Portrait Loris Baz..................
Après avoir quitté le monde du MotoGP, Baz a connu une année 2018 difficile pour son retour en WSBK. Même amputée des premières courses, la saison 2019 a été beaucoup plus prometteuse. De quoi voir la suite avec optimisme.
Un retour très encourageant pour le Français.
Sorti du MotoGP fi n 2017, non pas faute de résultats mais de billets verts, Loris Baz rebondit en Superbike pour 2018. À l’époque, il se voit jouer aux avant- postes et redonner un nouvel élan à sa carrière : « J’avais de gros espoirs. BMW sortait une nouvelle moto et j’imaginais que la collaboration avec le team Althea allait perdurer. À ce stade, j’ignorais que l’association entre les deux était déjà compliquée. » Le résultat est bien loin du podium convoité, et la 11e place fi nale, alors qu’il a pris part à tous les départs, est loin de satisfaire Loris. Pire même : « Cela restera comme la plus mauvaise saison de ma carrière sur le plan des performances. On ne pouvait rien faire. Il n’y avait pas de développement technique. Le cadre était bon, mais nous avons connu beaucoup de problèmes électroniques, au point de ne pas avoir eu d’antiwheelie presque toute la saison. J’ai fait des courses où il n’y avait aucune différence de comportement que ce soit avec ou sans Traction Control. J’ai assez vite compris qu’il n’y avait rien à faire. Je me suis battu comme un dingue. Ça se passait bien avec le team, les mécanos se dépouillaient. Mais en termes de performance, c’était compliqué. »
Ce qui, forcément, a provoqué son lot de
questions : « De nombreuses personnes me demandaient pourquoi je n’arrivais pas à me refaire au Superbike. Nous étions la seule BMW sur la grille et sur certains circuits, j’étais moins vite que la moto de Superstock... et malgré tout, nous n’étions qu’à une seconde, une seconde trois des meilleurs et ce, sans développement de l’électronique et sans une séance d’essais une fois que la saison a été lancée. » La déception est de taille : « Au début de la saison, j’espérais une progression rapide en me disant que je serai rapidement aux portes du Top 5 puis sur le podium. Mais j’ai compris que ce serait fi nalement impossible sans un coup de pouce de la chance... qui n’est jamais arrivé. Puis, j’ai continué à me battre toute l’année en me disant que ça me servirait pour trouver un bon guidon pour 2019. Avec le recul, il aurait peut- être été préférable de rester à la maison. Mais quand tu es pilote, c’est très dur à accepter. »
« IL S’EST PASSÉ 45 MOIS. ÇA PARAÎT UNE ÉTERNITÉ »
Au fi nal, impossible de retrouver une valeur marchande au moment des transferts. BMW, qui a très vite annoncé qu’il ne continuerait pas avec Althea, lui préfère Reiterberger, le vainqueur du Stocksport, et Sykes, l’ancien champion du monde de Superbike. De toute façon, Loris ne veut pas revivre un tel calvaire et prend la décision d’attendre une opportunité capable de laisser s’exprimer son talent. Dans l’ombre, Éric Mahé oeuvre à faire revivre le team Ten Kate, et surtout organise la migration de Honda, l’historique fournisseur de l’équipe néerlandaise, vers Yamaha. Une mission diffi cile, entre construction d’un budget et remise en place des compétences nécessaires à faire tourner la machine. Baz n’a pas d’autre choix que de patienter. « J’ai passé l’hiver à me préparer en attendant que quelque chose arrive. C’est d’ailleurs certainement l’intersaison où j’ai le plus travaillé et où l’absence d’essais et de voyages m’a fait passer pas mal de temps chez moi. J’ai maintenant une salle de sport à la maison : j’ai fait beaucoup de cardio, de renforcement musculaire, de footing. » En découle une vie d’ermite :
« Je ne sortais pas de chez moi. Je mangeais,
je m’entraînais, je dormais. Mais ça a tout de même été compliqué à vivre. Je ne savais pas quand ça allait aboutir. On avait commencé à parler assez tôt avec Ten Kate. Mais ça a mis beaucoup de temps à aboutir, entre le feu vert de Yamaha et la mise en place de l’équipe. Il s’est passé 45 mois. Ça paraît une éternité. » Un long moment loin des circuits, loin du rythme de vie tourbillonnant que connaît le Savoyard depuis qu’il a pris un guidon entre les mains : « J’ai eu l’impression de ne pas trop mal le vivre, mais je pense que j’ai été imbuvable avec mon entourage. Autant quand tout va bien, je suis extrêmement bavard, autant lorsque ça ne va pas, je peux rester mutique pendant des jours. Que ce soit mes parents, ma copine ou mes potes, ils l’ont accepté et m’ont bien soutenu » , continue Loris. Il ne reste toutefois jamais très éloigné de l’actualité du Superbike, et y trouve motif à
satisfaction : « J’ai regardé toutes les courses à la télé. Ce n’était pas simple, mais ça m’a permis de voir comment se situait la Yam’ face aux autres motos de la concurrence. C’était la confi rmation que la moto marchait bien, ce n’était pas la meilleure, mais l’on savait que l’on aurait un bon package. Restait à savoir combien de temps il me faudrait, mais aussi à l’équipe technique, pour nous faire à la moto. » Avec quelques
angoisses : « Par expérience, je sais que c’est toujours un peu plus long que la normale, notamment en raison de ma taille et de mon style de pilotage. » Finalement, l’osmose se fait en deux courses. « Je m’entends parfaitement avec mon équipe, et mon chef mécanicien a eu l’intelligence de complètement sortir des voies explorées par les autres teams Yamaha pour partir à l’opposé et ça a tout de suite marché !
Les R1 de Superbike sont réglées sur l’avant,
« C’EST CERTAINEMENT L’INTERSAISON OÙ J’AI LE PLUS TRAVAILLÉ »
et ça ne me convenait pas. À partir de Donington, on n’a fait que progresser. Ça a été un grand soulagement, y compris pour le team qui avait besoin de résultats pour faire venir des partenaires. Il fallait que ça marche vite et ça a vite marché. » En loupant les quatorze premières courses, Loris a marqué 137 points, soit dans la même période, 43 de plus que Marco Melandri sur la Yamaha du bien plus aguerri team GRT. « C’est satisfaisant, d’autant que les deux premières courses ( Jerez et Misano) n’ont pas été extraordinaires. On a vraiment réussi à progresser, et on s’est de plus en plus rapproché de Michael ( Van der Mark) et d’Alex ( Lowes). Cela dit, on manque encore d’essais et d’expérience avec la moto, contrairement aux autres pilotes Yamaha. » Et même s’ils bénéfi cient des bases de réglage partagées avec les autres teams, notamment pour l’électronique, les choses prennent du temps à se mettre en place. « Mais Ten Kate a la capacité de travailler sur l’électronique et depuis Donington, nous avons avancé sur notre propre voie en nous concentrant sur ce que l’on aime sur la moto. Ce qui, pour l’an prochain, peut se transformer en point fort. » La fi n de saison est d’ailleurs tout à fait encourageante : « À Magny- Cours, j’ai vu la victoire à quelques secondes de moi, alors qu’en face, les gars sont sur la moto depuis quatre ans. Je suis vraiment content du déroulé de la saison, sachant que notre objectif principal était bien de préparer au mieux 2020. » Ce qui pousse Loris à prétendre de nouveau à tutoyer les sommets : « Aller jusqu’au titre ? Ça peut le faire.
Toprak le prouve cette année. En tout cas, on peut jouer des podiums et des victoires. Pour le titre, il faut être parfait. Surtout face à un type comme Jonathan ( Rea) et une marque comme Kawasaki qui déploie tous ses efforts en Superbike et offre à son équipe une grande capacité de réaction en cas de problème. On l’a vu cette année lorsqu’il manquait de régime moteur. Nous, il nous faut trouver de la puissance en haut, mais je pense que le Top 3 au championnat est envisageable... Après, on verra ! »
« LE BOL AVEC LE YART ?
J’AI TOUT DE SUITE ACCEPTÉ »
Et si sa saison 2019 a démarré tardivement, elle a permis à Loris d’aller s’exprimer en endurance. Une discipline qu’il avoue avoir toujours adorée, et qui lui a réussi par le passé avec, notamment, une retentissante victoire au Bol d’Or 2013, alors qu’il n’a que 20 ans, en compagnie de Jérémy Guarnoni et de Greg Leblanc sur la Kawasaki du SRC. « J’ai toujours eu la volonté d’en faire même si, au cours de ma carrière, je n’en ai pas eu la possibilité, en raison des calendriers
ou des incompatibilités entre marques. Et lorsque Mandy Kainz m’a appelé pour me proposer le Bol avec le YART, j’ai tout de suite accepté. C’est complètement différent de la vitesse, mais j’aime en faire. » Il tient toutefois à préciser sa volonté de garder sa priorité à la vitesse. Dans un gros rythme au Bol, Loris pouvait espérer au moins un podium. Mais il y a eu cette chute, alors que des drapeaux de changement d’adhérence étaient sortis : « J’étais en train de doubler mon relais. J’étais à mon 31e ou 32e tour et j’ai dû voir le drapeau de changement d’adhérence au moins une vingtaine de fois. Lorsqu’une moto chute, les commissaires le passent en préventif, et l’on ne peut pas se permettre de perdre 20 secondes à chaque fois que l’on voit ce drapeau sorti. La solution pourrait être d’avoir un signal spécifi que lorsqu’il y a réellement de l’huile sur la piste. On devrait aussi rouler avec des carénages fermés, même lorsqu’il pleut. Ce qui éviterait qu’en cas de casse moteur, l’huile se répande sur la piste comme ça s’est produit avec la moto de Mike ( Di Meglio).
« JE LE VOIS DEBOUT, LES MOTOS EN FEU... »
J’ai participé à quatre épreuves de 24 heures et je suis tombé deux fois sur de l’huile. Il y a eu aussi une succession de malchances. La moto a glissé et serait repartie sans problème. Mais tout a brûlé... Et on s’en est bien sorti. Lorsque ma moto tape dans Erwan ( Nigon), elle doit être à 100 km/ h. Je suis certain en me relevant de le voir avec les jambes brisées. Je le vois debout, les motos en feu... Heureusement que nous ne sommes pas restés coincés en dessous, à la vitesse où tout s’est enfl ammé, les commissaires n’auraient jamais eu le temps de nous dégager. C’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de blessés. C’est l’une des chutes qui m’a le plus impressionné dans ma carrière. » Une carrière qu’il voit se prolonger encore : « Quand j’avais 20 ans, je me voyais arrêter à 30. Mais aujourd’hui, je vois des pilotes de 40 ans qui continuent à gagner. Et plus ça va, plus j’aime la course, plus je me sens impliqué et plus c’est mon centre d’intérêt majeur. Tant que je serai performant, la vitesse restera ma discipline de base. Et avant ça, j’ai encore une dizaine d’années devant moi ! » À 26 ans, c’est envisageable : « Lorsque nous avons commencé nos négociations avec Ten Kate, ils ont été surpris par mon âge... mais ça fait onze ans qu’ils me voient casser des scooters dans les paddocks. Ma première saison au guidon d’une 1000, c’était il y a dix ans ! » Reste à voir comment le monde de la course moto va évoluer. « Avant, personne ne payait pour rouler. Aujourd’hui, même un champion du monde peut amener des sponsors pour décrocher un guidon. »
« ALLER JUSQU’AU TITRE ? ÇA PEUT LE FAIRE. TOPRAK LE PROUVE CETTE ANNÉE »