Les contrôles techniques .....
Assurer le respect du règlement à la lettre sur un parc d’environ 120 motos, tel est l’enjeu phare des trois personnes chargées des contrôles techniques en MotoGP. Tout est mis en oeuvre afin d’éviter les agissements malhonnêtes, même les plus subtils...
Comment ça se passe ? On vous dit tout.
Grand Prix d’Espagne 2007, Casey Stoner vient de triompher haut la main pour la troisième fois. En marge de cette domination, Livio Suppo, alors directeur du projet MotoGP pour Ducati, se voit de son côté contraint de mettre un terme aux rumeurs de tricherie à l’encontre de la fi rme de Borgo Panigale. Plus récemment, en 2012, Marc Marquez et la structure Monlau d’Emilio Alzamora ont dû essuyer ce genre d’allégations. Aussi loufoque que cela puisse paraître, beaucoup pensaient que l’Espagnol utilisait un boîtier électronique capable de recevoir une cartographie illégale, laquelle pouvait s’autodétruire à l’extinction du moteur...
LE HASARD FAIT BIEN LES CHOSES
Pour la majorité d’entre elles, ces rumeurs qui circulent dans le paddock sont toujours fausses. Fort heureusement. Depuis 2012, Danny Aldridge, directeur technique du MotoGP, est le garant du respect des règles. Au sein de l’IRTA, il offi cie aux côtés de Gary McLaren, spécialisé en Moto2 et Moto3, et de Jordi Perez, en charge des moteurs MotoGP. Avec environ 35 Moto2, presque autant de Moto3, et 48 MotoGP ( deux par pilotes), le contrôle de chaque machine durant un week- end de Grand Prix est tout simplement impossible. « Les qualifi cations représentent la première étape de notre processus de vérifi cation, confi e Danny Aldridge. C’est la même pour la course. C’est un choix totalement aléatoire. Nous pouvons contrôler autant de machines que nous le souhaitons, pas forcément la première. En Moto2 et Moto3, nous choisissons habituellement le Top 3 ainsi que deux autres motos au hasard. En MotoGP, nous avons la Q1 et la Q2. J’ai tendance à choisir une ou deux machines qui ne sont pas passées en Q2, lesquelles ne sont donc pas les plus rapides. Je fais ensuite de même à l’issue de la Q2. » Contrairement au MotoGP, le règlement impose un poids minimum pour le pilote et sa machine. Cette première vérifi cation est souvent suivie du téléchargement des données depuis le boîtier électronique Magnetti Marelli ( MotoGP), 2D ( Moto2) ou Dell’Orto ( Moto3). « Après quoi, nous faisons les contrôles qui nous semblent les plus pertinents. Ça peut concerner le bruit à la sortie de l’échappement la récupération d’un échantillon d’huile, en passant par un contrôle au crible de l’ECU... Tout ce dont nous avons envie. Nous procédons en moyenne à cinq points de contrôle. Nous pouvons en faire davantage, mais nous allons rarement au- delà de cinq ou six aspects techniques. » Il existe quelques épisodes dans l’histoire des Grands Prix d’usage d’huile ou de carburant non conforme, à l’image de Mattia Pasini, récemment disqualifi é du Grand Prix de Barcelone. En 1998, un échantillon de carburant avait été prélevé sur l’Aprilia de Kazuto Sakata à l’issue du Grand Prix d’Australie. Celui- ci s’était avéré non conforme et le Japonais avait donc été disqualifi é. Après avoir fait appel, il avait fi nalement obtenu gain de cause au détriment de Tomomi Manako qui avait dû rendre sa couronne durant l’hiver... « Aujourd’hui, nous prélevons deux échantillons en présence du team, explique Aldridge. Il y a toujours l’un d’entre nous pour
le récupérer personnellement. Nous divisons ces échantillons en deux lots, A et B. Le premier est envoyé à notre laboratoire tandis que le second est conservé par la FIM. » Dans le cas d’un résultat positif, l’équipe dispose du droit de réaliser sa propre analyse auprès du laboratoire de son choix. « C’est très rare d’en arriver là, car nos contrôles ont lieu chaque semaine, c’est une habitude. » Danny Aldridge avoue qu’il n’a jamais eu affaire
à une telle erreur de carburant : « En Moto2 et Moto3, c’est notre propre carburant. En MotoGP, la seule chose qui arrive parfois, c’est de nous remettre le mauvais certifi cat d’authenticité. Ce n’est pas un motif de disqualifi cation, car le carburant reste homologué... C’est un simple avertissement. » Et tout cela prend du temps puisqu’en moyenne, un contrôle technique dure environ 30 minutes. « En MotoGP, nous pesons la moto. Nous pouvons prendre un échantillon de carburant. Par exemple, si nous contrôlons la capacité du réservoir, cela prend beaucoup plus de temps. Mais récupérer les données est très rapide. »
PAS DE PLACE POUR LA TRICHE ?
L’an dernier à Jerez justement, Brad Binder avait perdu sa place en première ligne suite à une erreur de manipulation de son équipe sur le boîtier de sa KTM. Il avait alors été contraint de s’élancer de la dernière place sur la grille. « Nous avons trois boîtiers électroniques différents, un pour chacune des catégories. En Moto3, il y a une personne de Dell’Orto présente à chaque Grand Prix. Elle est à nos côtés durant le contrôle technique. Elle s’occupe de l’analyse puis nous transmet son rapport. En cas d’anomalie, nous entamons une discussion. » En Moto2, c’est Gary McLaren qui se charge du contrôle électronique.
« Avec ExternPro ( organisme qui gère les moteurs Honda, ndlr), il récupère les données et les analyses. » En MotoGP,
l’analyse est moins fi ne. « Nous comparons les logiciels. Un représentant de Magneti Marelli ainsi qu’un autre membre de l’équipe sont avec moi. Je télécharge le logiciel et je le compare avec nos cartographies de référence. » En Moto3, les teams peuvent utiliser ce qu’ils veulent en termes de cartes jusqu’à la deuxième séance d’essais libres. Quatre heures après, ils doivent remettre à l’un des responsables celles avec lesquelles ils termineront le week- end. « Au- delà de cette heure limite, c’est impossible. Dell’Orto et moi avons une copie. » Contractuellement parlant, les équipes disposent d’une licence et peuvent apporter autant d’ajustements voulus dans un cadre
délimité. « En MotoGP, c’est la même procédure. Il y a quelques variations du logiciel, 12.1, 12.3... Une fois que le team s’est mis d’accord sur la version choisie, je la compare avec la mienne. S’il y a une différence, alors il y a un problème... » Des rumeurs de tricherie apparaissent parfois
au coeur du paddock. « Il y en a toujours. Mais le paddock est très petit et c’est beaucoup plus diffi cile en Moto3 et Moto2 puisque tout le monde s’observe. En MotoGP, c’est un peu différent, je dirais que c’est un peu plus professionnel. Il y a beaucoup de rumeurs, mais nous apprenons à faire le tri. Bien sûr, si nous entendons quelque chose qui nous semble sérieux, ou si un pilote se retrouve inhabituellement en tête, nous sommes vigilants. Par exemple, nous avons entendu qu’un team lestait son carénage, et c’était vrai. Nous avons eu aussi affaire à une boîte de vitesses non conforme... Il y a bien sûr une part de chance dans le fait de dénicher ces escroqueries » , souligne Danny Aldridge. Mais aussi de malchance, car des erreurs sont parfois commises par mégarde. « Ce fut le cas avec Brad Binder... mais les règles sont les règles. Quand il s’agit de mettre du poids sur la moto, ce n’est pas une erreur de bonne foi... Mon job n’est pas de chercher la petite bête, il faut parfois être chanceux pour choisir la bonne personne au bon moment... Mais si quelqu’un triche, il doit être puni. »
LA LOTERIE : QUAND LE MOTOGP PÈTE LES PLOMBS !
Le gros du travail de Danny, Gary et Jordi consiste donc à contrôler les moteurs. En MotoGP, le nombre de moteurs par pilote étant limité, l’objectif est de vérifi er que chacun d’entre eux est correctement identifi é par un sticker impossible à retirer. « Nous savons en permanence quels moteurs circulent. Ils sont tous scellés et il est impossible de les modifi er. Pour des raisons de sécurité, nous pouvons retirer le couvre- culasse, mais tout doit être réalisé sous notre supervision et rien ne doit être changé. C’est également le cas en Moto3. » En Moto2, Honda, via ExternPro, est le constructeur exclusif. Les moteurs sont donc distribués aléatoirement par un système de loterie. « Chaque jeudi, sur les coups de 10 h, un représentant de chaque équipe, parfois le pilote lui- même, vient tirer au sort un jeton sur lequel est inscrit le numéro du moteur qu’il récupère immédiatement. » En Moto3, la tâche est plus complexe puisqu’il y a Honda, Mahindra et KTM et chaque moteur doit être distribué aléatoirement par chaque pilote
« JE NE CHERCHE PAS LA PETITE BÊTE, MAIS SI QUELQU’UN TRICHE, IL DOIT ÊTRE PUNI »
de chaque marque. Chacun dispose d’une allocation de six moteurs par saison, mais ceux- ci sont attribués par lot. « Habituellement, les constructeurs présentent des lots de deux moteurs par pilote, dont un moteur de rechange. Par exemple, Honda nous apporte un lot de 20 moteurs pour ses dix pilotes et un autre moteur supplémentaire que nous conservons comme échantillon. Nous plombons chacun d’entre eux et nous les attribuons aux pilotes. Auparavant, un constructeur pouvait choisir son pilote mais aujourd’hui, c’est nous qui décidons. L’échantillon est quant à lui conservé, scellé et, à l’arrivée du lot suivant, nous le comparons avec le nouvel échantillon. Dans le cas où il y a des différences entre les spécifi cations, tous les pilotes sont disqualifi és. » Les moteurs étant les mêmes pour tous, seuls les échantillons sont comparés. Dans le cas où les scellés auraient disparu, les responsables du contrôle technique se réservent le droit d’intervenir. « S’il y a pénalité, celle- ci concerne évidemment le team et non le constructeur. » Et si un moteur perd un plomb ? « Cela peut arriver mais dans ce cas, l’équipe se sentant concernée, elle vient nous voir immédiatement. Les plombs sont composés d’un sticker portant une identifi cation ainsi qu’un sceau gravé. Si le sticker disparaissait, le sceau, lui, resterait présent. En MotoGP, les techniciens contrôlent également le kilométrage, la température du carburant ( 15 ° C en dessous de la température ambiante maximum, ndlr), ainsi que les pneus utilisés. Pour cela, nous utilisons des scanners. Lorsque Michelin ou Dunlop fait la demande d’un changement d’allocation, nous devons en être informés, car même cette allocation doit suivre un processus aléatoire. En MotoGP, il y a un technicien dans chaque box. En Moto2 et Moto3, trois personnes vérifi ent au hasard. Pour Michelin, il n’y a pas de diffi cultés particulières. Pour Dunlop, c’est différent, car ils vendent les pneus aux teams. Il est donc plus simple pour une équipe de demander un pneu supplémentaire. C’est pourquoi nous les scannons aussi souvent que possible. »
CACHER CES AILERONS QUE JE NE SAURAIS VOIR
Dès l’introduction du logiciel unique en catégorie reine en 2016, les ailerons ont fait leur apparition pour pallier quelques faiblesses de l’électronique. De par leur caractère dangereux, mais surtout du fait de leur coût de développement, ils ont été interdits cette saison, du moins d’un point de vue extérieur. Outre son rôle prépondérant dans les contrôles techniques, Danny Aldridge s’occupe également de l’homologation de certaines pièces, comme ces fameux carénages aérodynamiques. « Selon le règlement, l’interdiction ne concerne que la forme externe. À l’intérieur, les constructeurs peuvent ajouter
ou supprimer autant de “lamelles” – comme je les appelle – qu’ils le souhaitent. » KTM ou Aprilia ne sont pas concernés par ces homologations, car ils disposent de certaines concessions. Ceux- ci doivent seulement respecter le fait de ne pas ajouter de protubérances à la machine. Ils peuvent en revanche apporter autant d’évolutions qu’ils le désirent durant la saison. La procédure est toutefois plus stricte pour les autres.
TENUE CORRECTE EXIGÉE
« Ils ont dû déclarer leur carénage 2017 avant 16 h ou 17 h au Qatar. La version 2016 avait quant à elle déjà été homologuée à l’issue de la dernière épreuve à Valence l’année dernière. S’ils n’ont pas présenté le modèle 2017 à temps, alors ils disposent d’une dernière opportunité pour apporter une évolution durant la saison. Par exemple, si Ducati me présente une version ce matin et que je donne mon feu vert, ils peuvent l’utiliser dès à présent. La seule date limite imposée était celle de Losail. » Les constructeurs sont en discussion permanente avec Danny Aldridge. « Ils peuvent m’envoyer des brouillons. Je peux alors leur dire ce qui ne va pas
et les éventuelles corrections à apporter avant de procéder à l’homologation. » Il y a quelques années, le règlement imposait seulement de courir avec un cuir. « Aujourd’hui, nous avons un standard pour les combinaisons et nous entretenons de bonnes relations avec les équipementiers, comme pour l’usage de l’airbag. Chacun d’entre eux nous envoie une base de données précise des équipements utilisés par tel ou tel pilote. » Depuis Barcelone cette année, les casques suivent la même procédure. « Nous vérifi ons simplement que ceux- ci respectent les standards ( européens ou Snell, nldr). » Tous les casques contrôlés arborent désormais un sticker. « D’un simple coup d’oeil, je suis en mesure de dire si j’ai déjà contrôlé ou non ce casque. » En revanche, seule la FIM est habilitée à défi nir de nouveaux standards
en MotoGP. « Je crois que pour les casques, le processus a commencé en Aragon l’an dernier et cela prendra quelques années. Auparavant, nous contrôlions uniquement les casques durant le premier GP au Qatar, mais certains pilotes étaient amenés à changer d’équipementier au cours de la saison. Maintenant, nous sommes plus scrupuleux : dès lors qu’ils respectent les standards, nous autorisons le pilote à prendre la piste. »
LA FIN PROGRAMMÉE DU PANNEAUTAGE
Quelques jours avant le GP d’Allemagne, la Commission Grands Prix a autorisé l’usage du tableau de bord virtuel. La direction de course pourra ainsi envoyer des messages précis, comme les drapeaux rouges, noirs, bleus ou des changements d’adhérence ainsi que les pénalités. En marge de cet ensemble d’informations, les équipes pourront envoyer leurs propres messages. « Ce sera appliqué dès 2018, mais les teams peuvent utiliser ce système dès maintenant. La seule condition est d’implémenter les consignes de la direction de course. » Au Sachsenring, Ducati était le seul constructeur à communiquer ainsi avec ses pilotes. Grâce aux panneautages, chaque équipe était en mesure de voir ce que les autres indiquaient à leurs pilotes, ce qui ajoutait une dimension stratégique à la compétition, notamment durant les courses fl ag- to- fl ag. Il était question de permettre aux teams de voir les messages des autres équipes ( cf. GP Racing n° 14 sur le chronométrage), mais Danny Aldridge l’affi rme : « Si Ducati veut envoyer un message à Dovi, Honda n’en aura pas connaissance... »
« EN MOTOGP, UN TECHNICIEN EST PRÉSENT DANS CHAQUE BOX. IL VÉRIFIE LES PNEUS, LE MOTEUR ET LA TEMPÉRATURE DU CARBURANT »