour de l’île de Man en tant que singe dans un side- car avec Trevor Ireson qui avait remporté le TT deux ans auparavant. Et le plus incroyable dans cette histoire, c’est que pour faire la photo de couverture du programme offi ciel du TT, nous nous étions donné rendez- vous deux semaines avant au Grand Prix d’Espagne à Jarama. Et plutôt que de se contenter d’une photo statique dans les box, Trevor a voulu en faire une en action. Il m’a dit : “Pourquoi on ne prendrait pas la piste pour quelques tours pendant les qualifi cations pour avoir un beau cliché ?” Pendant les qualifi cations side- car du Grand Prix d’Espagne, je suis arrivé par l’arrière du box, j’ai toqué, son coéquipier habituel Clive Pollington m’a ouvert et prêté son casque, et nous sommes partis pour 3 tours. C’est la chose la plus dingue que j’ai faite dans ma vie ! Personne à la FIM ne l’a jamais su ! » Aujourd’hui, Nick est plus sage. Mais toujours aussi passionné. « À mon âge, évidemment, les voyages deviennent éprouvants. Quand j’ai débuté, il y avait 11 Grands Prix, tous en Europe. La première course en dehors d’Europe où je suis allé fut l’Argentine en 1982. Mais quand je traverse le paddock un dimanche matin, le feeling est exactement le même que lorsque j’ai commencé, en 1980. J’adore les dimanches de course et j’adore commenter. Il n’y a pas de meilleure sensation que lorsque les pilotes se présentent sur la grille pour prendre le départ d’une course MotoGP. Le jour où cet enthousias­me ne sera plus audible à travers ma voix, je dirai stop. » En attendant, il estime que les GP ont un bel avenir devant eux. « Le MotoGP est promis à un avenir radieux, sans aucun doute. Ce que j’aime chez Carmelo Ezpeleta et la Dorna est qu’ils ne se reposent pas sur leurs lauriers. Ils cherchent en permanence à faire mieux pour demain. Cela ne plaît pas toujours à tout le monde mais c’est la seule façon de faire. Et comme je l’ai dit, ce sport n’a jamais été dans la position où il est actuelleme­nt. Que cela puisse continuer encore longtemps ! »

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