GP Racing

ITW : Jean-Michel Bayle........

LA FORCE EST DANS L’ADAPTATION

- Par Thomas Baujard. Photos Gold and Goose.

JMB nous raconte son parcours avec Zarco.

Jean-Michel Bayle est sans doute le plus grand pilote moto de tous les temps. Engagé par Johann Zarco comme conseiller, il a identifié le talent et les points faibles du bonhomme. Avec le licencieme­nt manumilita­ri du pilote KTM le 17 septembre dernier, leur collaborat­ion prend fin. JMB revient sur son parcours à ses côtés.

Il pleut lors des qualifs du Grand Prix de République tchèque à Brno, mais chez KTM, l’humeur est radieuse. Johann Zarco, qui galère depuis le début de saison sur la machine autrichien­ne, vient de retrouver ses sensations dans des conditions diffi ciles. Et deux ans et demi après son entrée en catégorie reine, KTM décroche, grâce au Français, son tout premier Top 3 en qualif. Un événement selon Pit Beirer, le boss du sport chez les Autrichien­s. C’est dans ce contexte jovial qu’on retrouve JMB dans l’hospitalit­y KTM bondée...

Jean-Michel, explique-nous comment tu t’es retrouvé coach de Johann. C’est ton idée ou la sienne ?

Ce n’est pas mon idée. La décision vient de lui. On s’est rencontré quelquefoi­s depuis deux ans. On s’était déjà vu l’année dernière quand il était chez Yamaha. Il m’avait demandé pendant l’été qu’on aille manger ensemble. Il avait quelques questions à me poser. Par rapport à mon expérience de pilote, d’ancien pilote. On a passé un bon moment ensemble, on a bien échangé. Et je pense que le discours que j’ai eu avec lui et la façon dont je voyais les choses ont dû lui plaire. Il a dû trouver ça positif. Je lui avais dit que je ne cherchais pas forcément un travail, mais que s’il avait besoin de mes services, qu’il n’hésite pas à me faire signe. Après, ça s’est fait un peu naturellem­ent. Il avait des soucis. Il ne s’en sortait pas avec son nouveau challenge, avec toutes les étapes qu’il avait à franchir. Des personnes de son entourage lui ont parlé de moi. Par hasard. Et en même temps, les choses ne se font jamais par hasard. Même chez KTM. Je connais des gens aux États- Unis : Roger de Coster, Pit ( Beirer, le boss du sport chez KTM), donc on a échangé là- dessus. Forcément, quand Johann a mentionné mon nom à Pit, ce dernier lui a répondu : « Ben oui, on connaît Jean- Michel. Ça serait génial. » Donc voilà, ça s’est fait assez naturellem­ent. Mais ça vient de lui.

Comment s’est passé le travail depuis le début ? Comment ton expérience de pilote te permet-elle d’aider un autre pilote ?

Les gens ne se rendent pas compte à quel point le métier de pilote MotoGP est diffi cile. Ils pensent qu’il suffi t simplement de monter sur une moto, accélérer et freiner. Ce n’est pas aussi facile que ça, sinon tout le monde y arriverait. Ça implique énormément de choses. D’avoir du talent pour piloter une moto déjà, ce que tout le monde n’a pas. Après, ça exige énormément de discipline. Énormément de confi ance en soi. Et tout ça, ça se crée, ça se construit, ça se travaille. Et c’est aussi ce qui rend la chose intéressan­te. C’est ce qui explique que certains pilotes sont très forts, et que d’autres, avec le même talent, n’arrivent pas à être aussi forts. Justement, ce qui est intéressan­t, c’est que c’est du sport de haut niveau, c’est- à- dire de la recherche de perfection. Pas seulement quand le pilote met son cuir et monte sur la moto, mais également dans sa préparatio­n, son approche, son travail et son entourage. Et tout ça fait un package, qui est effi cace ou non.

Après une phase de progressio­n initiale intéressan­te de Johann jusqu’aux essais de Sepang, où il est le premier pilote KTM à passer sous la barre des deux minutes, il doit affronter plusieurs déceptions en course. Jusqu’à son abandon sur douleurs à l’avant-bras à Assen. Le tout premier de sa carrière. Comment as-tu géré ça avec lui ?

Quand je suis arrivé au Mans, je connaissai­s un peu la situation, et j’ai passé les trois premières courses à simplement observer, parce que lorsque tu arrives en pleine saison, ce n’est pas évident. J’ai pris ma décision pour Jerez, mais je n’ai pas pu y aller car j’avais un problème médical à régler. Et donc, ma première course, c’était le Mans. Tu débarques là, alors que tout le monde a sa place. La première des choses à faire est déjà de voir ce qui se passe, de faire une analyse de la situation. Ce fut ma première mission afi n d’établir un diagnostic sûr. Une fois que j’ai identifi é ce qui fonctionna­it, et ce qui tournait moins bien, le travail de perfection­nement a pu commencer. Alors bien sûr, après, tu t’en vas, mais tu ne changes pas quelqu’un en une semaine. Ça prend du temps pour que tout se mette en place ; la confi ance, le travail. Et à Assen, on connaît notre premier abandon. C’est une grosse déception, parce que pour un pilote, s’arrêter en course comme ça, c’est un échec. Arrêter de rouler sans avoir de problème technique sur la moto. Mais en même temps, son début de course était bon, l’un des meilleurs qu’il avait jamais faits ( avec cette machine). Il était parti 17e, il était remonté 10e. Donc il avait passé sept pilotes, ce qui n’était jamais arrivé depuis qu’il était monté sur la KTM. Rien que ça était positif. Justement, mon travail consiste à déceler ce qui va bien, à le mettre en avant pour lui donner confi ance en lui. Il faut aussi analyser ce qui est négatif pour le mettre de côté. Il faut en tirer des leçons,

certes mais le mettre de côté pour ne pas rester bloquer là- dessus.

Après son abandon à Assen, on a entendu certains dire qu’il n’était pas idiot non plus de sa part de s’arrêter s’il avait peur de se crasher...

Oui mais c’est quand même inadmissib­le. Un pilote ne doit pas s’arrêter comme ça en course. C’est mon opinion. Mais après, c’est comme ça. Donc il faut regarder pourquoi et comment on en est arrivé là. Du coup, nous avons fait des tests physiques pour essayer de l’aider. Et justement, on a décelé des points faibles que j’avais un peu perçus, mais dont je n’étais pas certain. On a mis de côté le négatif, on a tiré profi t de la situation, pour essayer de nous améliorer. Ce genre de situation est toujours intéressan­te. Même l’échec est profi table parce qu’il nous apprend beaucoup de choses.

Après une nouvelle déconvenue et une chute au GP d’Allemagne, Johann nous a expliqué qu’il n’allait pas prendre de vacances et continuer à bosser. Comment ça s’est passé ?

On avait un programme bien défi ni. Des éléments ont confi rmé les analyses qu’on avait déjà faites. Et du coup, il y avait pas mal de travail à faire, il était hors de question de passer un été tranquille à la plage. Ce travail a été axé sur le fait de le sortir d’une certaine zone de confort, de ses limites et de le garder dans une situation où il ne contrôle pas tout. Avec de longues marches en montagne, pas mal de vélo en longues distances diffi ciles qu’on a parcourues ensemble. Des trucs qu’il n’avait jamais faits. Donc forcément, il s’est retrouvé dans des situations qu’il n’avait pas l’habitude de vivre, et en diffi culté. Mais justement, c’est ce qu’on voulait lui faire faire : affronter les diffi cultés et les surmonter. Et c’est ce qu’il a fait. Ça n’a pas été évident, mais il l’a fait. Je pense que c’est important pour lui, parce qu’il était dans un certain confort avec son ancienne moto, son ancien team. Et là, il s’est retrouvé avec une nouvelle moto, un nouveau team, de l’inconfort et des choses auxquelles il n’était pas habitué. L’entraîneme­nt consiste à lui faire faire des choses qu’il ne connaît pas afi n d’accroître sa marge de manoeuvre. C’est un pilote très performant, mais qui évoluait dans une zone assez étroite. C’était du top niveau mais sur de très petits espaces, et nous, on essaie d’agrandir sa fenêtre de tir.

Johann a monté le Ventoux trois fois de suite à vélo, ce qui prouve que physiqueme­nt, il est déjà très fort. Comment fais-tu pour améliorer encore ce potentiel ?

En effet, il a réalisé cet exploit alors qu’il avait 200 kilomètres dans les jambes. Il est fort physiqueme­nt, mais il a des faiblesses aussi. Il y a des zones où il est très, très bon, et d’autres où il est moins bien. C’est là qu’il peut gagner en aisance.

Après l’Allemagne, il nous avait expliqué qu’avec le boulot d’essais conduit par Dani Pedrosa à Brno, il devrait être rapide. La caractéris­tique de Johann cette année est de se refaire un moral entre chaque course, avant de perdre son optimisme graduellem­ent durant chaque week-end de course. Comment lutter contre ça ?

C’est super dur parce qu’il a le désavantag­e d’être un winner ( gagnant). Quand tu as de très hautes ambitions et que tu te retrouves confronté à des problèmes qui sont assez basiques, eh bien, ça te perturbe complèteme­nt. Parce que t’es tellement loin de ce que t’as envie de faire. Tu as l’impression que la marche est hyper haute, et que tu n’arriveras jamais à la gravir. C’est ça qui est dur : essayer d’analyser la situation correcteme­nt, prendre le positif, et concrétise­r tes efforts en franchissa­nt plein de petites marches plutôt qu’une grosse. Le but étant de toujours monter sans jamais redescendr­e. Entre et pendant

L’ENTRAÎNEME­NT VISE À LUI FAIRE DÉCOUVRIR DES CHOSES QU’IL NE CONNAÎT PAS AFIN D’ACCROÎTRE SA MARGE DE MANOEUVRE

les courses, il doit essayer de garder un état mental toujours positif. Ce qui n’est pas une mince affaire. Aujourd’hui encore.

Après l’avoir observé en bord de piste au Mans, Johann nous disait que tu avais placé des cônes sur sa piste de supermotar­d pour modifier son pilotage, ce qui lui a permis de gagner une seconde au tour. Alors que selon Adrien Chareyre, triple champion du monde de SM, Johann est l’un des meilleurs dans cette discipline. Johann était sidéré. Peux-tu expliquer comment tu t’y es pris ?

J’ai quand même une certaine expérience sur des motos différente­s ; je suis l’un des seuls à avoir roulé sur des motos de cross, de vitesse, de supermotar­d et j’ai été assez bon dans toutes les discipline­s.

Enduro aussi, trial...

Oui. Donc forcément, la méthode, je la connais. Je sais ce qu’on est capable de faire avec certains types de moto. Même si c’était il y a 15 ans. Aujourd’hui, quand je remonte sur une machine d’enduro, je sais toujours autant rouler. Pareil pour une moto de vitesse. Donc forcément, j’ai encore ces bons réfl exes. Quand je l’ai fait travailler, mon objectif était de lui agrandir sa fenêtre de roulage. En effet, il avait une certaine façon de rouler – qui était effi cace – mais il avait du mal à en sortir. Du coup, ma première mission a été de lui montrer qu’on pouvait aller aussi vite, mais différemme­nt.

Comme quoi ? Entrer plus tard en virage, entrer plus tôt ?

On n’est pas obligé de prendre une seule trajectoir­e pour aller vite. On peut aller à la même vitesse en faisant des choses différente­s. Si on est capable de changer son pilotage pour modifi er sa trajectoir­e, on est capable d’aller aussi vite. Et même, pourquoi pas, parfois, d’aller plus vite. Selon le type de moto et selon le réglage qu’on a.

Ce sont des barrières mentales en fait...

Voilà. Et, à mon grand étonnement, il a réussi à les dépasser rapidement. Je pensais que ça allait lui prendre la journée pour qu’il parvienne à s’adapter. Alors qu’en dix minutes, il y est arrivé. En un quart d’heure, il avait amélioré ses temps. C’est là que je me suis dit : c’est un pilote super talentueux.

Vous étiez où ?

On était à Eyguières. Pour s’adapter et améliorer son pilotage aussi vite, c’est qu’il sait bien faire de la moto. Et c’est ce qu’on demande à un pilote. Voilà où nous en sommes : on travaille. Après, je le redis, les gens pensent qu’être pilote de GP, c’est super simple, que Johann est l’un des meilleurs et qu’on n’a rien à lui apprendre. C’est faux ! On apprend tous les jours. Même Johann, même Marquez. Pourquoi vont- ils s’entraîner toute la semaine en dirt- track ? S’ils pensaient qu’il n’y avait rien à tirer de ces entraîneme­nts, ils ne le feraient pas. C’est une progressio­n permanente vers la perfection. Tu peux toujours être meilleur que ce que tu étais le jour avant.

À Assen, tu nous expliquais qu’il était très compliqué pour un pilote de se sentir vraiment bien sur sa machine. Pour Johann, qui semblait parfois en osmose totale avec sa M1, la découverte de la RC16 a dû être un choc. Comment peux-tu l’aider à apprivoise­r cette moto qui demande un style de pilotage plus agressif, ce qui est contre-nature pour lui ?

La démarche est la même : quand tu veux être champion du monde, quand tu veux être le meilleur pilote du monde, tu dois être capable de rouler avec une autre moto, avec des réglages différents. Tu dois pouvoir t’adapter. Si ton ambition, c’est d’être champion du monde, même si on te donne des motos qui sont moins performant­es, justement, c’est là que tu dois être parfait, que tu dois être meilleur que les autres. La force est dans l’adaptation. Dire « ouais, la moto ne lui va pas, c’est foutu » ne correspond pas à l’attitude de celui qui veut devenir champion du monde. Ce n’est pas constructi­f. Même si la moto n’est pas parfaite, ton travail, c’est quand même de t’adapter. Et de montrer que t’es vraiment le meilleur. Bien sûr, à court terme, c’est décevant. Mais Johann est encore jeune ( 29 ans), et à long terme, cette situation peut être bénéfi que parce qu’il peut en tirer des leçons, il peut apprendre beaucoup de choses. Et il peut sortir de là vraiment plus fort qu’il n’est arrivé.

Pol Espargaro prouve, avec ses résultats, que la moto n’est pas foncièreme­nt inefficace, mais qu’elle requiert un mode d’emploi particulie­r. En tant qu’ex-pilote, vois-tu ce qu’il faut faire pour aller vite à son guidon ? Peux-tu guider Johann pour qu’il y parvienne ?

Pol est un pilote vraiment différent de Johann. Pol est comme moi, il me ressemble ; il a fait beaucoup de motocross et quelle que soit la moto que tu lui donnes, il va s’adapter. Parce qu’il n’a pas le choix. Il va inventer des trucs dans son pilotage pour estomper les mauvais côtés de la moto. En mettant un petit coup de frein arrière, il va passer, comme je le faisais.

Toi, tu avais même deux pistons sur l’étrier arrière de ta 125 CR...

Oui. Le seul problème avec ça, c’est que lorsque tu as des coéquipier­s qui ne sont pas aussi habiles que toi, et qui n’ont pas cet état d’esprit- là, pour eux, c’est ingérable. Parce que tu ne les aides pas en fait. Au contraire, tu les enfonces. Pol ne fait pas ça exprès. Il fait ça pour le bien du team et pour son propre intérêt. Sa moto est ce qu’elle est et il essaie de faire avec. Johann,

lui, est plus perfection­niste, il a besoin de certaines choses pour y arriver. Une partie de mon travail a consisté à lui faire comprendre que même face à ces problèmes- là, il pouvait s’adapter et les contourner. Quand bien même l’intérieur du team savait qu’il fallait régler ces dysfonctio­nnements pour passer la marche supérieure. C’est justement ça qui est diffi cile : se dire d’un côté, que l’on connaît nos problèmes et qu’on va essayer de les régler et de l’autre, d’essayer, en attendant, de faire les choses autrement pour ne pas sombrer au fond du trou.

Il semble aussi que la perte de confiance que Johann subit au guidon de la RC16 ne lui permette pas d’exprimer son potentiel. Es-tu d’accord avec ça et si oui, comment y remédier ?

C’est évident. Quand tu as le moral dans les chaussette­s, tu n’es pas en état de piloter une MotoGP à 100 %. C’est normal, et c’est logique. Alors tu la pilotes parce que t’es bon, mais plutôt que d’être à 100 %, tu es à 90 %. Et le problème, c’est que tu as en face de toi des gars qui se donnent tout le temps à 100 %. L’écart se voit immédiatem­ent. Dans ce contexte, le moral est hyper important. Il faut garder la tête froide, analyser la situation, travailler, c’est le seul moyen de rester concentré sur ton objectif. Ça ne sert à rien de se lamenter. À l’inverse, quand tu es dans le travail et la recherche de solution, tu es dans l’action. Pas dans la réfl exion. La réfl exion est certes nécessaire au départ, mais il ne faut pas qu’elle se prolonge, sinon tu tournes en rond. C’est vrai que c’est un travail diffi cile parce qu’on y est confronté tous les jours. À chaque séance, quand il y a quelque chose qui ne va pas, on a l’impression de retomber. Ça remonte et ça retombe... C’est là qu’autour de toi, on t’assène des phrases du type : « Avant- dernier temps, c’est pourri. » Oui, c’est pourri, mais c’est comme ça, il faut faire avec et travailler.

La marche est haute entre le statut de pilote dans un team satellite et celui de pilote d’usine. Tu le sais mieux que personne. Il faut assumer une partie du développem­ent de la machine, guider les ingénieurs, motiver son équipe et communique­r davantage avec les sponsors et le public. Il semble que Johann ait aussi du mal avec certains aspects de ce rôle, et qu’il se tienne à distance de son équipe, alors que Pol mange avec ses mécanos par exemple. Quels sont les moyens dont tu disposes pour faire évoluer cette situation, si toutefois ça reste dans ton domaine de compétence ?

Tous les pilotes sont différents. Il faut respecter la personnali­té et la façon de faire de chacun. Après, de petites améliorati­ons peuvent être faites. C’est sûr qu’il est important d’être leader dans ton équipe. Quand tu es dans un team d’usine, les gens attendent énormément de toi. Sur beaucoup de plans, comme le fait d’être en partenaria­t commercial avec une marque par exemple. Et puis les ingénieurs ont besoin de toi pour développer la moto. Ce poids se ressent, et il peut être handicapan­t. Mais par ailleurs, il peut devenir motivant. Super valorisant, même. C’est avec ça qu’il faut composer et se montrer profession­nel. Sans pour autant forcer son caractère. C’est- à- dire qu’il ne faut pas tricher non plus. Certains pilotes vont êtres exubérants, d’autres timides. Ça ne veut pas dire que les premiers sont des imbéciles et les autres des génies.

Les difficulté­s de Johann auraient-elles quelque chose à voir avec la méthode de travail de son ancien coach, Laurent Fellon, avec lequel il a certes décroché deux titres mondiaux Moto2, un titre de vice-champion du monde 125, et celui de meilleur débutant 2017 en MotoGP, mais qui l’a peut-être trop protégé et empêché de mûrir ?

Entre le moment où tu débutes en moto, et celui où tu deviens profession­nel s’écoule un temps très long, comme entre celui où tu signes pour une usine et celui où tu deviens champion du monde. Tu progresses sur la moto, mais tu progresses dans ta vie aussi. Je pense que la relation de Johann avec Laurent a été très positive parce qu’elle l’a mené à se perfection­ner et à être champion du monde. Je compare un peu leur relation avec celle que j’ai pu avoir avec mon père : tu ne peux pas rester avec ton père toute ta vie. Pour toi et ta confi ance, il faut être capable de prendre des décisions par toi- même. D’avancer par toi- même. Ce sont ces étapes- là qui te permettron­t de gravir la dernière marche. Il ne faut pas oublier que lorsque tu es sur la moto, tu es tout seul. Johann a ressenti le besoin d’aller chercher cette dernière marche, et forcément, c’est diffi cile, mais c’est aussi un passage obligé pour pouvoir aller plus loin.

Maintenant que vous avez pris l’habitude de travailler ensemble, quelles sont, selon toi, les prochaines étapes qui vont lui permettre de mieux exploiter son matériel ?

Les étapes à passer, c’est de chercher à se perfection­ner un peu partout : l’entraîneme­nt, notre confi ance, etc. Rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Il faut essayer de pousser les curseurs un peu partout. Parce qu’on est dans du sport de haut niveau, les ajustement­s se font à petit pas. Quand tu es une seconde derrière, une seconde c’est beaucoup, et en même temps, ce n’est pas grand- chose.

As-tu envie de rouler avec lui, pour le fun ou pour travailler un exercice en particulie­r ?

Il y a certaines situations où il n’y a aucune raison que je le fasse. Après, il y a d’autres moments où ça se fera naturellem­ent : on peut aller à un endroit, et se retrouver avec une moto chacun. Oui, il est tout à fait possible qu’on roule ensemble.

C’est déjà arrivé ?

Une fois, en dirt- track, mais on n’avait pas les mêmes motos, parce qu’on essayait de nouvelles machines. Mais ça va se faire. Moi, ça me permet de mieux voir ce qu’il fait parce que forcément, quand tu roules...

... tu joues le rôle de caméra embarquée !

Oui, mais avec mes propres yeux. Je vois mieux ce qu’il se passe : ce qu’il arrive à faire et ce qui lui pose problème. L’avantage d’avoir touché à tout, c’est que, même si ce n’est pas ma spécialité, je comprends les choses et je vois où on doit travailler. On ira certaineme­nt rouler en enduro cet hiver pour la préparatio­n physique. Faire de longues sorties. Forcément, on va y aller ensemble. Mais ce n’est pas mon but premier. Si l’occasion se présente, on roulera ensemble, et si ça n’est pas possible, je serai quoi qu’il en soit en bord de piste pour lui apporter mon aide.

Quand on a été le meilleur pilote du monde, coach, ça apporte quoi comme satisfacti­on ?

Je n’aime pas trop ce mot de coach. Moi, ce qui m’intéresse, c’est l’apport d’expérience. J’ai toujours eu des gens autour de moi qui m’ont beaucoup aidé. Et sans eux, je n’aurai jamais réussi.

Qui ça ?

Il y a eu plusieurs personnes, en fonction des étapes. Il y a tout d’abord eu Roger De Coster, qui a vraiment été incroyable avec moi. Mais avant lui, c’est Alain Prieur qui a été déterminan­t ( cascadeur, recordman du monde de saut à moto sur le tremplin de St- Nizier- duMouchero­tte en 1988, ndlr). Parce qu’Alain m’a montré comment relever des défi s, des vrais. Et l’impact de son enseigneme­nt a été réel ; ça a imprimé quelque chose en moi de manière durable. Ensuite, il y a eu Roger donc, parce qu’il a tout de suite vu mon talent et ce que j’étais capable de faire. Il m’a dit : si tu arrives à faire ça, voilà ce qu’on fera ensuite. Il a tout de suite identifi é ce que j’avais envie de faire. Et après, pour tous mes titres américains, il a été là. Sans lui, je n’aurai jamais gagné. C’est évident. Lorsque j’ai débarqué aux États- Unis, j’avais 19 ans, je ne parlais pas anglais et je n’avais pas de contrat. Je n’aurai rien pu faire sans lui.

Donc en plus de ça, en tant que pilote, tu sais quel est le bénéfice d’un conseiller...

Bien sûr ! On ne réussit pas tout seul, c’est impossible. Et après Roger, quand je suis passé en vitesse, la première année, j’ai roulé pour Aprilia avec Carlo Pernat. Si Carlo n’a jamais été un très grand pilote, c’est un grand manager. Il a placé des gens compétents autour de moi pour m’apprendre. C’est la famille Guidotti. Le père, qui travaillai­t à l’époque chez Aprilia, et ses deux enfants qui oeuvrent en MotoGP aujourd’hui.

Francesco chez Pramac et Giacomo chez LCR.

Tout à fait. Giacomo a été mon premier coach en vitesse, et c’est grâce à eux aussi que j’ai appris à rouler sur une deux et demie. Après cela, je me suis retrouvé avec Biaggi dans le team offi ciel, mais ils étaient là, derrière moi. Puis il y a eu Kenny Roberts, qui, lui, m’avait vu dès le début, lorsque j’ai disputé mon premier Grand Prix en 92 à Magny- Cours et que j’ai fi ni dernier...

C’était sur ta Honda NSR aux couleurs Rothmans, n’est-ce pas ?

Une Honda RS peinte aux couleurs NSR, mais RS ( la RS est un modèle compétitio­n- client, moins performant que la moto d’usine

NSR, ndlr) ! ( rires) Donc le lendemain de cette course où j’avais fait dernier... Ah non, pardon ! Avant- dernier car un pilote était tombé puis reparti, deux personnes m’ont appelé. Carlo Pernat d’abord : « Bon, écoute Jean- Michel, tu en penses quoi maintenant que t’as essayé ? » Je lui ai répondu que ça m’avait encore plus motivé

PARCE QU’ON EST DANS DU SPORT DE HAUT NIVEAU, LES AJUSTEMENT­S SE FONT À PETIT PAS

pour faire la saison complète l’année suivante. Il enchaîne : « Très bien, c’est ce que je voulais entendre. Je sais que t’es un pilote Honda, mais si jamais

t’as besoin d’aide, on sera là. » Je lui ai dit OK, merci Carlo, je te tiens au courant. Et la deuxième personne qui m’a contacté, c’est Kenny Roberts. On ne se connaissai­t pas, même si bien sûr, je savais qui il était. Il m’a dit : « J’ai vu ta prestation, t’as fait dernier, mais c’est courageux, parce que t’es en plein championna­t américain, t’as un cross le week- end prochain. C’est même exceptionn­el. Et alors, t’en penses quoi ? t’es dégoûté ou... » Je lui ai dit qu’au contraire, ça m’avait beaucoup plu, et que désormais, je n’avais qu’une envie : travailler pour trouver un guidon pour l’année suivant. Et là, il conclut : « C’est ce que je voulais entendre ( rires), on se retrouvera peut- être un jour. »

Et vous vous êtes effectivem­ent retrouvés en 500 dans son team, Yamaha Marlboro Roberts...

Oui, et plus tard en endurance, lorsque j’ai rencontré Dominique Méliand. Roberts était un monstre dans ce domaine. Je suis arrivé dans cette discipline, à laquelle je ne connaissai­s rien ; il m’a beaucoup appris. Je sais donc à quel point il est important d’être entouré par des gens d’expérience, c’est ce qui permet de gagner énormément de temps. On a toujours tendance à penser : « Ouais, le mec, il te parle de ça, mais c’était il y a dix ans... » Mais ça reste le même sport. Et le haut niveau a toujours les mêmes exigences : le travail, la discipline, la perfection. Et ça restera toujours comme ça.

Que penses-tu du paddock MotoGP aujourd’hui, et est-ce qu’y travailler à nouveau te donne envie d’essayer cette fameuse RC16 pour mieux comprendre cette machine ?

Non, je n’ai pas forcément envie de rouler, pas du tout même, parce que je n’ai plus l’âge. Ça ne m’intéresse pas parce que je suis passé à autre chose. Ce qu’est devenu le MotoGP ? Il y a beaucoup plus de lumière, dans les stands et dans le paddock. Mais le sport est resté le même. Et c’est ce qui est important. Pas mal de gens pensent qu’à cause du 4- temps et de l’électroniq­ue, c’est plus facile pour les pilotes. Là, je dis stop. Il y a effectivem­ent des choses plus faciles. C’est vrai qu’on voit de moins en moins de high- sides, parce que les pilotes ont moins besoin de contrôler la poignée de gaz et que l’électroniq­ue le fait pour eux. En revanche, les motos sont de plus en plus physiques. Nettement plus que ce qu’elles étaient à notre époque. Du fait de l’électroniq­ue et du grip des pneus plus important, les pilotes sont obligés de forcer beaucoup plus pour garder la moto sur sa trajectoir­e. Il y a plus d’aéro aussi. Pour aller plus vite, garder la moto dans sa ligne exige des efforts plus importants. Même en milieu de virage, sur le sec, ils arrivent à accélérer. Alors qu’avant, on ne pouvait pas le faire. Ils accélèrent, mais pour que la moto reste sur la trajectoir­e, il faut la tenir et la pencher à l’intérieur. Du coup, ça devient de plus en plus un sport physique. Et c’est une tendance qui va s’accentuer avec la hausse de performanc­e des machines. Je pense que la clé de ces prochaines années, c’est d’être très fort physiqueme­nt pour pouvoir arriver à tenir ces motos- là, que ce soit en concentrat­ion ou en pilotage, pendant la durée de la course.

LA CLÉ DE CES PROCHAINES ANNÉES SERA D’ÊTRE TRÈS FORT PHYSIQUEME­NT POUR ARRIVER À TENIR CES MOTOS-LÀ

Il me semble que Pit Beirer a tout de suite été enthousias­te quand Johann a évoqué ton nom. Comment te sens-tu intégré au team KTM en tant que conseiller, et comment juges-tu le fonctionne­ment du team ?

Tout le monde connaît l’historique de KTM en enduro et en cross. Là- dessus, il n’y a pas de doute par rapport à leur façon de fabriquer une moto et leur manière de travailler. Après, au niveau de la technologi­e, ils sont partis sur des choses un peu différente­s, et c’est tant mieux. Parce que ce n’est pas en faisant la même chose qu’on arrive à faire mieux. Parfois, il faut faire différemme­nt pour être plus fort. Et ils ont des solutions technologi­ques qui ne sont pas si bêtes que ça. Ils arrivent en MotoGP, il a fallu tout construire, un moteur, une partie- cycle, découvrir la catégorie. Ça ne se fait pas en deux ans. Honda fait du MotoGP depuis les années 60. J’ai beaucoup de respect pour l’usine KTM et le travail qu’ils mènent. Je ne suis pas étonné qu’il soit nécessaire d’attendre pour qu’ils soient performant­s.

Tu as eu quelques autres expérience­s de coaching en cross avec Sébastien Tortelli et Gautier Paulin, si mes infos sont exactes. Comment juges-tu l’implicatio­n de l’élève Zarco par rapport à tes anciens poulains ?

Déjà, c’étaient deux discipline­s différente­s. Le cross, ce n’est pas pareil. Je suis toujours appelé dans des situations un peu diffi ciles.

En fait, tu es l’homme qui tombe à pic ! (rires)

C’est un peu ça ! Évidemment, si tout était facile, on ne m’appellerai­t pas. Cela dit, quand j’ai travaillé pour Sébastien, j’étais plus jeune. Je n’avais pas l’expérience que j’ai aujourd’hui. Lorsque tu fais du coaching comme ça, que tu aides quelqu’un à progresser, tu en apprends aussi tous les jours. Et tu progresses. Il faut dire que le challenge américain n’était pas évident pour Sébastien. Il a compris beaucoup de choses avec moi et on a bien travaillé. Aujourd’hui, quand je le recroise, il me dit : « Moi aussi, j’étais jeune à cette époque- là, j’aurais dû t’appeler un peu plus tôt. Quand tu as plus de temps pour travailler, tu peux faire davantage de choses. » Avec Gautier, c’était un peu différent parce que je collaborai­s avec le HRC, donc c’est Honda qui est venu me chercher pour essayer de reconstrui­re le team, parce que ça faisait 15 ans qu’ils n’avaient pas été champions du monde. J’ai réussi à faire signer Paulin. Après, chez Honda, je travaillai­s plus pour le team que pour les trois pilotes.

Donc l’implicatio­n n’était pas la même...

Exactement. Moi, mon but, c’était avant tout de faire gagner le team. Je voulais vraiment être champion du monde avec Gautier, et à ma grande surprise, on l’a été avec Tim Gajser. Un jeune pilote qui a brûlé toutes les étapes, et qui dès sa première saison, a été champion du monde 250. On a pris le risque de le faire passer en 450. C’est d’ailleurs moi qui ai pris cette décision avec les Japonais. Avoir trois pilotes en 450 n’était pas évident, mais on a bien fait puisqu’il a été champion du monde.

Penses-tu que Johann puisse sortir de l’ornière, et retrouver sa superbe au guidon de la RC16 ? Et si oui, envisages-tu de continuer à l’aider l’an prochain ?

Bien sûr qu’il peut arriver à maîtriser sa moto. Johann est un pilote qui a beaucoup de talent, très doué. Après, forcément, il est confronté à des diffi cultés. Et forcément, il a des hauts et des bas. Par moments, il a l’impression que la marche est très, très haute. À d’autres, il s’approche du but, comme aujourd’hui. Je suis convaincu qu’il peut y arriver, même si on n’est jamais sûr de rien. C’est justement ce qui fait tout l’intérêt de notre travail.

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 ??  ?? 1 Après une phase d’observatio­n initiale au Mans et au Mugello (photo), JMB commence à donner des conseils à Johann. 2 Le problème n°1 du Français : une KTM RC16 2019 trop physique et qui refuse de tourner, soit l’exacte opposée de sa Yamaha M1 2018, légère et maniable. 3 Le matériel du conseiller JMB : scooter pour observer en bord de piste, carnet de notes et téléphone portable pour disposer des chronos en temps réel. 1
1 Après une phase d’observatio­n initiale au Mans et au Mugello (photo), JMB commence à donner des conseils à Johann. 2 Le problème n°1 du Français : une KTM RC16 2019 trop physique et qui refuse de tourner, soit l’exacte opposée de sa Yamaha M1 2018, légère et maniable. 3 Le matériel du conseiller JMB : scooter pour observer en bord de piste, carnet de notes et téléphone portable pour disposer des chronos en temps réel. 1
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 ??  ?? 1 Des essais de Jerez 2018 à Sepang 2019, Johann progresse, l’ambiance est bonne. Mais dès que les contre-performanc­es s’enchaînent en course, le climat se tend. 2 Pour ne rien arranger, les questions qui fâchent s’accumulent lors des points presse, et le Français semble désemparé. 3 Cinq mois de galère et soudain, la lumière : la première ligne en qualif à Brno, une première pour KTM en MotoGP. Une perf’ qui aura l’effet inverse de celui escompté, et persuadera Johann de partir. 4 JMB et Zarco dimanche à Spielberg. La messe est dite. La veille, Johann est venu présenter sa démission au big boss de KTM, Stefan Pierer.
1 Des essais de Jerez 2018 à Sepang 2019, Johann progresse, l’ambiance est bonne. Mais dès que les contre-performanc­es s’enchaînent en course, le climat se tend. 2 Pour ne rien arranger, les questions qui fâchent s’accumulent lors des points presse, et le Français semble désemparé. 3 Cinq mois de galère et soudain, la lumière : la première ligne en qualif à Brno, une première pour KTM en MotoGP. Une perf’ qui aura l’effet inverse de celui escompté, et persuadera Johann de partir. 4 JMB et Zarco dimanche à Spielberg. La messe est dite. La veille, Johann est venu présenter sa démission au big boss de KTM, Stefan Pierer.
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 ??  ?? 1 « La relation entre Johann Zarco et Laurent Fellon (à gauche) fut très bénéfique au premier, explique JMB. Mais arrive un moment où tu atteins une limite. C’est ce que j’ai vécu avec mon père. » 2 À la lutte pour la 10e place à Silverston­e, Johann s’accroche avec Miguel Oliveira qui se blesse à l’épaule. Symbole d’une saison où tout, ou presque, va de travers. 3 L’Allemand Markus Eschenbach­er, chef mécano de Zarco, avait toute confiance en son pilote. Mais comme avec Rossi et Burgess chez Ducati, la mayonnaise n’a pas pris. 4 Même en deçà de ses objectifs sur KTM, Johann reste l’un des pilotes les plus rapides du monde. Les usines le savent, et un guidon d’essais MotoGP chez Yamaha ou Honda reste possible.
1 « La relation entre Johann Zarco et Laurent Fellon (à gauche) fut très bénéfique au premier, explique JMB. Mais arrive un moment où tu atteins une limite. C’est ce que j’ai vécu avec mon père. » 2 À la lutte pour la 10e place à Silverston­e, Johann s’accroche avec Miguel Oliveira qui se blesse à l’épaule. Symbole d’une saison où tout, ou presque, va de travers. 3 L’Allemand Markus Eschenbach­er, chef mécano de Zarco, avait toute confiance en son pilote. Mais comme avec Rossi et Burgess chez Ducati, la mayonnaise n’a pas pris. 4 Même en deçà de ses objectifs sur KTM, Johann reste l’un des pilotes les plus rapides du monde. Les usines le savent, et un guidon d’essais MotoGP chez Yamaha ou Honda reste possible.
 ??  ?? JMB en bagarre avec Barros et Okada à Brno, circuit où JMB décrochera l’une de ses deux pole positions 500 en 1996. En battant Michael Doohan, s’il vous plaît...
JMB en bagarre avec Barros et Okada à Brno, circuit où JMB décrochera l’une de ses deux pole positions 500 en 1996. En battant Michael Doohan, s’il vous plaît...
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 ??  ?? En 93, Bayle passe chez Aprilia et marque ses premiers points en Mondial. Il termine 22e au général.
En 93, Bayle passe chez Aprilia et marque ses premiers points en Mondial. Il termine 22e au général.

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