GP Racing

8 Heures de Suzuka ..............

HUIT HEURES DE SUZUKA

- Par Michel Turco. Photos FIM.

Kawasaki remporte la course et le championna­t.

Finale du championna­t du monde d’endurance, les 8 Heures de Suzuka ont été cette année le théâtre d’une course complèteme­nt folle. Tout au bout du suspense, Kawasaki a privé Yamaha de la victoire, et Suzuki du titre de champion du monde. Un scénario particuliè­rement cruel pour Dominique Méliand qui, au Japon, mettait un terme à 40 ans de carrière...

Amoins d’une demi- heure de l’arrivée, alors que la nuit a pratiqueme­nt noyé les tribunes du circuit de Suzuka où s’agitent des myriades de bâtons lumineux agités par les spectateur­s japonais, la Honda Red Bull numéro 33 semble en mesure de s’imposer, ce qui mettrait un terme à la domination de la Yamaha numéro 21 invaincue depuis quatre ans à Suzuka. Arrivée au Japon avec cinq points de retard sur le team Kawasaki SRC et dix- huit points d’avance sur la Honda F. C. C. TSR Honda France, la Suzuki du SERT tient, elle, la corde pour décrocher le titre de champion du monde. Étienne Masson se cramponne à la neuvième place, tandis que David Checa navigue en treizième position sans espoir de reprendre la Honda du team Asia Dream Racing, douzième avec un tour d’avance sur les pilotes de Gilles Stafl er. « On aura encore manqué de réussite, peste, résigné, le patron de l’équipe Kawasaki SRC. Un pace car qui nous coûte pratiqueme­nt une minute, puis cette petite chute d’Erwan... » Quatrième, l’équipage de Masakazu Fujii piétine pour sa part au pied du podium. Or, pour espérer conserver son titre, la Honda F. C. C. TSR Honda France doit à tout prix fi nir dans

le Top 3. « Il faut être réaliste, lâche Freddie Foray. Vu le rythme des leaders, on ne peut qu’espérer une erreur de leur part

pour fi nir sur le podium. » Si rien ne bouge d’ici l’arrivée, Dominique Méliand devrait donc pouvoir tirer sa révérence avec un seizième titre de champion du monde dans la poche. Dans le garage du SERT, le chef est en ébullition. Tendu comme un arc, la voix éraillée, il livre ses derniers conseils à Dominique Hébrard, son bras droit. La tension est grande car la Honda Moriwaki numéro 19 de Yuki Takahashi et Tomoyoshi Koyama talonne dangereuse­ment celle d’Étienne Masson. Et contrairem­ent à la machine des Japonais, la Suzuki numéro 2 va devoir repasser par les stands pour un dernier ravitaille­ment...

QUARANTE ANS DE COMPÉTITIO­N

Alors que les écrans radar annoncent l’arrivée de la pluie, Hébrard semble attendre le dernier moment pour faire rentrer Masson. Méliand piaffe... « On est baisés ! On aurait dû l’arrêter avant, mettre des pneus neufs et changer de pilote. » La pluie ne venant pas, Dominique doit se résoudre à faire rentrer sa moto pour une dernière giclée de carburant. « On ne change pas les pneus et c’est Étienne qui repart » , annonce le chef. Sous pression, Masson parvient malgré tout à reprendre la piste devant la Honda du team Moriwaki. À sept minutes de l’arrivée, le SERT est virtuellem­ent champion du monde. Et puis soudain, c’est le drame. Alors qu’il ne lui reste guère plus que trois tours à couvrir, le moteur de la GSX- RR rend l’âme dans un panache de fumée blanche. Dans le garage du SERT, c’est la stupéfacti­on. Dans un silence assourdiss­ant, les larmes noient les visages des fi dèles de Dominique Méliand qui, pour la plupart, vivaient, eux aussi, à Suzuka, leur dernière aventure en endurance. Le coeur brisé et la gorge nouée, le chef se lève pour serrer une dernière fois les mains de tous ceux qui l’ont accompagné tout au long de sa brillante carrière. « C’est un grand moment d’émotion, dira- t- il. Quarante ans de compétitio­n, avec plein histoires, beaucoup de joie et de souvenirs. » Honoré par la FIM, salué par ses pairs, Dominique Méliand aura écrit à Suzuka la dernière page d’un livre magnifi que. « Terminer ma carrière au Japon, c’est quelque chose d’émouvant, confi ait- il avant la course. C’est là que j’ai pratiqueme­nt

débuté avec quelqu’un que j’aimais beaucoup et qui nous a quittés récemment, Mitsuo Itoh. C’était un personnage important de l’usine Suzuki, un ancien pilote qui m’a un peu mis le pied à l’étrier. Après avoir débuté au Japon dans les années 80, c’était important de fi nir ce week- end à Suzuka. » C’est aussi au Japon, sur le circuit d’essais de l’usine Suzuki, le 8 novembre 1980, que s’est tué Christian Léon alors que la carrière du patron du SERT ne faisait que commencer. « Un pilote et un ami, précise Dominique. Nous habitions à Versailles dans le même immeuble et sur le même palier, nous avions une relation qui allait au- delà de l’aspect profession­nel.

QUINZE TITRES DE CHAMPION DU MONDE

C’était le début de ma carrière et j’ai failli tout laisser tomber. D’autant que j’avais déjà perdu un autre ami pilote, Jean- Bernard Peyré, quelque temps plus tôt. Deux copains qui se tuent l’un après l’autre, c’était beaucoup sur la tête du plombier que j’étais. Mais la passion l’a emporté, j’ai continué. » Et il ne l’a pas regretté. « De ces quarante années, j’allais dire qu’il n’y a eu que de bons moments, reprend- il. Ça n’est pas vrai, mais lorsqu’il y a eu de mauvais passages sur une course, il y en a toujours eu d’autres pour se rattraper. Ce qui m’a marqué, c’est la première année où nous avons été champions du monde en 1983. Une première fois, ça compte. C’est comme un premier amour, tu te souviens de tous les détails. Surtout quand ça a été une belle histoire... De ce premier titre, je n’ai rien oublié. C’était le premier, je l’ai vécu les yeux écarquillé­s. » Quatorze autres ont suivi. « Quinze titres en quarante ans, ça n’est pas beaucoup si tu fais le ratio. On en a raté parce qu’on a fait des bêtises, on aurait pu en avoir davantage... Mais on ne va pas parler de regret, ce serait exagéré. » Quoi qu’il en soit, tous ont été le fruit d’un travail acharné et d’une déterminat­ion sans

faille. « Il n’y a pas de titre que tu gagnes en tirant un petit papier d’un chapeau. Les titres, tu les obtiens en travaillan­t, c’est pour cela qu’il faut avoir une équipe qui se donne à fond. J’ai beaucoup de chance d’avoir eu avec moi des personnes qui m’ont été fi dèles durant plus de trente- cinq ans. » Et puis il y a eu les pilotes. Quatre- vingt- quinze au total. « Certains, qui sont restés très longtemps avec moi, m’ont forcément marqué. Le plus ancien, c’est Hervé Moineau. On a passé une quinzaine d’années ensemble, tu entretiens alors une relation extra- profession­nelle. Je pense aussi à celui qui est un peu comme mon gamin : Christian Lavieille. Il est resté 13 ans avec nous. Il est arrivé à 22 ans, c’était un môme attachant. Il y a aussi des pilotes qui sont restés moins longtemps mais qui m’ont marqué et ont tenu une place à part. Je pense à Jean- Michel Bayle et d’autres encore. J’ai toujours eu de bonnes relations avec mes pilotes. Si je les prenais un par un, on évoquerait beaucoup de bonheurs mais aussi quelques tirailleme­nts. C’est comme dans un couple, la relation n’est pas toujours simple. »

LE DÉFI D’UNE VIE SANS MOTO

Quand on lui demande d’évoquer ses adversaire­s, Méliand commence par les premiers. « Quand j’ai débarqué, j’étais un bleu. En face, il y avait un type qui s’appelait Guillou. Il avait avec lui la force de Honda. Un autre s’appelait Rosset, il avait la force de Kawasaki, et aussi un gros caractère. Il y avait aussi la Elf de Guiter, un ancien nageur de combat. C’était quelque chose... J’arrivais avec mes gros sabots, il a fallu que je cerne le problème pour ne pas me faire écraser. C’est pour ça qu’on a dit que Méliand avait une grande gueule : c’est tout que j’avais pour faire ma place au milieu de ces personnage­s qui étaient déjà bien établis. Ce sont les premiers adversaire­s qui m’ont marqué. Et puis avec l’âge, on trouve sa place. Il y a eu ensuite pas mal de teams qui m’ont donné du fi l à retordre... Christophe Guyot, Gilles Stafl er... Et plein d’autres qui défendent leur bifteck et qu’il faut battre. Même si on est copains, sur un circuit, c’est vrai que je n’ai jamais fait de cadeaux. » La suite ? « Je vais prendre le temps de m’occuper de ma famille, assure Dominique. Elle est recomposée, il y a donc beaucoup d’enfants et de petitsenfa­nts. Et puis j’ai ma vieille moto... Pour l’instant, je dirais que ça va aller. »

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 ??  ?? 1 Bataille pour la victoire entre la Kawasaki KRT et la Yamaha officielle. 2 La Honda F.C.C. TSR Honda France termine au pied du podium, tout près d’un deuxième titre de champion du monde de rang. 3 En retrait derrière les leaders, la Honda monte néanmoins sur la troisième marche du podium. 4 C’est parti pour huit heures de course sur les chapeaux de roues. 5 La Kawa Bolliger et la BMW du team ERC se sont disputé le point de la quinzième place. 6 Pour sa dernière sortie officielle, la Honda 111 n’aura jamais été dans le coup.
1 Bataille pour la victoire entre la Kawasaki KRT et la Yamaha officielle. 2 La Honda F.C.C. TSR Honda France termine au pied du podium, tout près d’un deuxième titre de champion du monde de rang. 3 En retrait derrière les leaders, la Honda monte néanmoins sur la troisième marche du podium. 4 C’est parti pour huit heures de course sur les chapeaux de roues. 5 La Kawa Bolliger et la BMW du team ERC se sont disputé le point de la quinzième place. 6 Pour sa dernière sortie officielle, la Honda 111 n’aura jamais été dans le coup.
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1 Le triomphe des Verts à Suzuka avec le titre pour la 11 du SRC et la victoire pour la 10 du KRT. 2 Vainqueur des quatre dernières éditions, l’équipe Yamaha a dû cette année se contenter de la deuxième place. 3 La Yamaha du YART conclut sa saison sur une honnête sixième place. 4 Douzième à l’arrivée, la Kawasaki du team SRC offre à Gilles Stafler son premier titre mondial.
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 ??  ?? Contraint de s’élancer de la voie des stands, suite à une erreur d’étiquette pneumatiqu­e en qualificat­ion, le team Musashi (n° 634) aura réalisé une brillante remontée jusqu’à la 7e place.
Contraint de s’élancer de la voie des stands, suite à une erreur d’étiquette pneumatiqu­e en qualificat­ion, le team Musashi (n° 634) aura réalisé une brillante remontée jusqu’à la 7e place.

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