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Pilier de l’endurance mondiale, Kenny Foray s’est frotté au MotoE. Ça n’a pas fait d’étincelles. Il nous dit pourquoi.

- Par Jean-Aignan Museau.

Kenny Foray s’y frotte après l’endurance.

« J e suis sorti le premier, mais chez les jumeaux, l’aîné est celui qui sort en dernier » , tient à préciser Kenny Foray, cadet de Freddy, tout autant pilote que lui. Et si les frangins parisiens se croisent souvent, y compris sur les podiums de courses d’endurance, Kenny a pris cette saison le chemin électrique en parallèle de son programme en EWC avec BMW. Son arrivée dans le MotoE n’est pas réellement ancrée dans une réalité. Il avoue qu’une petite voix lui suggère d’y aller. Que dans sa carrière, il n’a jamais effl euré le milieu des Grands Prix autrement que lorsqu’il était enfant et qu’il se rendait sur les courses dans le grand bus jaune familial avec Jean, son père, qui limait les circuits au guidon d’une ROC 500 au début des années 90. « Je me suis renseigné sur le sujet. J’ai appelé Hervé Poncharal. À ce stade, j’en savais plus que lui sur le MotoE. Il m’a rappelé ensuite pour me proposer de rouler.

C’était bien. Je n’ai pas eu besoin d’insister pour décrocher un guidon. » En revanche, il lui a fallu ensuite composer avec BMW pour obtenir l’autorisati­on d’y aller. Les Teutons l’auraient bien vu décrocher le titre de champion de France de Superbike pour la quatrième fois. Mais à ce stade, les calendrier­s se télescopen­t. Finalement, Kenny se raccorde au MotoE. « Il s’agit de motos lourdes, et j’ai pensé qu’avec mon expérience sur les motos d’endurance, cela pouvait être un avantage. C’était, à mon âge, une belle opportunit­é d’arriver dans le monde des Grands Prix, et je n’en remerciera­i jamais assez Hervé. » Le premier contact avec la bête se fait à Jerez, à la fi n de l’automne. « Les conditions sont diffi ciles. Je ne crois pas me souvenir d’avoir fait un tour sur une piste totalement sèche. La moto est déjà quasiment dans la confi guration d’aujourd’hui. »

Et le premier contact s’avère rassurant : « Avec tout ce qu’on a entendu sur l’électrique depuis des années ; qu’il n’y a pas d’embrayage, que la puissance arrive

On/ Off, tu te dis que ça va être chaud. Et au fi nal, c’est une moto. Tu as une fourche, un frein, un moteur. Quand tu accélères, ça va vite, quand tu freines, ça ralentit. Et même si tu n’as pas de frein moteur, que tu ne rétrograde­s pas, tu te concentres sur le pilotage. Et même si c’est un peu lourd, c’est du vrai pilotage. Et c’est du plaisir instantané. Je ne me suis jamais dit : “C’est quoi cette merde?” » Coupure hivernale digérée, le deuxième volet s’écrit en février à Jerez de nouveau. Sur le sec cette fois. « On avait deux séances par jour, une le matin, l’autre le soir. On a failli ne pas faire la seconde, ils avaient du mal à charger les batteries.

« JE REÇOIS UNE PHOTO. JE ME DIS QUE C’EST UNE BLAGUE... »

Avec du recul, je commençais à ressentir ce que j’ai vécu toute l’année. Je ne sentais pas la moto. J’avais l’impression d’attaquer sans être vite pour autant. Et puis ça s’est arrêté là. » À sept heures du matin, à l’aube du deuxième jour d’essais, Kenny voit de nombreux appels en absence sur son téléphone. « Je reçois une photo. Et là, je me dis que c’est une blague... » Dans la nuit, l’intégralit­é de la structure du MotoE est partie en fumée. Un incendie monstrueux

et diffi cilement domptable a réduit à zéro l’intégralit­é du championna­t. Offi ciellement en cause, un chargeur défaillant. Le coup d’envoi est reporté à début juillet, en Allemagne, afi n de laisser le temps à l’équipe managée par Nicolas Goubert, l’ex- boss de la compétitio­n chez Michelin, de tout reconstrui­re. « En arrivant sur le circuit, tu te dis que le plus important est qu’il n’y ait pas eu de blessés. Mais je suis arrivé avec 35 kg de bagages enregistré­s en soute, et je suis rentré avec un sac plastique à la main... sans cuir, sans casque, sans bottes. » Le Ecircus se retrouve début juin, à Valence. Simulation­s de course,

roulage, etc. : « Mais je me rends compte que là où ça va le mieux, c’est lorsque la séance se termine. J’avais misé sur le fait qu’il s’agissait d’une moto lourde et que je voulais piloter comme avec ma 1000 : freiner fort, tourner et accélérer. Très vite, j’ai dit à mes mécanos que lorsque je m’arrêtais, j’aimerais repartir pour continuer à comprendre comment être effi cace. Mais en si peu de tours, j’ai du mal à saisir vraiment le mode d’emploi de la machine. Et le problème, c’est que tu ne roules pas tout de suite, mais sept heures après... si ce n’est une nuit plus tard. Sans même parler des essais de départ mais aussi de ma méconnaiss­ance des circuits sur lesquels nous roulons. Là, je commence à avoir des doutes. » Arrive la première course, au Sachsenrin­g. Il s’y offre une session d’entraîneme­nt avec une moto thermique afi n de se familiaris­er avec le tracé allemand : « Je me suis rendu compte beaucoup plus tard que ce n’était pas une bonne idée. Rouler avec une 1000 n’a rien à voir. » Aux alentours de la douzième place, dès les premiers essais, Kenny ne progresse pas. Si ce n’est en Autriche où le programme compte une séance supplément­aire qui lui permet de monter le curseur. Et la course, sur le mouillé, se passe bien. Enfermé au départ, il remonte de la 18e place à la onzième. Son meilleur résultat. « Je me

« IL FALLAIT QUE JE ME RASSURE SUR MA CAPACITÉ À ROULER AU BOL »

sentais de mieux en mieux, mais comme toujours, à chaque fois que je montais sur la moto, j’avais la sensation de ne pas être en confi ance, de me dire que je pouvais attaquer. Ça a duré toute l’année. » Pourquoi ? « Parce qu’il me fallait plus de tours. » À Misano, au premier départ, Kenny est dans le groupe aux environs de la 15e place : « Je me décale un peu pour dépasser Hook, et lorsque j’accélère à la sortie du cinquième virage, j’ai moins de gaz que le tour précédent mais plus d’angle et je me fais éjecter. »

Une petite erreur mais qui se paye au prix fort. « J’étais sur le dos. J’avais mal. Et je me disais, la semaine prochaine tu as le Bol d’Or, je n’arrivais pas à respirer. Je me force à me relever pour rassurer mes proches. J’avais mal au dos. Je me dis que ça pue. Mais c’est vraiment le Bol qui me tracasse. » Les premières radios de contrôle le rassurent. La douleur reste tenace. Qu’importe, il dispute la course du lendemain : « Il fallait que je voie si j’étais apte à rouler, que je me rassure sur ma capacité à rouler au Bol. »

Les deux premiers tours, il n’arrive pas à poser le genou au sol. Deux mois après, il a toujours mal. « Mais surtout, j’ai compris que la MotoE, ce n’était pas forcément pour moi. J’ai pris du plaisir à rouler mais le format ne me convient pas, je n’ai jamais réussi à pousser la moto. Je n’ai pas confi ance. J’ai lâché l’affaire. Peut- être que si j’avais pu faire plus de tours, cela aurait fonctionné. Mais quand tu sens que ça ne vient pas, que tu n’y arrives pas, il faut être honnête. Et je me suis rendu compte que j’aimais vraiment l’endurance mondiale, le FSBK. Je préfère être un bon pilote dans ces discipline­s plutôt qu’un mauvais en MotoE. »

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1 Sur la grille de départ à Valence, sa dernière course en MotoGP. Une fois de plus, le résultat fut décevant. 2 Kenny reconnaît qu’il lui aurait fallu plus de temps de roulage pour s’adapter à la MotoE. 3 Son monstrueux envol peu après le départ de la première course à Misano ne l’a pas aidé à prendre confiance dans la bête.
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