Michele Pirro
De l’importance du test team chez Ducati.
Longtemps, la Ducati fut une moto capable de s’imposer aux seules mains de Casey Stoner. Passée ensuite par une longue période de disette, la Desmosedici brille aujourd’hui avec différents pilotes, et gagne aussi bien avec Andrea Dovizioso que Jorge Lorenzo. Derrière ce changement se cachent des ingénieurs et un pilote : Michele Pirro.
En arrivant à la tête du service course Ducati, il y a maintenant quatre ans, Gigi Dall’Igna a fait souffl er un vent nouveau du côté de Borgo Panigale. Formé chez Aprilia à l’école de Jan Witteveen, l’ingénieur italien a remis la marque de Bologne dans le sens de la marche en optimisant tous les compartiments du département compétition et en redistribuant certains rôles. Brillant et malin, il a toujours exploité au mieux les règlements techniques et sportifs. Ainsi, en 2014, a- t- il habilement profi té de la création de la classe Open pour participer au développement du logiciel de gestion électronique unique devenu obligatoire deux ans plus tard, afi n de s’en assurer la maîtrise. Son équipe s’est également distinguée avec la mise au point des appendices aérodynamiques que tout le monde a reproduits depuis. Et puis en équipant les teams Pramac, Nieto et Avintia, les ingénieurs italiens ont récupéré un maximum d’infos pour développer leur Desmosedici. Avec ça, le patron du Ducati Corse s’est employé à mettre en place une équipe de test ultra- performante. Une équipe que la concurrence essaie de copier. Pour cela, Honda a embauché Stefan Bradl, Yamaha Jonas Folger, et KTM Dani Pedrosa. « Tout le monde a compris qu’on ne peut pas développer une moto avec des pilotes d’essai qui roulent à trois secondes des meilleurs chronos, glisse Davide Tardozzi, le manager de l’équipe Ducati. Surtout qu’aujourd’hui, le nombre de séances de tests est considérablement restreint. » En trois ans, l’équipe Ducati a retrouvé son lustre et la Desmosedici le chemin du podium et celui de la victoire. Et pour Dall’Igna, il ne fait aucun doute que si Jorge Lorenzo a fi ni par s’imposer avec la moto italienne, le travail de son équipe de test a joué un rôle essentiel dans son adaptation. Si, depuis cette année, Casey Stoner a quitté ce groupe de travail, Michele Pirro en demeure l’homme clef. Âgé de 32 ans, le pilote italien a commencé à travailler dans l’ombre un peu avant l’arrivée de Gigi Dall’Igna aux commandes du service course Ducati. Passé par le Supersport et le Moto2, Pirro a effectué une saison en MotoGP avec une FTR chez Gresini avant d’accepter de tourner le dos à la compétition pour se consacrer au développement de la Desmosedici. « Commencer ce métier jeune
DALL’IGNA A MIS EN PLACE UNE ÉQUIPE DE TEST ULTRA-EFFICACE, COPIÉE PAR LA CONCURRENCE
a fi nalement été très important, glisse Pirro. J’ai accepté la mission en connaissance de cause et avec l’envie de donner le meilleur et de progresser. Les pilotes qui font du testing une fois à la retraite n’ont pas la même motivation. J’en ai pas mal parlé avec de Puniet. Quand j’ai commencé il y a bientôt sept ans, je voulais être rapide, aussi rapide que les pilotes offi ciels même si je me retrouvais seul en piste. » En guise de carotte, Pirro court en championnat d’Italie Superbike et participe chaque année à quelques Grands Prix en tant que wild card, ou pilote remplaçant. Quand il enfi le son casque, l’approche du travail est alors très différente. « Quand tu fais du testing, tu ne dois pas toujours essayer d’être le plus rapide, explique- t- il. Alors que durant un week- end de course, il faut être tout le temps au maximum. C’est l’objectif à chaque tour de circuit. En testing, il faut être capable de garder le même niveau tout au long de la journée, pas seulement durant quarante minutes. » L’an dernier, Michele Pirro avait arraché la cinquième place du Grand Prix de Saint- Marin. Une récompense et un moment de bonheur pour l’Italien mais aussi pour son équipe. « C’est important de vivre ce genre de choses ensemble car nous sommes généralement seuls et loin de tout quand nous faisons des essais » , confi e l’homme de confi ance de Gigi Dall’Igna. Durant les journées de tests, Michele Pirro enfi le le bleu de chauffe entre 8 h 00 et 9 h 00, fait une pause d’une heure ou deux à 13 h 00 et repart au boulot jusqu’à 18 h 00. « Pour faire du bon travail, il faut être capable de rester concentré et d’être très régulier sur l’ensemble des tours bouclés. Ça ne sert à rien d’être à limite pendant une heure puis de rouler à 80 % sur l’heure suivante. Il ne faut pas oublier que la moto est à chaque fois différente puisque nous sommes toujours en train d’essayer de nouvelles choses.
« JE PEUX AUSSI AIDER LES PILOTES DU BORD DE PISTE »
Pour faire des comparaisons valables et donner des commentaires pertinents, il faut être en mesure de fournir le même effort. Sans oublier qu’on mixe parfois des solutions techniques... » Être toujours à la limite ne va bien évidemment pas de soi lorsqu’on doit faire du tri dans de nouvelles pièces. « La chute fait partie du job, surtout qu’il faut parfois vraiment pousser la moto pour évaluer certaines choses. Mais si tu tombes, tu sais que tu compromets tout le programme de travail qui a été établi. Les conséquences ne sont jamais négligeables. Généralement, l’objectif d’une séance d’essais, c’est de trouver des solutions qui fonctionnent pour être performant sur
20 ou 30 tours, pas seulement sur un ou deux. » Au- delà des Grands Prix qu’il dispute, Pirro vient régulièrement sur les courses pour aider les pilotes Ducati. « Je connais la moto par coeur et quand je suis sur le bord de la piste et que je les observe, je sais les problèmes qu’ils rencontrent et je peux là aussi les aider. » Tout en enregistrant des informations qui lui seront également utiles lors de ses séances de travail suivantes. « Travailler avec eux fait de moi un meilleur pilote, et c’est aussi comme ça que je pense avoir pas mal aidé Jorge à modifi er son pilotage pour exploiter au mieux les points de la Ducati. » Mais pas question pour autant de tirer la couverture à
soi. « Je ne suis que l’élément d’une équipe dédiée à la performance, assure l’Italien. Tout le monde chez Ducati a sa part de mérite dans nos résultats actuels. Si tout le monde dit aujourd’hui dans le paddock que nous avons la meilleure moto, c’est parce qu’il y a des gens qui bossent sur ce projet du lundi au dimanche. Les fans ne voient que les pilotes qui brillent durant le week- end de course, mais derrière, il y a énormément de gens qui travaillent pour ce résultat. Et je n’ai pas plus de mérite que les autres. Personne n’en a plus qu’un autre. La différence, c’est Gigi, Paolo ( Ciabatti) et Davide qui l’ont faite en arrivant. Ils ont fait en sorte tous les trois que le bateau navigue dans la même direction, ce qui n’était peut- être pas le cas avant. »