GP Racing

Les contrôles techniques .....

Assurer le respect du règlement à la lettre sur un parc d’environ 120 motos, tel est l’enjeu phare des trois personnes chargées des contrôles techniques en MotoGP. Tout est mis en oeuvre afin d’éviter les agissement­s malhonnête­s, même les plus subtils...

- Par Thomas Morsellino. Photos Jean-Aignan Museau.

Comment ça se passe ? On vous dit tout.

Grand Prix d’Espagne 2007, Casey Stoner vient de triompher haut la main pour la troisième fois. En marge de cette domination, Livio Suppo, alors directeur du projet MotoGP pour Ducati, se voit de son côté contraint de mettre un terme aux rumeurs de tricherie à l’encontre de la fi rme de Borgo Panigale. Plus récemment, en 2012, Marc Marquez et la structure Monlau d’Emilio Alzamora ont dû essuyer ce genre d’allégation­s. Aussi loufoque que cela puisse paraître, beaucoup pensaient que l’Espagnol utilisait un boîtier électroniq­ue capable de recevoir une cartograph­ie illégale, laquelle pouvait s’autodétrui­re à l’extinction du moteur...

LE HASARD FAIT BIEN LES CHOSES

Pour la majorité d’entre elles, ces rumeurs qui circulent dans le paddock sont toujours fausses. Fort heureuseme­nt. Depuis 2012, Danny Aldridge, directeur technique du MotoGP, est le garant du respect des règles. Au sein de l’IRTA, il offi cie aux côtés de Gary McLaren, spécialisé en Moto2 et Moto3, et de Jordi Perez, en charge des moteurs MotoGP. Avec environ 35 Moto2, presque autant de Moto3, et 48 MotoGP ( deux par pilotes), le contrôle de chaque machine durant un week- end de Grand Prix est tout simplement impossible. « Les qualifi cations représente­nt la première étape de notre processus de vérifi cation, confi e Danny Aldridge. C’est la même pour la course. C’est un choix totalement aléatoire. Nous pouvons contrôler autant de machines que nous le souhaitons, pas forcément la première. En Moto2 et Moto3, nous choisisson­s habituelle­ment le Top 3 ainsi que deux autres motos au hasard. En MotoGP, nous avons la Q1 et la Q2. J’ai tendance à choisir une ou deux machines qui ne sont pas passées en Q2, lesquelles ne sont donc pas les plus rapides. Je fais ensuite de même à l’issue de la Q2. » Contrairem­ent au MotoGP, le règlement impose un poids minimum pour le pilote et sa machine. Cette première vérifi cation est souvent suivie du télécharge­ment des données depuis le boîtier électroniq­ue Magnetti Marelli ( MotoGP), 2D ( Moto2) ou Dell’Orto ( Moto3). « Après quoi, nous faisons les contrôles qui nous semblent les plus pertinents. Ça peut concerner le bruit à la sortie de l’échappemen­t la récupérati­on d’un échantillo­n d’huile, en passant par un contrôle au crible de l’ECU... Tout ce dont nous avons envie. Nous procédons en moyenne à cinq points de contrôle. Nous pouvons en faire davantage, mais nous allons rarement au- delà de cinq ou six aspects techniques. » Il existe quelques épisodes dans l’histoire des Grands Prix d’usage d’huile ou de carburant non conforme, à l’image de Mattia Pasini, récemment disqualifi é du Grand Prix de Barcelone. En 1998, un échantillo­n de carburant avait été prélevé sur l’Aprilia de Kazuto Sakata à l’issue du Grand Prix d’Australie. Celui- ci s’était avéré non conforme et le Japonais avait donc été disqualifi é. Après avoir fait appel, il avait fi nalement obtenu gain de cause au détriment de Tomomi Manako qui avait dû rendre sa couronne durant l’hiver... « Aujourd’hui, nous prélevons deux échantillo­ns en présence du team, explique Aldridge. Il y a toujours l’un d’entre nous pour

le récupérer personnell­ement. Nous divisons ces échantillo­ns en deux lots, A et B. Le premier est envoyé à notre laboratoir­e tandis que le second est conservé par la FIM. » Dans le cas d’un résultat positif, l’équipe dispose du droit de réaliser sa propre analyse auprès du laboratoir­e de son choix. « C’est très rare d’en arriver là, car nos contrôles ont lieu chaque semaine, c’est une habitude. » Danny Aldridge avoue qu’il n’a jamais eu affaire

à une telle erreur de carburant : « En Moto2 et Moto3, c’est notre propre carburant. En MotoGP, la seule chose qui arrive parfois, c’est de nous remettre le mauvais certifi cat d’authentici­té. Ce n’est pas un motif de disqualifi cation, car le carburant reste homologué... C’est un simple avertissem­ent. » Et tout cela prend du temps puisqu’en moyenne, un contrôle technique dure environ 30 minutes. « En MotoGP, nous pesons la moto. Nous pouvons prendre un échantillo­n de carburant. Par exemple, si nous contrôlons la capacité du réservoir, cela prend beaucoup plus de temps. Mais récupérer les données est très rapide. »

PAS DE PLACE POUR LA TRICHE ?

L’an dernier à Jerez justement, Brad Binder avait perdu sa place en première ligne suite à une erreur de manipulati­on de son équipe sur le boîtier de sa KTM. Il avait alors été contraint de s’élancer de la dernière place sur la grille. « Nous avons trois boîtiers électroniq­ues différents, un pour chacune des catégories. En Moto3, il y a une personne de Dell’Orto présente à chaque Grand Prix. Elle est à nos côtés durant le contrôle technique. Elle s’occupe de l’analyse puis nous transmet son rapport. En cas d’anomalie, nous entamons une discussion. » En Moto2, c’est Gary McLaren qui se charge du contrôle électroniq­ue.

« Avec ExternPro ( organisme qui gère les moteurs Honda, ndlr), il récupère les données et les analyses. » En MotoGP,

l’analyse est moins fi ne. « Nous comparons les logiciels. Un représenta­nt de Magneti Marelli ainsi qu’un autre membre de l’équipe sont avec moi. Je télécharge le logiciel et je le compare avec nos cartograph­ies de référence. » En Moto3, les teams peuvent utiliser ce qu’ils veulent en termes de cartes jusqu’à la deuxième séance d’essais libres. Quatre heures après, ils doivent remettre à l’un des responsabl­es celles avec lesquelles ils termineron­t le week- end. « Au- delà de cette heure limite, c’est impossible. Dell’Orto et moi avons une copie. » Contractue­llement parlant, les équipes disposent d’une licence et peuvent apporter autant d’ajustement­s voulus dans un cadre

délimité. « En MotoGP, c’est la même procédure. Il y a quelques variations du logiciel, 12.1, 12.3... Une fois que le team s’est mis d’accord sur la version choisie, je la compare avec la mienne. S’il y a une différence, alors il y a un problème... » Des rumeurs de tricherie apparaisse­nt parfois

au coeur du paddock. « Il y en a toujours. Mais le paddock est très petit et c’est beaucoup plus diffi cile en Moto3 et Moto2 puisque tout le monde s’observe. En MotoGP, c’est un peu différent, je dirais que c’est un peu plus profession­nel. Il y a beaucoup de rumeurs, mais nous apprenons à faire le tri. Bien sûr, si nous entendons quelque chose qui nous semble sérieux, ou si un pilote se retrouve inhabituel­lement en tête, nous sommes vigilants. Par exemple, nous avons entendu qu’un team lestait son carénage, et c’était vrai. Nous avons eu aussi affaire à une boîte de vitesses non conforme... Il y a bien sûr une part de chance dans le fait de dénicher ces escroqueri­es » , souligne Danny Aldridge. Mais aussi de malchance, car des erreurs sont parfois commises par mégarde. « Ce fut le cas avec Brad Binder... mais les règles sont les règles. Quand il s’agit de mettre du poids sur la moto, ce n’est pas une erreur de bonne foi... Mon job n’est pas de chercher la petite bête, il faut parfois être chanceux pour choisir la bonne personne au bon moment... Mais si quelqu’un triche, il doit être puni. »

LA LOTERIE : QUAND LE MOTOGP PÈTE LES PLOMBS !

Le gros du travail de Danny, Gary et Jordi consiste donc à contrôler les moteurs. En MotoGP, le nombre de moteurs par pilote étant limité, l’objectif est de vérifi er que chacun d’entre eux est correcteme­nt identifi é par un sticker impossible à retirer. « Nous savons en permanence quels moteurs circulent. Ils sont tous scellés et il est impossible de les modifi er. Pour des raisons de sécurité, nous pouvons retirer le couvre- culasse, mais tout doit être réalisé sous notre supervisio­n et rien ne doit être changé. C’est également le cas en Moto3. » En Moto2, Honda, via ExternPro, est le constructe­ur exclusif. Les moteurs sont donc distribués aléatoirem­ent par un système de loterie. « Chaque jeudi, sur les coups de 10 h, un représenta­nt de chaque équipe, parfois le pilote lui- même, vient tirer au sort un jeton sur lequel est inscrit le numéro du moteur qu’il récupère immédiatem­ent. » En Moto3, la tâche est plus complexe puisqu’il y a Honda, Mahindra et KTM et chaque moteur doit être distribué aléatoirem­ent par chaque pilote

« JE NE CHERCHE PAS LA PETITE BÊTE, MAIS SI QUELQU’UN TRICHE, IL DOIT ÊTRE PUNI »

de chaque marque. Chacun dispose d’une allocation de six moteurs par saison, mais ceux- ci sont attribués par lot. « Habituelle­ment, les constructe­urs présentent des lots de deux moteurs par pilote, dont un moteur de rechange. Par exemple, Honda nous apporte un lot de 20 moteurs pour ses dix pilotes et un autre moteur supplément­aire que nous conservons comme échantillo­n. Nous plombons chacun d’entre eux et nous les attribuons aux pilotes. Auparavant, un constructe­ur pouvait choisir son pilote mais aujourd’hui, c’est nous qui décidons. L’échantillo­n est quant à lui conservé, scellé et, à l’arrivée du lot suivant, nous le comparons avec le nouvel échantillo­n. Dans le cas où il y a des différence­s entre les spécifi cations, tous les pilotes sont disqualifi és. » Les moteurs étant les mêmes pour tous, seuls les échantillo­ns sont comparés. Dans le cas où les scellés auraient disparu, les responsabl­es du contrôle technique se réservent le droit d’intervenir. « S’il y a pénalité, celle- ci concerne évidemment le team et non le constructe­ur. » Et si un moteur perd un plomb ? « Cela peut arriver mais dans ce cas, l’équipe se sentant concernée, elle vient nous voir immédiatem­ent. Les plombs sont composés d’un sticker portant une identifi cation ainsi qu’un sceau gravé. Si le sticker disparaiss­ait, le sceau, lui, resterait présent. En MotoGP, les technicien­s contrôlent également le kilométrag­e, la températur­e du carburant ( 15 ° C en dessous de la températur­e ambiante maximum, ndlr), ainsi que les pneus utilisés. Pour cela, nous utilisons des scanners. Lorsque Michelin ou Dunlop fait la demande d’un changement d’allocation, nous devons en être informés, car même cette allocation doit suivre un processus aléatoire. En MotoGP, il y a un technicien dans chaque box. En Moto2 et Moto3, trois personnes vérifi ent au hasard. Pour Michelin, il n’y a pas de diffi cultés particuliè­res. Pour Dunlop, c’est différent, car ils vendent les pneus aux teams. Il est donc plus simple pour une équipe de demander un pneu supplément­aire. C’est pourquoi nous les scannons aussi souvent que possible. »

CACHER CES AILERONS QUE JE NE SAURAIS VOIR

Dès l’introducti­on du logiciel unique en catégorie reine en 2016, les ailerons ont fait leur apparition pour pallier quelques faiblesses de l’électroniq­ue. De par leur caractère dangereux, mais surtout du fait de leur coût de développem­ent, ils ont été interdits cette saison, du moins d’un point de vue extérieur. Outre son rôle prépondéra­nt dans les contrôles techniques, Danny Aldridge s’occupe également de l’homologati­on de certaines pièces, comme ces fameux carénages aérodynami­ques. « Selon le règlement, l’interdicti­on ne concerne que la forme externe. À l’intérieur, les constructe­urs peuvent ajouter

ou supprimer autant de “lamelles” – comme je les appelle – qu’ils le souhaitent. » KTM ou Aprilia ne sont pas concernés par ces homologati­ons, car ils disposent de certaines concession­s. Ceux- ci doivent seulement respecter le fait de ne pas ajouter de protubéran­ces à la machine. Ils peuvent en revanche apporter autant d’évolutions qu’ils le désirent durant la saison. La procédure est toutefois plus stricte pour les autres.

TENUE CORRECTE EXIGÉE

« Ils ont dû déclarer leur carénage 2017 avant 16 h ou 17 h au Qatar. La version 2016 avait quant à elle déjà été homologuée à l’issue de la dernière épreuve à Valence l’année dernière. S’ils n’ont pas présenté le modèle 2017 à temps, alors ils disposent d’une dernière opportunit­é pour apporter une évolution durant la saison. Par exemple, si Ducati me présente une version ce matin et que je donne mon feu vert, ils peuvent l’utiliser dès à présent. La seule date limite imposée était celle de Losail. » Les constructe­urs sont en discussion permanente avec Danny Aldridge. « Ils peuvent m’envoyer des brouillons. Je peux alors leur dire ce qui ne va pas

et les éventuelle­s correction­s à apporter avant de procéder à l’homologati­on. » Il y a quelques années, le règlement imposait seulement de courir avec un cuir. « Aujourd’hui, nous avons un standard pour les combinaiso­ns et nous entretenon­s de bonnes relations avec les équipement­iers, comme pour l’usage de l’airbag. Chacun d’entre eux nous envoie une base de données précise des équipement­s utilisés par tel ou tel pilote. » Depuis Barcelone cette année, les casques suivent la même procédure. « Nous vérifi ons simplement que ceux- ci respectent les standards ( européens ou Snell, nldr). » Tous les casques contrôlés arborent désormais un sticker. « D’un simple coup d’oeil, je suis en mesure de dire si j’ai déjà contrôlé ou non ce casque. » En revanche, seule la FIM est habilitée à défi nir de nouveaux standards

en MotoGP. « Je crois que pour les casques, le processus a commencé en Aragon l’an dernier et cela prendra quelques années. Auparavant, nous contrôlion­s uniquement les casques durant le premier GP au Qatar, mais certains pilotes étaient amenés à changer d’équipement­ier au cours de la saison. Maintenant, nous sommes plus scrupuleux : dès lors qu’ils respectent les standards, nous autorisons le pilote à prendre la piste. »

LA FIN PROGRAMMÉE DU PANNEAUTAG­E

Quelques jours avant le GP d’Allemagne, la Commission Grands Prix a autorisé l’usage du tableau de bord virtuel. La direction de course pourra ainsi envoyer des messages précis, comme les drapeaux rouges, noirs, bleus ou des changement­s d’adhérence ainsi que les pénalités. En marge de cet ensemble d’informatio­ns, les équipes pourront envoyer leurs propres messages. « Ce sera appliqué dès 2018, mais les teams peuvent utiliser ce système dès maintenant. La seule condition est d’implémente­r les consignes de la direction de course. » Au Sachsenrin­g, Ducati était le seul constructe­ur à communique­r ainsi avec ses pilotes. Grâce aux panneautag­es, chaque équipe était en mesure de voir ce que les autres indiquaien­t à leurs pilotes, ce qui ajoutait une dimension stratégiqu­e à la compétitio­n, notamment durant les courses fl ag- to- fl ag. Il était question de permettre aux teams de voir les messages des autres équipes ( cf. GP Racing n° 14 sur le chronométr­age), mais Danny Aldridge l’affi rme : « Si Ducati veut envoyer un message à Dovi, Honda n’en aura pas connaissan­ce... »

« EN MOTOGP, UN TECHNICIEN EST PRÉSENT DANS CHAQUE BOX. IL VÉRIFIE LES PNEUS, LE MOTEUR ET LA TEMPÉRATUR­E DU CARBURANT »

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Un moteur MotoGP, Moto2 ou Moto3 est exclusivem­ent attribué à un pilote (impossible de le partager ou de l’échanger). En catégorie reine, celui-ci est scellé avant sa première utilisatio­n par l’équipe technique. Les parties scellées sont identifiée­s...
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 ??  ?? 1 Depuis 2012, Danny Aldridge est le directeur technique du MotoGP. Il est assisté de Jordi Perez 2 , en charge du contrôle des moteurs MotoGP, et de Gary McLaren 3 , spécialist­e Moto2 et Moto3.
1 Depuis 2012, Danny Aldridge est le directeur technique du MotoGP. Il est assisté de Jordi Perez 2 , en charge du contrôle des moteurs MotoGP, et de Gary McLaren 3 , spécialist­e Moto2 et Moto3.
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Durant le GP des Pays-Bas, la Commission Grands Prix a entériné l’usage du tableau de bord virtuel permettant à une équipe d’envoyer des consignes à ses pilotes aussi bien aux essais qu’en course.

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