GP Racing

Peter Hickman.......................

L’offi ciel BMW a explosé le record du TT.

- Par Stephen Davison. Traduction Élodie Frioux. Adaptation Alain Lecorre. Photos Stephen Davison.

En juin dernier, Peter Hickman est devenu l’homme le plus rapide de tous les temps au Tourist Trophy. Vainqueur de ses deux premières courses sur l’île de Man (Superstock et Senior TT), le pilote anglais a surtout claqué un chrono de folie bouclant les 60 km à 217,989 km/h de moyenne. Entretien avec un champion supersoniq­ue.

Cette année, Peter Hickman est arrivé sur l’île alors qu’il n’avait encore jamais remporté une seule course au Tourist Trophy. L’homme à battre ? Michael Dunlop ! 30 ans, 15 victoires au TT à son actif et 12 secondes plus vite que lui au tour sur les 60 km du circuit de la Snaefell Montain. C’est pourtant le trentenair­e de Burton upon Trent qui a remporté la course la plus importante de la semaine ( le Senior TT) et a quitté les lieux avec le titre de pilote le plus rapide de la planète en signant un tour record au guidon de sa BMW S 1000 RR ( 135,452 m/ ph de moyenne). Une passation de pouvoir ? Peut- être... Après avoir décroché cinq podiums sur les cinq courses qu’il a disputées lors du TT 2017, Peter Hickman n’a donc surpris personne en décrochant sa toute première victoire. Et si la délivrance est arrivée dès l’épreuve Superstock, c’est surtout le rythme effréné du pilote anglais qui a bluffé tout le monde. 216,3 km/ h de moyenne ! C’est le nouveau record du tour réalisé dans la catégorie. Un record vite éclipsé par l’époustoufl ante moyenne de 218 km/ h réalisée pendant l’épreuve du Senior TT qui clôture traditionn­ellement la semaine sur l’île. 218 km/ h, c’est 9,2 secondes de mieux que Michael Dunlop lorsqu’il avait remporté la Senior en 2017...

DES CIEUX CLÉMENTS

Comment Hickman est- il parvenu à maintenir ce rythme de dingue ? « Avant tout, le beau temps était au rendez- vous » , souligne- t- il en appuyant son propos, la météo étant une véritable obsession pour le pilote britanniqu­e. « Cette année, nous avons eu du soleil toute la semaine, que ce soit pour les essais ou pour

les courses. » Effectivem­ent, beaucoup de nouvelles virgules de gomme sont venues orner le tarmac des 60 km. Et cette excellente adhérence dont les pilotes ont pu profi ter est sûrement pour beaucoup dans les chronos stratosphé­riques enregistré­s cette année. « On a pu repasser dans chaque virage plus souvent que d’habitude,

explique notre homme. Il y a 264 virages

« 1,6 KM/H EN PLUS, ÇA FAIT PEU. MAIS SUR CE CIRCUIT, ÇA REPRÉSENTE 10 SECONDES »

à connaître et à reconnaîtr­e ici. Si l’on s’entraîne une heure, c’est l’équivalent de trois tours et donc de trois essais pour chaque virage. Plus on fait de tours, plus on a la possibilit­é de tester de choses, comme des entrées ou des sorties de virage différente­s afi n de mieux appréhende­r ce circuit. Ce n’est qu’après avoir testé le maximum de choses que l’on peut s’appliquer à être plus rapide. » Chaque chose en son temps. Ce raisonneme­nt méthodique, c’est la marque de fabrique d’un pilote qui a fait ses classes dans le championna­t britanniqu­e de Superbike.

« PAS UN CHANGEMENT EN DEUX SEMAINES »

Vainqueur d’une manche BSB à Cadwell Park en 2014, Hickman a passé les douze dernières saisons à se battre pour gagner des fractions de seconde sur des circuits comme Brands Hatch, Donington Park et Silverston­e contre des pilotes du calibre de Shane Byrne, Leon Haslam, Sylvain Guintoli ou Josh Brookes. La bagarre en groupe, il connaît. S’étalonner face à un chrono à plus de 200 sur un circuit de 264 virages à parcourir souvent 6 fois, c’est une autre histoire. Pourtant, le méthodique Hickman a réussi ses débuts au Tourist Trophy en 2014 avec un tour à 207,8 km/ h, le plus rapide jamais réalisé par un rookie. Depuis, Hickman a remporté le Grand Prix de Macau à deux reprises ( 2015 et 2016), et a gagné deux des courses sur route les plus importante­s : la North West 200 et le Grand Prix d’Ulster. Il ne manquait qu’une victoire au TT pour compléter ce beau palmarès. Après avoir disputé les premières épreuves du BSB de la saison, Hickman est arrivé sur l’île de Man « en mode course » . Il reconnaît d’ailleurs que sur certaines parties du circuit, comme les gros freinages de Sulby ou encore d’autres sections, il arrive à appliquer son style BSB. Pour le reste, pas question de jouer avec le feu. « Sur un circuit de BSB, si tu ne roules pas à la limite de la chute, quatre ou cinq gars déboulent à l’intérieur pour te passer, dit- il en riant avant de renchérir. Au TT, on peut mettre du gaz, mais pas à ce point. » Dean Harrison est un autre pilote qui a suivi plus ou moins le même parcours ; il participe à des courses sur de petits circuits pour améliorer son rythme sur route. À 29 ans, il court dans l’équipe Silicone Engineerin­g Kawasaki du championna­t britanniqu­e de Superbike. Ce garçon du Yorkshire, qui a gagné la seconde manche de la course Supersport au TT de cette année et a terminé 2e de la Senior, s’est amélioré de façon spectacula­ire cette année, en réduisant son temps au tour de 18,5 secondes, avec une moyenne de 217,3 km/ h. Les principaux rivaux d’Harrison pour la course Superbike, Hickman et Dunlop, étaient tous deux aux guidons de BMW S 1000 RR. L’Irlandais pour le team usine Tyco, et Hickman pour le team privé Smith’s Engineerin­g. La politique de BMW Motorrad est de fournir un équipement et un soutien similaires à tous ses pilotes, dans la mesure où aucun d’eux ne dispose d’un réel avantage sur un autre, et ces deux pilotes utilisent les mêmes pneumatiqu­es Dunlop. Hickman pense cependant qu’il avait un avantage en ayant gardé la même machine ces deux dernières saisons. « On savait où se situer avant même d’arriver sur l’île de Man car la moto est à peu de chose près la même que l’année dernière, a- t- il déclaré. On a apporté quelques petites modifi cations grâce aux courses disputées en BSB, mais de manière générale, la machine est identique. Du premier tour que j’ai fait aux essais jusqu’à la Senior, nous n’avons pas touché une seule fois aux suspension­s. Pas un changement en deux semaines. Ça a fonctionné dès le début, je n’ai donc pas voulu les modifi er. »

DUNLOP N’A PAS RÉUSSI À ÉGALER SA PROPRE MOYENNE

Un choix qui lui a donné un réel avantage sur Dunlop. L’Irlandais a hésité quant au manufactur­ier avec qui il roulerait cette saison. Il venait de quitter l’équipe Bennett Suzuki avec laquelle il avait gagné la Senior l’année dernière. Il n’a signé son contrat avec Tyco qu’à la fi n du mois de mars, laissant aux autres tout le loisir de tester leurs montures respective­s. Finalement, il n’a pas pu être aussi rapide sur la BMW Tyco qu’il ne l’était sur la Hawk S 1000 RR en 2016. Sans parler

d’atteindre les 217,3 km/ h de Hickman, il n’est pas parvenu à égaler sa propre moyenne de 215,6 km/ h. « Michael a atteint 215,5 km/ h, donc le rythme est là, mais il roulait peut- être à la limite, que ce soit la sienne ou celle de la moto, décrypte l’Anglais en analysant la performanc­e de son rival. Il n’avait peut- être pas le bon feeling. Si l’on n’est pas à l’aise, c’est impossible de se dépasser. Mais bon, il sera là l’année prochaine. »

« LA SUPERBIKE DOIT ÊTRE RÉGLÉE AU MILLIMÈTRE PRÈS »

Le TT 2018 a aussi été l’arène d’un combat acharné entre les manufactur­iers pneumatiqu­es, incarné par Harrison qui a roulé à la moyenne de 215,6 km/ h sur sa ZX- 10RR chaussée de Metzeler, montrant les énormes progrès de la fi rme italienne. « Ils n’ont pas facilité la tâche des pilotes en Dunlop, nous a expliqué Hickman. Les autres manufactur­iers ont apporté de meilleures gommes au TT, il fallait que Dunlop réagisse avec des nouveautés. La qualité des Dunlop n’était pas remise en question, mais nous allions plus vite qu’eux. » Et on a pu constater à quel point dans les derniers tours explosifs du pilote dans les courses Senior et Superstock. Les deux épreuves ont été très disputées, la première contre Michael Dunlop, la seconde contre Dean Harrison. Moins d’une seconde séparait Hickman de son rival irlandais lors de la course Superstock. Dunlop était à l’affût du triplé après avoir remporté les courses Superbike et Supersport. Hickman a été mis sur la touche par un injecteur cassé après le premier tour de la course Superbike et a terminé 3e de la course Supersport. Le dernier tour à 216,3 km/ h en Superstock, sur sa S 1000 RR chaussée de pneus rechapés lui a permis de remporter sa toute première victoire au TT. Puis une seconde à la course Senior sur une superbike spec. S 1000 RR équipée de pneus slicks. Harrison a mené la course pendant cinq tours et demi sur six avant que Hickman ne lance la charge au niveau de la Montagne, battant par la même occasion le record du tour avec une moyenne de 218 km/ h. Il a passé la ligne d’arrivée avec deux secondes d’avance sur Harrison. « On me demande souvent pourquoi la superbike coûte entre 68 000 et 80 000 euros de plus alors qu’elle n’est plus rapide que d’ 1,6 km/ h. 1,6 km/ h en plus, ça peut paraître peu. Mais sur ce circuit, ça représente 10 secondes. C’est beaucoup. La vraie différence, c’est la facilité de pilotage de la Superstock. Elle est plus aisée à maîtriser, mais elle peut quand même atteindre une pointe de 307 à 309 km/ h dans les sections rapides. Quels que soient ses réglages, on peut aller vite à son guidon. La superbike, quant à elle, doit être réglée au millimètre près. Si ce n’est pas le cas, autant laisser tomber, parce qu’il sera impossible de suivre le rythme de course. » Aussi rapide qu’il ait pu l’être au TT 2018, Hickman dit pouvoir aller encore plus vite. Les statistici­ens, qui ont divisé le circuit en six sections pour aider au chronométr­age, lui donnent raison. Avant 2018, Michael Dunlop, Ian Hutchinson et Steve Plater ( lors de sa remarquabl­e victoire de la course Senior en 2009) ont réalisé à eux trois les meilleurs tours du Tourist Trophy. Depuis cette année, Hickman et Harrison détiennent les records de vitesse sur chacune des six portions, soit un tour qui, en théorie, atteindrai­t la moyenne de 219,5 km/ h en 16 minutes et 35,711 secondes. Ça serait sept secondes de moins que le nouveau record établi par Hickman. Le pilote BMW Smith admet être plus lent sur les deux premiers secteurs, de la ligne de départ jusqu’à Glen Helen, puis de Glen Helen à Ballaugh ( voir pages suivantes). Il dit être trop prudent, préférant se mettre à l’aise en début de tour. Sans surprise, c’est Harrison qui est le plus rapide sur ces premiers kilomètres, alors que Hickman domine le reste du circuit, surtout la section de la Montagne.

« LA COURSE, C’EST MA VIE. EN ACCÉLÉRÉ »

« C’est peut- être le paysage plus dégagé de la Montagne qui m’aide, car on peut visualiser la trajectoir­e aussi clairement que sur les circuits courts » , ajoute- t- il. Quel que soit son avantage, sa machine ou sa propre expérience, l’ascension de Hickman au TT a été spectacula­ire au cours des cinq dernières années. Âgé de seulement 30 ans, il a un an de plus que Michael Dunlop et seize ans de moins que le baron de la Montagne, John McGuinness. Ce pilote BSB qui, au début, se débattait pour joindre les deux bouts alors qu’il vivait sur le parking du circuit de Caldwell dans un mobile- home vieux de seize ans dont le toit n’était plus imperméabl­e, a fait du chemin. Beaucoup de chemin. Pour en arriver là, il a dû se confronter au terrible prix que certains ont payé alors qu’ils tentaient, eux aussi, leur chance sur l’île de Man. Le premier coéquipier de Hickman, Paul Shoesmith, a perdu la vie lors d’une chute pendant l’édition 2016. Ce fut aussi le cas de Dan Keen, pilote expériment­é du TT, et du novice Adam Lyon cette année. Mais Hickman est sûr de lui et sa concentrat­ion est infl exible. « La perte de Dan ne m’a pas touché, déclare- t- il. Ça peut paraître cynique, mais on sait ce qu’on fait et on en connaît les risques. Ce sont les mêmes chaque année et malheureus­ement, ce sont des choses qui arrivent. Nous continuons de courir en leur nom. Je verrai peut- être les choses différemme­nt dans quelques années, mais pour l’instant, la course, c’est ma vie. En accéléré. »

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 ??  ?? 1 Peter Hickman peut laisser éclater sa joie. Il vient de remporter la plus belle course du Tourist Trophy, la fameuse Senior TT. Et il a, par la même occasion, explosé le record de Michael Dunlop de 9,2 secondes. À 218 km/h de moyenne, ça fait quelques centaines de mètres. 2 Attaque totale pendant 6 tours et dans plus de 1 500 virages. Il faut avoir les neurones affûtés. 34 et Le public du TT, très connaisseu­r, est toujours proche de ses idoles sur l’île de Man. Peter Hickman peut poser avec son team au grand complet : la mission est remplie en 2018.
1 Peter Hickman peut laisser éclater sa joie. Il vient de remporter la plus belle course du Tourist Trophy, la fameuse Senior TT. Et il a, par la même occasion, explosé le record de Michael Dunlop de 9,2 secondes. À 218 km/h de moyenne, ça fait quelques centaines de mètres. 2 Attaque totale pendant 6 tours et dans plus de 1 500 virages. Il faut avoir les neurones affûtés. 34 et Le public du TT, très connaisseu­r, est toujours proche de ses idoles sur l’île de Man. Peter Hickman peut poser avec son team au grand complet : la mission est remplie en 2018.
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1 Pendant les ravitaille­ments, Hicky révise ses gammes. 2 Une victoire au Tourist Trophy, ça vaut bien une chaleureus­e accolade de papa et maman. 3 D’après les statistici­ens qui le suivent, Hickman peut espérer accrocher rapidement un chrono théorique de 219,5 km/h en 16’37’’711...

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