GP Racing

Marquez : où en est-il ? ....

Solide leader du classement général MotoGP, Marc Marquez évolue aujourd’hui un ton au-dessus de ses adversaire­s. À 26 ans, l’Espagnol semble plus que jamais maître de son sujet. Au grand dam de ses adversaire­s.

- Par Michel Turco.

Le septuple champion du monde est toujours affamé.

« ÇA N’EST QU’EN BATTANT MES IDOLES EN MOTOGP, QUE JE ME SUIS DIT QUE J’AVAIS LES MOYENS DE RÉALISER MES RÊVES »

Andrea Dovizioso a eu beau le battre dans le dernier virage du Grand Prix d’Autriche, Marc Marquez ne s’est pas départi de son légendaire sourire. « Aujourd’hui, c’était Dovi le plus fort, a commenté avec élégance le pilote Honda à l’arrivée de la douzième épreuve de la saison. Il avait un bien meilleur rythme que moi, sans doute à cause de son choix de pneu arrière. Pourtant, j’ai tout essayé, comme toujours. Je savais que mon seul espoir était d’être devant lui dans le dernier tour pour tenter de défendre ma position car je n’aurais jamais été en mesure de l’attaquer. Ça n’a pas suffi , tant pis. » Évidemment, après avoir battu les Ducati en République tchèque, Marquez aurait bien aimé enfoncer le clou sur Red Bull Ring, seul circuit où il n’a encore jamais gagné en MotoGP. Les observateu­rs y auraient alors vu le coup de grâce d’un leader qui, cette saison, semble avoir atteint sa plénitude. « C’est vrai que j’avais bien envie de gagner ici, comme sur tous les circuits où nous allons, consent le pilote Honda. La victoire, c’est ce qui me motive, mais l’essentiel, ça reste quand même le titre. Si je suis champion, en fi n de saison, personne ne se souviendra qu’Andrea m’a battu à Spielberg. Gagner quand c’est possible, assurer les points quand on ne peut pas faire mieux, ça reste notre recette. »

« À SA PLACE, JE SERAIS TOMBÉ SIX FOIS »

Mis à part sa chute au Texas, par ailleurs due à un petit problème technique, depuis l’ouverture du championna­t au Qatar, le septuple champion du monde n’a encore jamais terminé une course au- delà de la deuxième place. L’an dernier, à ce stade la saison, il était déjà tombé à vingt- trois reprises. Pour l’heure, il n’a tâté le bitume que six fois, et une seule en course. « Je continue à progresser, assure- t- il. J’apprends de mes erreurs. Depuis Le Mans, je ne suis pas tombé durant un week- end de Grands Prix. Ma seule chute est arrivée lors du test à Barcelone parce que je n’étais pas assez concentré. » S’il ne tombe plus, c’est en grande partie grâce aux progrès de sa RC213V. « On a une meilleure vitesse de pointe qui me permet de prendre moins de risques au freinage quand je dois faire la différence » , explique- t- il. Revers de la médaille, la Honda tourne moins bien qu’auparavant. « Elle n’offre plus le même feeling » , précise l’intéressé qui est le seul pilote du HRC à maîtriser l’utilisatio­n du frein arrière pour faire pivoter sa machine au point de corde. « Quand tu regardes son acquisitio­n de données, tu ne comprends pas comment il fait » , admet Cal Crutchlow, en diffi culté depuis le début de l’année avec

« QUAND J’AI DÉBARQUÉ EN MOTOGP, EN 2013, PERSONNE N’UTILISAIT LES COUDES POUR SE RATTRAPER D’UNE GLISSADE MAL EMBARQUÉE »

la même moto. Si le fer de lance du team Honda Repsol tombe moins qu’avant, c’est aussi parce qu’il est capable de rattraper des situations qui auraient été désespérée­s pour les autres. Au Sachsenrin­g, début juillet, Marquez a ainsi récupéré une demi- douzaine de glissades de l’avant, coude par terre, alors qu’il faisait course en tête. « Moi, à sa place, je serais tombé six fois » , plaisantai­t d’ailleurs Crutchlow à l’arrivée de l’épreuve allemande. « Pour cela, je dois être concentré en permanence à 110 %, souligne l’Espagnol. C’est ce qui me permet d’anticiper le sauvetage. » Comme en leur temps Jarno Saarinen, Kenny Roberts ou encore Freddie Spencer, Marc Marquez est en train de laisser sa marque dans l’histoire du pilotage et des Grands Prix. « Ça m’amuse quand on me dit ça, glisse l’Espagnol. De manière générale, je n’aime pas trop parler de ce genre de choses car j’essaie toujours de garder les pieds sur terre et de rester humble. Malgré tout, je ne cache pas que je suis fi er quand je vois des gamins apprendre à faire de la moto sur des circuits de karting mettre le coude par terre. Quand j’ai débarqué en MotoGP en 2013, personne n’utilisait les coudes pour se rattraper d’une glissade mal embarquée. Rouler en dépassant la limite pour mieux la cerner, c’est vrai que ça peut être dangereux. Mais pour se démarquer, il faut bien faire la différence. »

« SAVOIR GARDER LES PIEDS SUR TERRE »

À 26 ans, Marc Marquez vient de dépasser le nombre de pole positions réalisées par Mick Doohan en classe reine. Il est aussi devenu, en République tchèque, le deuxième plus jeune pilote à atteindre le cap des 50 victoires dans cette même catégorie. Et au vu de la maîtrise qu’il affi che actuelleme­nt, on ne voit pas trop qui pourrait l’empêcher de déboulonne­r les propriétai­res des records qui lui restent à battre. Au sommet de son art, il réalise sa deuxième meilleure saison depuis ses débuts en MotoGP. Pour mémoire, en 2014, en état de grâce et face à des adversaire­s éparpillés façon puzzle, il avait remporté les dix premiers Grands Prix d’affi lée. Cette année, au soir de l’épreuve autrichien­ne, il comptait six victoires, dix podiums, sept pole positions et 230 points. L’an dernier, à pareille époque, son tableau de marche indiquait cinq victoires, neuf podiums, quatre pole positions et 201 points. En 2017, il en était à trois victoires, sept podiums, cinq pole positions et 174 points. En 2016, c’étaient trois victoires, neuf podiums, cinq pole positions et 197 points. En 2015, il avait été battu par Lorenzo et en 2013, pour ses débuts en classe reine, il comptait, au soir du onzième Grand Prix, cinq victoires, dix podiums, quatre pole

positions et 213 points. En route vers son sixième titre de champion du monde en sept saisons de MotoGP, Marc Marquez ne semble jamais avoir été aussi fort. « Rien n’est joué, tempère le confortabl­e leader du classement général. Il faut continuer à travailler comme on le fait depuis le début de l’année, prendre les courses les unes après les autres en essayant à chaque fois de faire du mieux possible en fonction des conditions et de la situation. » Un discours que lui assène Emilio Alzamora depuis son arrivée en Grands Prix. « Garder les pieds sur terre, ne pas se prendre pour un autre, c’est ce qui fait aussi la force de Marc » , assure le manager du septuple champion du monde. « Ce sont les valeurs que m’ont transmises mes parents, glisse le pilote Honda. Ils ont toujours été derrière mon frère et moi pour nous rappeler à l’ordre quand il le fallait. » S’ils ne sont pas les fi ls d’un ancien pilote de Grands Prix, les frères Marquez sont tout de même nés dans une famille de passionnés de moto. « Mes parents faisaient partie d’un motoclub bien avant ma naissance, raconte Marc. J’étais dans le ventre de ma mère lorsqu’elle allait sur les circuits. Autant dire que je n’ai eu aucun mal à obtenir ma première moto quand, à quatre ans, je l’ai demandée. » Par la suite, Marc et son frère ont toujours pu s’appuyer sur le noyau fi dèle et dévoué du village de Cervera, l’antre de la famille Marquez. « C’est là que je suis né, là que j’ai grandi, et là où vivent mes amis et ma famille, explique le pilote Honda. C’est là où se trouvent mes racines. » Comme Rossi avait eu un temps l’idée de fuir le fi sc italien en installant sa société en Angleterre, Marquez a pensé un moment quitter l’Espagne pour réduire le montant de ses impôts. Comme l’Italien, le Catalan a vite compris qu’il avait plus à perdre qu’à gagner. « Cervera, c’est aussi là où je me ressource et où je suis tranquille entre les courses, explique- t- il. Se sentir protégé et bien entouré, c’est le meilleur moyen de rester concentré sur son travail et sa passion. » Emilio Alzamora n’en dit pas moins : « Marc a la chance de vivre dans un univers très stable. Que ce soit sa famille, ses amis, son lieu de vie ou encore l’équipe qui l’entoure... Il sait qu’il n’y a pas de faille, il peut être à 100 % concentré sur son job sans avoir à s’inquiéter de ce qui se passe autour de lui. »

LA “FORMIGA ATOMICA”, LA FOURMI ATOMIQUE

Directrice du musée de Cervera, Carme Berges n’est pas peu fi ère de l’exposition permanente dédiée au héros de la cité et où les visiteurs ont la possibilit­é de découvrir l’histoire de Marc, tout en contemplan­t ses trophées ainsi que les machines qui ont fait de lui un champion hors normes. Son parcours sert d’ailleurs d’objet d’étude pour nombre d’écoliers. « On a des classes

qui viennent de toute l’Espagne, témoigne la jeune femme. Pour les enfants, Marc est un modèle. Le courage, le travail, le sens du partage et de l’effort en équipe... Tout cela se retrouve dans le musée Comarcal de Cervera. » Avec notamment une mise en scène autour de ce Grand Prix du Portugal 2010 qui vit un gamin de 17 ans en route pour son premier titre mondial partir à la faute dans le tour de formation. Le temps que son équipe répare la moto qu’il avait pu ramener au stand, il s’était élancé de la dernière ligne de la grille pour gagner la course et augmenter son avance au classement général. Un souvenir que Marc n’a bien sûr pas oublié tant il lui arrive d’avoir à l’évoquer. « C’est un moment de constructi­on de ma carrière, glisse- t- il. Ne jamais baisser les bras, rester humble, toujours travailler et partager... Ce sont les valeurs que l’on m’a transmises et qui font celui que je suis aujourd’hui. » Des valeurs sur lesquelles il a construit sa réussite et auxquelles il doit aussi son rendement actuel. « Si j’ai choisi la fourmi comme symbole, c’est parce qu’elle me représente mieux que tout. Au départ, la ressemblan­ce était physique, se marre- t- il. À 12 ans, j’étais tout petit. Quand je roulais, on ne voyait que ma moto et mon casque qui semblait énorme par rapport à mon corps. On m’a alors appelé la “Formiga Atomica”, la fourmi atomique, en référence au personnage d’une bande dessinée. Et puis au fi l des années, cette fourmi est devenue le symbole d’un travail mené sans relâche.

« MA FORCE, C’EST LE GROUPE QUI M’ENTOURE »

Comme la fourmi, je travaille en équipe. J’aime être entouré et vivre les efforts au sein d’un groupe. » D’ailleurs, quand on lui demande ce qui fait de lui une machine à gagner, Marc Marquez répond sans hésiter : « Ma force, c’est mon équipe, c’est le groupe qui m’entoure. Quand tu gagnes, c’est facile. Mais quand tu galères, c’est important d’avoir des gens autour de toi aussi passionnés que tu l’es, prêts à tout pour t’aider. La pression n’est pas la même quand ça va mal, tu sais que les gars vont garder le sourire, même si tu tombes trois fois dans le week- end. Avec eux, je partage tout, nous avons la même ambition, la victoire est notre carburant. J’ai toujours hâte d’être sur un circuit pour les retrouver. » Et le talent dans tout ça ? « Franchemen­t, mon potentiel, je n’en ai pris conscience qu’en arrivant en MotoGP. Jusqu’à mon titre en Moto2, je craignais chaque année de ne pas être à la hauteur. Après avoir gagné en Espagne, puis en GP 125, je me disais tout le temps que la saison à venir aller être diffi cile. Ça n’est qu’en battant mes idoles en MotoGP, celles dont j’avais les photos sur les murs de ma chambre, que j’ai commencé à me dire que j’avais les moyens de réaliser mes rêves. » Sa quête est loin d’être achevée.

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 ?? Photos Jean-Aignan Museau. ??
Photos Jean-Aignan Museau.
 ??  ?? 1 Rossi et Marquez qui se congratule­nt après la qualificat­ion du Grand Prix de Grande-Bretagne, voilà une image rare. Une image que l’on n’est pas près de revoir avec leur dernière prise de bec à Misano.
1 Rossi et Marquez qui se congratule­nt après la qualificat­ion du Grand Prix de Grande-Bretagne, voilà une image rare. Une image que l’on n’est pas près de revoir avec leur dernière prise de bec à Misano.
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3 Au Sachsenrin­g, le pilote Honda a remporté cette année sa 10e victoire d’affilée. Personne ne l’a jamais battu en Allemagne.
 ??  ?? 2 Emilio Alzamora, l’homme qui oeuvre dans l’ombre de Marquez depuis ses premiers tours de roues en compétitio­n.
2 Emilio Alzamora, l’homme qui oeuvre dans l’ombre de Marquez depuis ses premiers tours de roues en compétitio­n.
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 ??  ?? 3 L’une de ses rares défaites de la saison, à Silverston­e, face à Alex Rins. 4 Et pourtant, la RC213V est toujours aussi délicate à piloter.
3 L’une de ses rares défaites de la saison, à Silverston­e, face à Alex Rins. 4 Et pourtant, la RC213V est toujours aussi délicate à piloter.
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2 Hormis à Assen et Misano, le leader du championna­t s’est toujours qualifié en première ligne.
 ??  ?? 1 Sa chute au Texas mise à part, Marquez n’a jamais quitté les deux premières marches du podium depuis l’ouverture du championna­t.
1 Sa chute au Texas mise à part, Marquez n’a jamais quitté les deux premières marches du podium depuis l’ouverture du championna­t.
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