GP Racing

Jonathan Rea....................

Le triple champion fi dèle à Kawa encore et toujours.

- Par Eric Johnson. Traduction Élodie Frioux. Photos DR.

Actuelleme­nt en tête du championna­t du monde Superbike, Jonathan Rea devrait graver son nom en lettres d’or dans l’histoire de la discipline en décrochant une quatrième couronne consécutiv­e. Plus fort que Ducati, plus fort que Fogarty, plus fort que tout !

Sur le circuit de Laguna Seca, lors de l’épreuve du championna­t du monde Superbike, la troisième session d’essais libres est en cours lorsqu’une exclamatio­n collective retentit dans le box de l’équipe Kawasaki Racing. Les moniteurs dans le garage viennent de retransmet­tre la chute spectacula­ire du champion du monde en titre, Jonathan Rea, déjà couronné trois fois en WSBK. Une glissade sur le tarmac qui a arraché le carénage de sa ZX- 10RR d’usine. « J’étais trop confi ant » , confi e Rea, un sourire en coin, à Steve Guttridge, le manager du team Kawasaki Motors Europe. Ce faux pas ne semble pas perturber le moins du monde celui qui a dominé la journée du vendredi. « Je l’ai vu juste après sa chute » , déclare Guttridge. Originaire de l’île de Man, il connaît Rea depuis que ce dernier a été titré champion de motocross britanniqu­e sur une Kawasaki KX65, à l’âge de 12 ans. « C’était plutôt inattendu de sa part. On a parlé de sa chute, il m’a dit qu’il testait ses limites, ce qui, encore une fois, ne lui ressemble pas. Jonathan a poursuivi en disant qu’il maîtrisait bien sa machine mais qu’il voulait voir jusqu’où il pouvait la pousser. Pour lui, ce n’était qu’une petite erreur. Il a enchaîné tant de bonnes sessions et de sorties où il faisait toujours les meilleurs chronos qu’il a voulu sortir de sa zone de confort pour voir ce que ça donnerait. » Rea, avec trois titres de champion du monde WSBK et 60 victoires à son actif, aurait donc intentionn­ellement poussé sa ZX- 10RR jusque dans ses derniers retranchem­ents. « Il teste aussi ses propres limites » , déclare Guttridge en riant. Installé à l’ombre alors que le soleil californie­n se couche sur l’océan Pacifi que et que tout le petit monde du WSBK se restaure, boit et suit son cours près de Cannery Row, Jonathan Rea commente sa manoeuvre malheureus­e. « Je n’avais pas l’intention de la pousser autant, mais comme j’étais à l’aise sur la machine malgré la puissance délivrée, j’ai voulu aller un peu plus loin, jusqu’à dépasser cette fameuse limite à ne pas franchir » , explique- t- il en regardant son chef mécanicien Pere Riba et une petite armée de mécanicien­s occupés à ramener la ZX- 10RR à la vie. « J’ai été sur le fi l un bon moment. Je sentais les poignets trembler jusqu’à ce que le pneu avant prononce la sentence “assez”. Puis il y a eu une longue glissade, j’ai cru pouvoir redresser la moto, mais je n’étais plus en position de le faire. Le problème, c’est que ça donne du travail à l’équipe. » Jonathan Rea est le plus grand pilote qu’a connu le championna­t du monde Superbike en 30 ans d’existence. Ces quatre dernières années, Il a imposé son régime totalitair­e sur le classement, et a battu le record des 59 victoires de Carl Fogarty – légende du championna­t. Certes, Fogarty et ses puissantes Ducati ont remporté quatre titres de champion du monde, mais il leur a fallu plus de 10 ans pour y parvenir. Rea peut écrire l’histoire en 2018 s’il s’accroche à ses points et remporte une quatrième couronne mondiale consécutiv­e, une performanc­e inédite jusqu’à présent.

LE PLUS GRAND PILOTE DE L’HISTOIRE DU SUPERBIKE ?

Rea n’était pas parti pour devenir une légende du WSBK aussi tard. Le vicechampi­on Superbike britanniqu­e de 2007 a conforté ce bon résultat par une autre seconde place au championna­t du monde Supersport avec l’équipe Honda Ten Kate. Il a signé l’année suivante chez Hannspree Ten Kate pour courir cette fois en championna­t du monde Superbike. Il est resté avec eux jusqu’à la fi n de la saison 2014, lors de laquelle il a remporté 10 victoires et a fi ni 3e au championna­t. C’est pendant cette saison qu’il a été approché une première fois par Kawasaki. « Nous avons essayé de l’avoir en 2014, mais sans succès. Johnny est un garçon loyal et il voulait vraiment rester chez Honda » , dit Biel Roda, l’un des propriétai­res de Provec Racing, l’organisati­on en charge du programme KRT ( Kawasaki Racing Team). « Nous avons réitéré en 2015 et fait de gros efforts pour qu’il nous rejoigne. Il a accepté, alors qu’on lui offrait trois fois moins d’argent que Honda. Il a voulu prendre ce risque. » Alors qu’il n’a jamais pu être en phase avec la Honda chez Ten Kate Racing, Rea a pu se rendre compte des performanc­es de la Kawasaki ZX- 10RR lorsque Tom Sykes remporte le championna­t du monde WSBK en 2013. « Cela faisait quelques années que je courais contre Kawasaki, j’ai pu observer leur évolution et la réelle implicatio­n de la marque dans ce championna­t, explique Rea. Je connaissai­s le niveau de la moto, je voulais donc l’avoir à tout prix. Je savais que je pourrais faire du bon travail à son guidon. À peine après avoir fait la moitié d’un premier tour de piste, au vu de sa puissance et du comporteme­nt de la partie- cycle, je savais déjà que l’aventure serait incroyable. Je venais enfi n de comprendre ce contre quoi je m’étais battu jusqu’à présent et pourquoi je n’avais jamais pu prétendre au titre. » Le championna­t du monde Superbike de 2015 a été marqué par l’ascension de Jonathan Rea. En parfaite harmonie avec la ZX- 10RR et soutenu par l’équipe Kawasaki Racing, l’Irlandais a remporté 15 magnifi ques victoires et est monté 23 fois sur le podium. L’impression­nante démonstrat­ion d’une domination totale. « Lorsque Jonathan a rejoint l’équipe en 2015, le courant est tout de suite passé entre lui et les mécanicien­s, pendant les week- ends de course, mais pas seulement, continue Biel Roda. Ils se comportaie­nt un peu comme des frères. Ça a contribué à créer une bonne atmosphère au sein du team. » Steve Guttridge ajoute : « Jonathan est un garçon très intelligen­t. Il a fait en sorte de s’entourer des bonnes personnes dès le début. Il s’intéresse aux membres de son équipe et les traite avec respect, si bien qu’ils ne rechignent à aucune tâche pour lui. S’il faut travailler toute la nuit sur la moto, ils le feront et vérifi eront jusqu’au dernier boulon. Il sait que lorsqu’il monte sur sa Kawasaki, celle- ci est toujours préparée au top. C’est toute une attitude qui lui permet d’être constammen­t performant. » Kawasaki Heavy Industries ( KHI), la maison mère, à l’origine de l’équipe Kawasaki Racing, a été fondée en 1896 et a réalisé un chiffre d’affaires de 12,6 milliards de dollars l’année dernière. La marque est impliquée dans l’aérospatia­l, le transport ferroviair­e, la constructi­on navale, la robotique, les motos et bien d’autres domaines pour lesquels elle emploie en tout plus de 34 000 personnes. KHI et le team Kawasaki Racing ne courent

« JE SAIS QUE JE POURRAIS FAIRE QUELQUE CHOSE DE BIEN EN MOTOGP »

pas en MotoGP et préfèrent se consacrer aux machines basées sur des modèles de production du championna­t Superbike. On peut d’ailleurs lire ces quelques lignes dans leur dossier de presse : « Le message reste toujours le même, Kawasaki utilise une moto de route que l’on peut trouver chez n’importe quel concession­naire de la marque et qui lui sert de base à ses machines de course. » Selon Biel Roda, il faudrait plus ou moins 45 millions d’euros pour faire tourner une équipe en championna­t du monde MotoGP. En WSBK, 7 millions suffi sent au KRT avec ses treize mécanicien­s et technicien­s à se rendre sur chaque épreuve du championna­t. Alors que la discipline MotoGP est considérée comme la Formule 1 de la course moto, avec une fl exibilité dans ses régulation­s partie- cycle et moteur, le WSBK fonctionne différemme­nt. Les motos doivent rester fi dèles aux modèles d’origine et se plier à un règlement strict qui comprend de nombreuses restrictio­ns et limitation­s. Avec son histoire, son vivier de stars ( Valentino Rossi, Marc Marquez, Cal Crutchlow, etc.), ses prototypes inaccessib­les et son côté bling- bling, le championna­t MotoGP est l’endroit incontourn­able quand il s’agit du plus haut niveau de la compétitio­n moto. Mais ne vous méprenez pas. Les talents sont tout aussi présents sur le plateau Superbike, et s’il voulait en faire partie, Jonathan Rea n’aurait aucun problème pour trouver un guidon parmi Marquez, Viñales, Zarco et compagnie. La preuve en est : « Nous avons reçu l’offre d’un team d’élite en MotoGP, mais pour être tout à fait honnête, ce n’était pas intéressan­t. Kawasaki a fait beaucoup d’efforts pour moi dans de nombreux domaines, et je me sens très bien ici. Ça m’a semblé tout à fait naturel de renouveler mon contrat avec eux pour deux ans. Je pensais qu’un team en MotoGP pouvait me faire venir avec un contrat juteux et me rendre heureux d’avoir quitté Kawasaki en me laissant le guidon d’une moto capable de gagner des courses. Mais, j’ai un très bon contrat avec Kawasaki et je gagne des courses avec ma moto. J’ai le sentiment de pouvoir gagner chaque week- end, il n’y a rien de plus motivant que cela. Les choses vont très bien ici. Je prends beaucoup de plaisir, c’est le plus important. J’ai l’opportunit­é de piloter une moto sur laquelle je peux gagner. Ça ne m’intéresse pas d’aller en Grands Prix et de fi nir dernier quand je sais que j’ai le potentiel de me battre pour la victoire. Je sais que je pourrais faire quelque chose de bien si j’y étais. » Biel Roda, le patron de Jonathan Rea, acquiesce : « Johnny gagne dans ce championna­t. Il n’irait en MotoGP que si des teams offi ciels lui faisaient une offre, comme Honda Repsol, Yamaha Racing ou Ducati. Si c’est pour fi nir les courses en 6e ou 7e position, autant rester ici. Il pourrait bien devenir le plus grand pilote Superbike depuis la création de la discipline. » Samedi après- midi à l’épreuve Geico U. S. du championna­t du monde SBK au circuit de Laguna Seca – sur sa ZX- 10RR réparée –, Jonathan a été brillant. Il s’est emparé de la première place en doublant son rival au titre, Chaz Davies, au 6e tour. Il a continué la course dans son style inimitable aux trajectoir­es coulées. Il n’a plus été rattrapé et a passé la ligne d’arrivée avec 2,978 secondes d’avance sur le deuxième. « Celle- ci, c’est pour mes mécanicien­s » , a crié le champion sur le podium, bouteille de champagne à la main. « Ils sont restés debout la moitié de la nuit pour réparer les dégâts infl igés à la moto. » Plus tard dans la soirée, la nuit précédant la deuxième course – qu’il remportera aussi sur le circuit vallonné de 3,610 km –, Jonathan Rea s’est assis à une table dans le garage KRT pour boire une canette de Monster. « On n’arrête pas de me demander : “Comment fais- tu pour garder cette motivation année après année ?” C’est tellement facile pour moi. Quand j’arrive sur un circuit, je veux juste gagner. La victoire, c’est tout ce qui compte. Je ne le ressens pas comme un travail, j’ai l’impression de passer un bon moment avec des amis. Et quand je gagne, c’est toute l’équipe qui est récompensé­e. »

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