GP Racing

Portrait Mike Leitner ..........

Chef mécanicien de Dani Pedrosa durant plus de dix ans, Mike Leitner pensait se mettre au vert quand le projet KTM MotoGP l’a rattrapé. Consultant dans un premier temps, l’Autrichien n’a pas su dire non quand Pit Beirer lui a proposé le job de team manage

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

L’ex- chef mécano de Pedrosa est manager KTM.

Comme c’est arrivé à d’autres, la passion de la course l’a rattrapé. Alors qu’à l’attaque de la cinquantai­ne, il s’imaginait prendre enfi n le temps de vivre dans ses montagnes autrichien­nes, Mike Leitner n’a pas su dire non quand Pit Beirer lui a proposé d’aider KTM à mettre en place son programme MotoGP. « Après une trentaine d’années à voyager d’un circuit à l’autre, j’avais dans l’idée de passer un peu plus de temps à la maison, raconte celui qui est aujourd’hui le team manager MotoGP de la marque de Mattighofe­n. J’avais l’idée d’un projet plus personnel... Et puis Pit m’a téléphoné pour me proposer un job de consultant. Je n’ai pas su dire non. Mais à ce moment- là, l’idée était seulement de faire profi ter KTM de mon expérience, de donner quelques conseils... Je n’imaginais pas que j’allais mettre le doigt dans un tel engrenage. » En 2015, au- delà de l’éclairage qu’on lui demande, Mike Leitner est très vite sollicité par Pit Beirer et Stefan Pierer, respective­ment directeur sportif et big boss de la marque autrichien­ne, pour mettre en place la structure chargée de piloter

le projet MotoGP. « À ce moment- là, les locaux où est aujourd’hui regroupée toute l’activité compétitio­n n’existaient pas, se souvient- il. Il n’y avait pas de matériel dédié à ce nouveau programme, et même pas les technicien­s pour y travailler. Seulement quelques ingénieurs maison qui commençaie­nt à y réfl échir. Il a donc fallu tout construire en partant d’une page blanche. Ma chance, c’est d’avoir occupé en Grands Prix tout un tas de postes qui me permettent de savoir quelles qualités réclament telle et telle fonction. J’ai été pilote, j’ai préparé des moteurs, j’ai été spécialist­e en suspension­s chez Öhlins... Je connais tout le monde dans ce paddock. »

« DANI N’A JAMAIS DEMANDÉ MA TÊTE AU HRC »

Né en 1962 du côté de Salzburg, Mike Leitner a couru au début des années 80, d’abord en Coupe Honda, puis en championna­t d’Europe 125. Il s’y est même classé troisième. « J’ai également fi ni dixième du championna­t du monde en 1987 » , précise- t- il. Avec deux places de quatrième, en France et au Portugal. Lorsqu’il range le cuir, il ouvre un atelier de mécanique moto : « J’avais fait des études dans ce domaine, et à mon époque,

un pilote devait savoir préparer ses motos. » L’Autrichien prend alors sous son aile un jeune pilote qui vit près de chez lui, Manfred Baumann. Il l’amène en Grands Prix, et même sur le podium du GP des Pays- Bas, en 1993. « J’ai ensuite reçu une offre du team Honda HB de Dieter Stappert pour travailler sur les motos de Ralf Waldmann. Ce fut une formidable expérience, car j’ai énormément appris avec Sepp Schlögl. Je connaissai­s bien les cadres, il m’a appris à faire fonctionne­r les moteurs. » Il restera fi dèle à l’équipe allemande jusqu’au début des années 2000, s’occupant sur la fi n des Aprilia de McWilliams et Nöhles. « Je suis ensuite parti travailler chez Öhlins, j’étais en charge des suspension­s des Yamaha Tech3 de Jacque et Barros, puis de celles de McCoy et Hopkins. » Jusqu’à ce qu’Alberto Puig lui propose, en 2004, de prendre du galon aux côtés de Dani Pedrosa qui vient d’être sacré dans la catégorie 125. Deux titres de champion du monde 250 et quinze victoires plus tard, l’Autrichien et l’Espagnol s’installero­nt en MotoGP au sein de l’équipe offi cielle Honda. Ils y passeront neuf saisons côte à côte. Sans malheureus­ement parvenir à décrocher la Lune en classe reine. « Dani a quand même terminé deuxième de son premier Grand Prix MotoGP, rappelle Leitner. Pour décrocher le titre, il faut un peu de chance, et Dani en a toujours manqué. Les blessures se sont enchaînées, et rien n’a jamais été simple. Son problème, tout le monde le sait, aura été son gabarit. Dani a toujours été plus à la merci des coups durs que les autres. Ce qui est sûr, c’est que tout cela lui a forgé un caractère. Ceux qui croient que Dani avait un mental fragile sont à côté de la plaque. Il n’y en a pas beaucoup qui auraient été capables de se relever et de remonter la pente comme il l’a fait. » Voilà pourquoi le team manager KTM a insisté pour que Pedrosa rejoigne cet hiver l’équipe d’essais de la marque de Mattighofe­n. « Contrairem­ent à ce qui s’est raconté à l’époque, Dani n’a jamais

demandé ma tête au HRC en 2014, assure

Mike Leitner. On s’est quittés d’un commun accord. Cela faisait onze ans qu’on travaillai­t ensemble, on avait l’un et l’autre envie de changer d’air. Mais nous avons toujours gardé le contact. Pour moi, proposer à Dani d’essayer la RC16 était une évidence. Sans que nous l’ayons voulu, tous nos pilotes n’ont jusqu’à présent eu comme expérience précédente en MotoGP que le pilotage d’une Yamaha. Avoir l’avis d’un pilote qui a fait toute sa carrière avec une autre marque

ne peut être qu’un plus. » Pour l’instant, Pedrosa n’a pas encore la possibilit­é de pousser la KTM dans ses derniers

retranchem­ents. « Lors du dernier test que nous avons réalisé avec lui, son épaule était encore fragile, témoigne Leitner. Mais ce fut tout de même intéressan­t d’avoir son avis. Il nous a donné un autre éclairage sur les points forts et les points faibles de notre moto. »

« NOTRE STRUCTURE DOIT GRANDIR ET S’ÉTOFFER »

Cette RC16 qu’il a vu naître, le team manager autrichien sait qu’elle est encore loin de pouvoir prétendre à la victoire. Mais pour lui, il n’y a pas à rougir du côté de Mattighofe­n. « Si on m’avait dit il y a trois ans que Pol monterait sur le podium du GP de Valence à la fi n de la saison 2018, je ne l’aurais pas forcément cru. On se bat face à des usines qui sont là depuis quarante ans ! Nous savons très bien que nous devons progresser, et ce à tous les niveaux : cadre, suspension­s, moteur... C’est ce que nous allons faire cette année avec Johann ( Zarco), mais aussi avec les pilotes et l’équipe Tech3 qui nous ont rejoints. C’est un gros effort, pour un constructe­ur qui est seulement dans sa troisième année de compétitio­n, d’aligner une équipe satellite. Notre structure doit encore grandir et s’étoffer pour gérer tout ça, fabriquer toutes les pièces dont nous avons besoin... À côté de ça, aujourd’hui, nous avons des pilotes qui ont les mêmes attentes mais des approches différente­s. Cela nous aide aussi à progresser. » Pour Mike Leitner, le passage du rôle de consultant à celui de team manager s’est fait tout naturellem­ent. « Finalement, cette nouvelle aventure m’a très vite passionné, confi e l’Autrichien. Chez Honda, il y avait une espèce de ronron, je ne m’occupais que de la technique sur la moto de Dani. Aujourd’hui, je gère un ensemble de paramètres, j’apprends tous les jours et je trouve ça génial. Quand je rentre dans le garage, je peux participer à une discussion entre les pilotes et les technicien­s, et puis ça sera ensuite une réunion avec le MSMA ( l’associatio­n des constructe­urs), ou avec l’Irta ( l’associatio­n des teams de Grands Prix). Le challenge est énorme, mais les moyens et l’envie de KTM sont incroyable­s. Et puis c’est génial d’avancer sans faire comme les autres. Nous sommes les seuls à utiliser une partie- cycle tubulaire, les seuls à bénéfi cier des suspension­s WP... Tout est entre nos mains. J’aime énormément cette idée de faire les choses à notre façon. » Un sacré challenge en effet.

« LE CHALLENGE EST ÉNORME, MAIS LES MOYENS ET L’ENVIE DE KTM SONT INCROYABLE­S »

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1 La première course de Johann Zarco avec l’équipe KTM n’a pas été une partie de plaisir pour le Français. Habitué à briller sur le circuit de Losail depuis ses débuts en MotoGP, le double champion du monde Moto2 a dû se contenter d’une quinzième place. 2 Avec Guy Coulon et le team Tech 3, Mike Leitner espère accélérer le développem­ent de la RC16. 3 Au Qatar, Zarco a aussi tâté du bitume aux essais.
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1 Mike Leitner a passé l’essentiel de sa carrière en Grands Prix auprès de Dani Pedrosa. Le pilote espagnol est d’ailleurs devenu pilote d’essais de l’usine KTM. 2 L’an dernier à Valence, Pol Espargaro a offert au constructe­ur autrichien son premier podium en MotoGP. 3 C’était sous la pluie et le Catalan avait fait le spectacle, terminant troisième derrière Dovizioso et Rins.
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