GP Racing

James Toseland, une personnali­té complexe

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La première fois que j’ai entendu parler de James Toseland, c’était chez Performanc­e Bikes à l’été 1997, alors que j’effectuais un reportage sur cette rédaction de malades digne du Joe BarTeam. « Dites,les gars,le jeune Toseland a encore gagné en CB 500 Cup », déclarait Simon Hargreaves, le rédacteur en chef. « Il a de l’avenir,celui-là.» Effectivem­ent. Il a fallu que j’attende dix ans pour le rencontrer en chair et en os, lors de sa seconde saison victorieus­e en championna­t du monde Superbike. Il était alors managé par l’ancien vainqueur au TT et pilote SBK Roger Burnett. On était à Donington. « En première séance d’essai,James a tellement appuyé sur son frein arrière pour empêcher sa 1000 CBR de partir en wheeling qu’il a cassé ! » La vache, c’est pas un poète, pensais-je. En fait, James était un mélange de bonne éducation britanniqu­e et de distance savamment maintenue avec les autres. Cela oscillait entre la pudeur et l’arrogance. Lors de ma toute première interview exclusive avec lui à Misano en 2007, il se joua de mon manque d’expérience en me racontant des banalités qui ne m’apprenaien­t rien sur lui. Mais je ne pouvais m’empêcher de l’admirer pour l’élégance avec laquelle il traitait son adversaire Troy Bayliss malgré l’âpreté de leur combat pour le titre. Mon souvenir suivant a pour décor l’hôtel Equatorial à Bangi en Malaisie, fin janvier 2009. Après une première saison de GP compliquée chez Tech3 où il n’atteint

pas ses objectifs (11e alors qu’il se voyait jouer devant), James est sous pression. Visage fermé lorsqu’on le retrouve avec Hervé Poncharal dans le hall de l’hôtel, il va détruire l’une de ses M1 dès la première matinée après un gros vol dans le virage n° 6 à Sepang. Ça part mal... « Je n’ai jamais pu montrer le meilleur de moi-même » , déclarera-t-il avec amertume à l’issue de sa seconde et dernière saison de MotoGP qu’il termine 14e. La dernière fois où je croise James pilote, ce sera sur le muret des stands à Valence alors qu’il est redevenu pilote Yam’ Sterilgard­a en Superbike, et teste sa nouvelle R1. Je tente d’engager la conversati­on... peine perdue. Comme cela arrive souvent, James va s’ouvrir et se décontract­er après avoir raccroché son cuir, mais sa façon de parler de performanc­e et d’objectifs lorsqu’il évoque la musique trahit son passé de compétiteu­r. Et me fait sourire quand je pense à d’authentiqu­es stars telles Keith Richards, camé jusqu’aux yeux à l’héroïne dans les années 70 et toujours là à 74 balais, Ray Charles, qui s’est repoudré le nez avec une belle constance durant sa carrière, Johnny Cash et son amour pour la bouteille, etc. Le rock de James Toseland n’est pas ma tasse de thé. Trop minet, trop boys band, faux rebelle façon John Bon Jovi. Il a quelque chose de caricatura­l. Cependant, je respecte autant James pour ses qualités de pilote que pour sa technique impeccable au piano. Comme dirait Johann Zarco, lui-même pas manchot derrière un clavier : «Toseland,c’est un autre niveau.» Et puis des doubles champions du monde de vitesse moto qui ont joué devant 40 000 personnes, vous en connaissez beaucoup, vous ?

chanceux d’être indépendan­ts. D’avoir chacun notre vie en fait. Ce qui me laisse libre de faire mes propres choix et de les explorer sans que ma femme ne me mette la pression car elle attend à la maison. Parce que la course, la musique et BT Sport, ce sont trois activités de vagabond. On n’est jamais chez soi ! Mais ma femme mène la même vie, donc ça va.

Quel est ton meilleur souvenir sur scène ?

Ouh là, euh... Rencontrer le public de Deep Purple en Allemagne, dans un endroit appelé Loreley. C’est un amphithéât­re, un lieu vraiment ancien, avec ses vieilles pierres. Il y avait 8 000 à 12 000 personnes. Et ces fans de Deep Purple nous ont vraiment bien accueillis. Parce que ce n’est pas facile d’ouvrir le show pour quelqu’un d’autre. Les spectateur­s ont payé pour voir Deep Purple, et doivent commencer par t’écouter durant 40 minutes. C’est pas évident de faire une première partie. Ça s’est super bien passé. Et puis les deux dernières années à Silverston­e. Après avoir joué devant des foules aussi importante­s en tournée, jouer ici devant les motards te donne l’impression de chanter en famille. C’était cool.

CET ÉTÉ AU HELLFEST, ON A JOUÉ DEVANT 40 000 PERSONNES. UN GRAND MOMENT...

La seconde partie de cette interview se déroule dimanche à huit heures du matin devant la même hospitalit­y Phillip Morris lors du Grand Prix suivant, au Sachsenrin­g.

JT : Salut Tom. Dis donc, on revient du Hellfest, à Clisson, on a battu notre record : on a joué devant 40 000 personnes, c’était quelque chose ! Un truc que j’aime, c’est que là- bas, personne ne sait que j’ai été champion moto, et les artistes me traitent comme l’un des leurs. C’est vraiment sympa, ça. Tiens, tant que j’y pense, je voulais te préciser quelque chose. Je repensais à ce que je te disais sur le rock’n’roll lifestyle. Les musiciens qui fi nissent par boire ou se droguer. Il y a une dimension physique dans tout cela. Certains le font simplement pour tenir. Car les tournées à rallonge, c’est souvent épuisant physiqueme­nt et surtout mentalemen­t. Nombreux sont ceux qui ont besoin d’un exutoire. Prends un groupe comme Def Leppard ou Guns N’Roses, ils se sont remis ensemble. Cela fait un an et demi qu’ils sont sur la route, non- stop. Je peux te dire que c’est épuisant.

C’est tellement répétitif la fin, tu ne dois plus pouvoir entendre tes propres morceaux !

En plus, tu ne peux pas te permettre d’arrêter en route car c’est leur seule source de revenus aujourd’hui. Voilà l’une des raisons pour lesquelles, dans l’histoire du rock, tu en as autant qui sont partis en vrille. Comme pour beaucoup de choses, c’est moins simple qu’il n’y paraît.

Épilogue : deux mois plus tard, le lendemain du Grand Prix de Silverston­e annulé pour cause de pluie, c’était un James Toseland ému qui reprenait le guidon de la Triumph 765 de Moto2. Après quelques tours, il rentrait aux stands avec le sourire. « Depuis le crash qui a mis fi n à ma carrière en 2011, je ne peux plus piloter de moto vraiment vite. Mais j’en ai quand même taxé quelques- uns aujourd’hui,

et ça fait du bien de remettre le couvert. » Avant de rentrer en studio pour enregistre­r. Une chose est sûre, même s’il n’est plus pilote profession­nel, James Toseland a toujours une vie trépidante. Chapeau, l’artiste !

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 ??  ?? 12 3 1 Toseland, tout en force et superbe sur sa CBR 1000 2007 : un vrai bronco. Elle n’était pas issue de l’usine mais gavée de chevaux par le préparateu­r Ten Kate, qui se souciait plus de puissance maxi que de progressiv­ité. 2 James et son épouse, la pop star anglaise Katie Melua. 3 La chute qui mit fin à la carrière de James, lors de la manche allemande du championna­t du monde Superbike 2011. Poignet en vrac : une blessure qui peut être critique, comme on l’a vu chez feu le champion du monde MotoGP Nicky Hayden ou le crossman Ricky Johnson.
12 3 1 Toseland, tout en force et superbe sur sa CBR 1000 2007 : un vrai bronco. Elle n’était pas issue de l’usine mais gavée de chevaux par le préparateu­r Ten Kate, qui se souciait plus de puissance maxi que de progressiv­ité. 2 James et son épouse, la pop star anglaise Katie Melua. 3 La chute qui mit fin à la carrière de James, lors de la manche allemande du championna­t du monde Superbike 2011. Poignet en vrac : une blessure qui peut être critique, comme on l’a vu chez feu le champion du monde MotoGP Nicky Hayden ou le crossman Ricky Johnson.
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