GP Racing

TOM O’KANE

CHEF INGÉNIEUR DE SYLVAIN GUINTOLI DANS LE TEAM TEST SUZUKI

- Par Thomas Baujard. Photos Gold and Goose.

Pionnier de l’acquisitio­n de données dans le team Roberts en 1989, l’Irlandais Tom O’Kane dirige le développem­ent du team de GP Suzuki. Avec, au guidon, le Français Sylvain Guintoli. À en croire Alex Rins, ces deux-là font du super boulot.

Comment vous êtes-vous débrouillé­s, Sylvain et toi, pour hausser le potentiel de la GSX-RR du Top 5 à la victoire ?

Aujourd’hui, on descend la moto du camion, et elle fonctionne tout de suite vraiment bien. La qualité du travail de Sylvain et le coeur qu’il met à l’ouvrage sont très importants pour Suzuki. Parce qu’à chaque fois, il fournit des informatio­ns dont la qualité et la pertinence me surprennen­t.

Est-ce que tu peux être plus précis ou est-ce confidenti­el ?

Pour te donner un exemple, l’autre jour, un réglage n’avait pas été paramétré correcteme­nt sur la machine. Un détail. Sylvain a livré une informatio­n claire au niveau de son ressenti, qui nous a permis de remonter jusqu’à l’origine du problème, de corriger notre erreur et de poursuivre. Cela fait partie des choses les plus subtiles qu’un pilote peut ressentir, comme un ou deux clics en détente au niveau des suspension­s. Sylvain a cette sensibilit­é et c’est très précieux pour nous. Autre exemple : on est allé à Brno, et les prévisions météo étaient exécrables. On se préparait à une journée et demie de pluie pour nos deux jours de tests. Donc on a fait en sorte d’essayer un maximum d’éléments sur la moto pour notre première matinée qui était prévue sèche. Finalement, il n’a pas plu de la journée. Sylvain a pu tester une quantité impression­nante de matériels et a tourné comme une hélice. Le mauvais temps prévu n’est pas arrivé, et le second jour, il a remis ça. Deux grosses journées de travail.

À Brno, cela signifie qu’il a bouclé combien de tours : 80 ?

Oui. Même un peu plus le premier jour, et à peine moins le second.

Soit quatre fois la distance de course par jour !

Oui, c’est incroyable ! Et tout cela, en étant dans les chronos afi n de pouvoir valider les pièces, et en donnant des commentair­es fi ables ; c’est vraiment remarquabl­e.

Tu as pourtant travaillé avec des pilotes exceptionn­els comme Wayne Rainey en 500, donc tu devrais être habitué, non ?

On est toujours surpris par la capacité de travail des grands pilotes. Wayne Rainey fut triple champion du monde 500, mais Sylvain fut lui aussi champion du monde Superbike en 2014. Un champion du monde, c’est un champion du monde. Les gens ne comprennen­t pas à quel point ces individus sont hors normes. Cela dit, il y a pas mal de champions du monde qui seraient incapables de nous donner les infos que nous fournit Sylvain.

Ça explique les progrès de Suzuki... Après la victoire d’Alex Rins à Austin, Davide Brivio nous a expliqué ce que vous avez réalisé. Il s’agit d’une sélection méticuleus­e des pièces disponible­s, et pas d’une recherche frénétique de nouveautés, n’est-ce pas ?

Tout à fait. C’est leur méthode de travail. Suzuki développe sa machine avec soin. Ils n’essaient pas de chambouler l’équilibre

du proto. Au contraire, ils procèdent par petites touches. Comme le double silencieux pour améliorer la réponse moteur, ou les cadres à la rigidité modifi ée par des inserts carbone. Ou encore l’évolution des appuis aérodynami­ques au niveau du carénage. À chaque fois, ils peaufi nent en augmentant l’effi cacité globale de la GSX- RR. Sans jamais se perdre ou faire machine arrière.

Es-tu surpris de l’efficacité de la GSX-RR aujourd’hui ?

Je suis impression­né, mais pas surpris. Parce que je connais la quantité de travail fournie. De plus, Suzuki a engagé nombre de technicien­s de valeur, et ça paie.

Alberto Gomez, l’attaché de presse du team, explique qu’il existe désormais un service course indépendan­t Suzuki sur le même principe que le HRC pour Honda, peux-tu nous en parler ?

Honnêtemen­t, je suis au courant qu’il y a eu un changement d’organisati­on, mais ça intervient au- dessus de nous, donc je n’en connais pas les détails. Ce qui me concerne, ce sont les moyens mis à dispositio­n pour le team de test, le rythme de développem­ent, ce genre de choses. Et cela ne change pas du jour au lendemain. Ce processus prend du temps. Je sais que l’organisati­on au sommet de la pyramide a été améliorée, et les bénéfi ces commencent à se faire sentir à notre niveau.

Quand on observe la GSX-RR du bord de piste, on dirait que son agilité, la douceur avec laquelle elle délivre sa puissance, même le son qui en émane, rappellent la Yamaha M1. Sauf qu’en plus, vous êtes parvenus à trouver des chevaux. On dirait bien que vous avez un package très complet avec cette machine. Est-ce difficile de conserver l’équilibre de la partie-cycle avec cette cavalerie supplément­aire ?

Là encore, on est parvenu à ce résultat progressiv­ement. La moto a été développée comme un package complet. Suzuki a fait très attention à ne rien changer au caractère du moteur qui puisse compromett­re l’équilibre de la partie- cycle.

L’ORGANISATI­ON AU SOMMET DE LA PYRAMIDE A ÉTÉ AMÉLIORÉE, ET LES BÉNÉFICES SE FONT SENTIR À NOTRE NIVEAU

On dirait aussi que la pièce manquante dans ce puzzle était le pilote capable d’exploiter à fond toutes les qualités de la machine. Et que vous l’avez trouvé en la personne d’Alex Rins.

Absolument.

Comment Alex fait-il pour exploiter la GSX-RR à 100 %, comme on l’a vu à Austin, mais aussi au Mugello où il est resté avec le tiercé de tête sur un circuit où vous souffriez auparavant ?

Certains pilotes sont capables de ça. Je déteste l’expression moderne qui consiste à dire que le pilote a roulé à 110 %. À chaque fois que j’entends ça, ça me fait rire. Ce qui est vrai, en revanche, c’est qu’Alex se rapproche le plus près possible des 100 % d’exploitati­on du matériel qui lui est fourni sur la grille chaque dimanche de course. Tu ne peux pas demander plus que ça. D’autre part, la moto lui convient très bien. Son style de pilotage est tellement coulé. Je pense que cette moto est assez polyvalent­e. Elle fait beaucoup de choses assez bien. Et l’on assiste à un bon mariage entre la moto et le pilote en ce moment.

Sylvain a toujours travaillé et piloté en finesse, ce qui correspond au pilotage d’Alex. La combinaiso­n de pilotes que vous avez choisie aiderait-elle la machine à se montrer sous son meilleur jour ?

Exactement. Encore une fois, la plupart des champions du monde qui existent ne pourraient pas nous apporter autant que Sylvain.

Voilà qui rend fier d’être Français !

Vous pouvez ! ( il rit)

Pour conclure, sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Quand on parle à Alex et Joan (Mir), ils se plaignent d’une stabilité perfectibl­e au freinage...

Il y a toujours des détails sur lesquels tu peux t’améliorer. La stabilité au freinage en fait partie. Il y a d’autres aspects où l’on doit faire mieux, mais je ne suis pas autorisé à en parler. Il y a aussi des aspects sur lesquels on doit travailler sur certains circuits spécifi ques. Par exemple, au Mugello, quand tu regardes la télé, il est évident de constater où l’on perd par rapport aux autres équipes ( la GSX- RR d’Alex Rins est créditée de la 11e vitesse de pointe à 6,7 km/ h de la Ducati de Dovizioso ; 350 contre 356,7 km/ h, ndlr).

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