Ducati tourne en rond .......
Malgré les progrès réalisés par la Desmosedici depuis l’arrivée de Gigi Dall’Igna à la tête de son service course, Ducati cherche encore et toujours la solution pour décrocher son deuxième titre de champion du monde. Plus que jamais, battre Marquez et Hon
La marque italienne n’y arrive toujours pas.
« SANS MARQUEZ, HONDA SERAIT LOIN DERRIÈRE NOUS AU CLASSEMENT GÉNÉRAL » PAOLO CIABATTI
Pour Ducati, les saisons se suivent et se ressemblent. Malgré le talent de ses ingénieurs et les efforts de ses pilotes, la marque bolonaise semble aujourd’hui condamnée à ronger son frein derrière la Honda de Marc Marquez. Et Andrea Dovizioso à se contenter de la place de dauphin de celui qui fi le à tire d’aile vers son sixième titre de champion du monde MotoGP. « On parlera plus du pilote que de la moto, insiste Paolo Ciabatti, le directeur sportif de l’équipe de Borgo Panigale. Sans Marquez, Honda serait en effet loin derrière nous au classement général. » Lorenzo aux fraises et Crutchlow dans les choux, le HRC peut en effet prier pour que son prodige espagnol n’ait pas l’envie, un de ces jours, de relever un nouveau challenge auprès d’une autre marque. Mais en attendant cet hypothétique changement, la concurrence doit faire avec. « Il est évident que si Marquez n’était pas là, nous serions dans une tout autre situation, souligne Davide Barana, le directeur technique du Ducati Corse. Nos deux pilotes occupent les deuxième et troisième places du classement provisoire, Miller n’est pas très loin derrière... Cela signifi e que notre moto est performante et qu’elle fonctionne avec des pilotes différents. » Cela fait- il pour autant de la Desmosedici la meilleure machine actuelle du plateau ? Andrea Dovizioso est évidemment loin de le penser. Vicechampion du monde MotoGP en 2017 et 2018, l’Italien ne manque jamais l’occasion de pointer les défauts de sa Ducati. « Elle est perfectible dans les virages et diffi cile à faire tourner » , répète- t- il à chaque point presse.
« LA MOTO IDÉALE N’EXISTE PAS »
« La moto idéale n’existe pas, rétorque Gigi Dall’Igna. Elles ont toutes leur ADN avec leurs points forts et leurs points faibles. Un pilote doit savoir exploiter les premiers et compenser les seconds. » Ce que fait Marc Marquez à la perfection. « Il est clairement au- dessus des autres, note Paolo Ciabatti. Il y a comme ça des périodes dans l’histoire des sports mécaniques qui sont dominées par un pilote. On doit essayer de trouver des solutions pour le battre, mais ça n’est pas facile car Marquez fait aujourd’hui la différence à lui tout seul. On l’a encore vu à Brno lors de la séance de qualifi cation où il a humilié tous ses adversaires en étant le seul capable de sortir en slicks sur une piste qui était encore largement humide. Il attaque chaque séance d’essais à 100 %, colle plus d’une seconde à tout le monde... Et après, il gère pendant que les autres peinent pour combler leur retard. Un peu comme le faisait Stoner. » Il est tout aussi vrai que les Japonais ont bien fait progresser leur RC213V depuis deux ans. Avec son nouveau moteur, la Honda fait pratiquement jeu égal en vitesse de pointe avec la Ducati. Ce qui permet à Marquez de prendre nettement moins de risques qu’auparavant en entrée de virage. C’est comme ça qu’il a encore battu les Ducati à Brno. « Quand il a augmenté le rythme en freinant plus fort et plus tard, je n’ai pas pu suivre » , commentait Dovizioso à l’arrivée du Grand Prix de République tchèque.
« MAIS QUI PEUT BATTRE MARQUEZ AUJOURD’HUI ? »
La domination de Marquez crée bien sûr des tensions chez les Italiens. Ça n’est pas nouveau, les critiques récurrentes de Dovizioso ne sont pas du goût de Dall’Igna. Le courant n’est jamais vraiment passé entre les deux Italiens qui cohabitent depuis plus de cinq ans maintenant. « Ils sont très différents, ce sont deux fortes têtes, mais leur
relation professionnelle fonctionne » , estime Ciabatti. Ce qui n’a pas empêché le patron du service course de reprendre langue en juillet dernier avec Jorge Lorenzo, celui- ci ayant fait part cet été de son souhait de ne pas aller au terme du contrat qui le lie avec Honda. En Autriche, alors que Dall’Igna refusait de parler à la presse, Paolo Ciabatti s’efforçait d’éteindre l’incendie. « Pour l’instant, notre objectif est de pouvoir fournir l’an prochain au team Pramac les mêmes motos que celles de l’équipe offi cielle. Nous n’avons jamais été en mesure de faire profi ter quatre pilotes du même matériel, ce serait pour nous une étape importante, mais elle coûte cher, aussi bien sur le plan fi nancier que sur celui de la logistique. Elle nous permettrait en tout cas de proposer à Jack Miller de conserver son statut actuel, notre contrat avec Bagnaia nous obligeant à ce qu’il dispose l’an prochain des mêmes motos que celles d’Andrea et de Danilo. » Et Lorenzo dans tout ça ? « No comment, répond le directeur sportif des Rouges. Jorge a fait de belles choses avec nous l’an dernier juste après avoir décidé de signer chez Honda. Il a gagné au Mugello et à Barcelone, il s’est classé deuxième à Brno, a gagné de nouveau en Autriche... Il a fait la pole à Silverstone puis il s’est blessé à Aragon et en Thaïlande alors qu’il était de nouveau en mesure d’obtenir de bons résultats. Si nous avions continué ensemble, la troisième année aurait sans nul doute été intéressante. Mais on ne va pas refaire l’histoire. » Une histoire qui reste toutefois en travers de la gorge de Gigi Dall’Igna, convaincu de ne pas avoir dans ses rangs le pilote capable de battre Marquez. « Mais qui peut battre Marquez ? , s’emporte Ciabatti, toujours prompt à défendre les siens. Si nous étions cinquième et sixième du championnat derrière Viñales, Rins et Rossi, je comprendrais les critiques, mais ça n’est pas le cas. Dovi a marqué plus de points sur la première partie du championnat que l’an dernier, et encore Lorenzo lui en a fait perdre au moins vingt à Barcelone. » Il n’empêche qu’après presque vingt ans de Grands Prix, Dovizioso ne compte à son palmarès qu’un titre dans la catégorie 125, et qu’il a, rappelons- le, terminé plusieurs fois derrière Danilo Petrucci cette année, un coéquipier certes solide mais qui n’a pas vraiment l’étoffe d’un futur champion du monde MotoGP. « Tous les pilotes ne progressent pas au même rythme, reprend Ciabatti. Encore une fois, les positions au classement général d’Andrea et de Danilo justifi ent leur présence dans notre équipe. Que font les autres ? Lorenzo n’est plus là, Viñales et Rins sont toujours aussi irréguliers, Valentino tourne autour de la cinquième place... Le prochain qui battra Marquez sera peut- être Quartararo, mais pour l’instant, tout le monde a un contrat jusqu’en 2020, alors autant se concentrer sur notre travail. On l’a prouvé à plusieurs reprises ces dernières saisons, nous sommes capables de gagner en innovant et en faisant en sorte que nos pilotes soient à 100 %, quelles que soient les conditions. »
« LES CONTRAINTES FONT PARTIE DU JEU »
Manque de bol pour Ducati, innover en MotoGP devient de plus en plus compliqué. Développement moteur fi gé pour la saison, évolutions aérodynamiques limitées... « C’est vrai que le règlement est de plus en plus restrictif, note Davide Barana. Mais c’est le MotoGP, le pinacle de la compétition moto. Il y a des contraintes et elles font partie du jeu. La force de Ducati, ça a toujours été de savoir inventer en gardant l’esprit ouvert. C’est ce qui permet parfois de trouver un avantage intéressant dans un système pourtant très strict. Nous avons à Borgo Panigale un groupe d’ingénieurs exceptionnel et des outils de développement de premier plan : bancs d’essais, laboratoires, programme d’engineering... On peut aussi s’appuyer sur notre héritage technique basé sur une longue tradition couplée à une approche novatrice du processus de développement. Nous mettons les idées sur la table, nous les évaluons avec nos logiciels de simulation. Les plus prometteuses sont conservées et mises en dessin avant que la fabrication des pièces requises ne soit lancée. Nous testons ensuite leur performance et leur fi abilité avec notre équipe d’essais qui doit les valider avant qu’elles ne soient proposées à nos pilotes offi ciels. » Pour l’instant, tout cela reste malheureusement insuffi sant pour déboulonner Marc Marquez de son piédestal. « On a démontré par le passé qu’on pouvait gagner, conclut Paolo Ciabatti. On ne baisse pas les bras, sinon nous resterions à la maison. Au contraire, nous essayons en permanence de trouver des solutions techniques pour aider nos pilotes à rester au contact de Marquez. » Une problématique que partagent les autres constructeurs engagés en MotoGP.
« NOS PILOTES OCCUPENT LES 2E ET 3E PLACES DU CLASSEMENT PROVISOIRE. CELA SIGNIFIE QUE NOTRE MOTO EST PERFORMANTE » DAVIDE BARANA