GP Racing

MICHELIN GARDE LA MAIN

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Bien que bridé dans le développem­ent par un règlement technique qui ne permet aucun changement en cours de saison, Michelin introduit chaque année des nouveautés pour faire progresser ses pneus. Un travail qui influe sur les performanc­es et le rapport de force entre les différente­s motos.

ABuriram, début octobre, Marc Marquez a décroché son 6e titre de champion du monde MotoGP en rafl ant la victoire tout en mettant dix- neuf secondes de moins que l’an dernier pour boucler les vingt- six tours du Grand Prix de Thaïlande. En 2018, également vainqueur, il avait lutté jusqu’à l’arrivée avec la Ducati d’Andrea Dovizioso. Cette saison, il s’est surpassé pour battre Fabio Quartararo et sa Yamaha dans le dernier tour d’une course menée tambour battant par les deux hommes.

Si le pilote Honda a amélioré le record de la course, ça n’est pas seulement parce que son adversaire a changé de nom. Non, si Marquez a roulé plus vite du premier au dernier tour, c’est parce que cette année, ses pneus ont progressé. C’est en tout cas ce qu’affi rme Piero Taramasso, le responsabl­e Michelin en MotoGP. « Les pneus arrière qui fi gurent cette saison dans les allocation­s des pilotes bénéfi cient d’un nouveau procédé de fabricatio­n, explique l’Italien.

Plus exactement, un procédé de fabricatio­n du mélange des différents composants que sont les huiles, les poudres et les résines. Grâce à la nouvelle technologi­e employée, nos pneus ont gagné en grip et en longévité. Nous avons amélioré leur constance tout en conservant la même formulatio­n de base. »

« ON A PROGRESSÉ PARTOUT AVEC DES PERFORMANC­ES PLUS CONSTANTES »

Et de préciser : « L’an dernier, nous l’avions essayée sur le mélange medium avec des résultats très positifs. C’est pour cela que cette saison nous l’avons étendue au Soft et au Hard. Pour un manufactur­ier de pneumatiqu­es, le plus important est de procurer du feeling au pilote et d’améliorer les temps de course. Si un pneu est capable de faire trente tours en restant dans la même demi- seconde du premier au dernier, ça veut dire qu’il n’y aura pas de soucis pour une course de vingt- cinq tours. Globalemen­t, on a progressé un peu partout avec des performanc­es plus constantes sur la distance. »

Pour l’instant, cette évolution ne concerne que le pneu arrière. « Aucun pilote ne se plaint d’une baisse de rendement du pneu avant » , précise Taramasso. Pourtant, cette année encore, nombre de pilotes confi aient à l’arrivée avoir géré leur rythme sur la première partie de course pour ne pas compromett­re leurs performanc­es dans les derniers tours. « Cette saison, tous ont roulé avec des gommes plus tendres que l’an dernier, poursuit le responsabl­e MotoGP Michelin. Ils ont justement profi té du gain qu’on leur a apporté pour prendre plus de risques. C’est tout à fait logique. »

S’ils ont permis de réduire les temps de course, les nouveaux Michelin ont aussi

resserré les écarts entre les différente­s machines. « Disons que les pneus sont plus faciles à gérer, souligne Andrea Dovizioso.

Comme il y a moins de drop en fi n de course, on a moins besoin d’en garder sous la poignée dans les premiers tours. »

Ce qui fait que le pilote Ducati, réputé pour sa grande fi nesse avec les pneumatiqu­es, a perdu cette année l’avantage que lui conférait sa bonne gestion des gommes. Mais il n’est pas le seul à avoir fait des concession­s. Marquez, et plus généraleme­nt l’ensemble des pilotes Honda, ont eux aussi perdu les bénéfi ces d’un de leurs points forts. « Jusqu’à présent, nous étions les seuls à parvenir à faire fonctionne­r correcteme­nt les pneus durs, note Christophe Bourguigno­n, le directeur technique de l’équipe Honda LCR. Or, comme aujourd’hui, les pneus sont plus performant­s, cela permet d’utiliser plus facilement les gommes tendres. L’avantage que nous pouvions avoir sur certains circuits s’est considérab­lement réduit. » Si les Ducati et les Honda ont lâché du lest, les Yamaha et les Suzuki ont pour

leur part profi ter des nouvelles enveloppes pour minimiser leurs problèmes en sortie de virage. « On a globalemen­t plus de grip sur l’angle maxi, ce qui nous aide à l’accélérati­on » , commente Maverick Viñales. Le choix des pneus pour la course est aussi plus facile pour les pilotes en manque de confi ance. « Comme les mélanges de gommes sont plus tendres, leur fenêtre d’utilisatio­n par rapport aux conditions de piste s’est agrandie, avance Nicolas Goyon, le chef mécanicien d’Hafi zh Syahrin chez

Tech3. Ça facilite les choix et évite les problèmes en course, car un pneu qui ne travaille pas dans sa bonne fenêtre de températur­e va s’user plus rapidement, et donc perdre plus vite en performanc­e. »

« ON A GAGNÉ EN MOYENNE 0,4 SECONDE AU TOUR SUR L’ENSEMBLE DES CIRCUITS »

Pour Piero Taramasso, « un bon pneu offre des avantages à tout le monde, à chaque équipe de travailler pour en

tirer le meilleur » . Cette année, les pilotes ont fait évoluer leurs choix de gomme

et la façon de les utiliser. « Les références qui fonctionna­ient l’an dernier ne sont plus forcément les plus pertinente­s, note

Marc Marquez. Les choix pour la course

sont parfois moins évidents. » L’an dernier, les pilotes avaient tendance à reprocher à Michelin le manque de lisibilité entre les gommes tendre, medium et dure.

Il était d’ailleurs fréquent qu’au départ d’une course, les trois choix soient adoptés sur la grille, aussi bien pour l’avant que pour l’arrière. C’est moins souvent le cas cette saison. « On a essayé d’avoir des décalages plus importants entre les différents choix, explique Taramasso.

Mais notre objectif étant de proposer des pneumatiqu­es qui puissent tous aller au bout de la course, c’est aussi plus compliqué. Du coup, on retrouve plus souvent les mêmes

pneus sur la grille. » Le décalage général vers des gommes plus tendres ne fait pas non plus forcément l’affaire des pilotes les plus saignants sur la poignée de gaz.

« LES GOMMES QUI FONCTIONNA­IENT L’AN DERNIER NE SONT PLUS FORCÉMENT LES PLUS PERTINENTE­S »

MARC MARQUEZ

Ainsi Pol Espargaro. « C’est vrai qu’on a plus de grip, témoigne le Catalan. Mais je trouve que la gomme tendre ne matche pas toujours avec la carcasse des Michelin

qui est très rigide. » Bonne nouvelle pour le pilote KTM, une nouvelle constructi­on, appelée AK, sera introduite l’an prochain. Elle a été testée cette année avec succès en Catalogne, à Brno, à Misano et à Phillip Island. « Cette constructi­on permet au pneu de mieux s’écraser à l’accélérati­on, explique le responsabl­e Michelin. La moto est mieux calée, ce qui offre davantage de confi ance au pilote. On a gagné en moyenne 0,4 seconde au tour sur l’ensemble des circuits où nous l’avons testée. »

Et l’avant dans tout ça ? « On y travaille aussi, poursuit Taramasso. On a commencé à tester une nouvelle constructi­on avec des résultats positifs. Les pilotes peuvent freiner plus fort et plus longtemps jusqu’au point de corde. Ils nous ont demandé de l’introduire l’an prochain mais ça ne sera pas possible car nous n’avons pas eu le temps de l’évaluer sur suffi samment de circuits. »

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 ??  ?? 1 Cette année, les pilotes MotoGP disposaien­t d’une nouvelle génération de pneus Michelin fabriqués selon un nouveau procédé de mélange des ingrédient­s qui composent leur enveloppe.
1 Cette année, les pilotes MotoGP disposaien­t d’une nouvelle génération de pneus Michelin fabriqués selon un nouveau procédé de mélange des ingrédient­s qui composent leur enveloppe.
 ??  ?? 2 Piero Taramasso, le responsabl­e Michelin, doit composer avec les besoins de chacun.
2 Piero Taramasso, le responsabl­e Michelin, doit composer avec les besoins de chacun.
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3 L’équipe de technicien­s que Michelin déplace sur chaque épreuve du championna­t MotoGP.
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 ??  ?? 1 Chaque constructe­ur travaille avec un technicien rattaché à ses pilotes. 2 Rookie de l’année, Fabio Quartararo a vite appris à tirer le meilleur des gommes de Clermont-Ferrand.
1 Chaque constructe­ur travaille avec un technicien rattaché à ses pilotes. 2 Rookie de l’année, Fabio Quartararo a vite appris à tirer le meilleur des gommes de Clermont-Ferrand.
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3 Responsabl­e du manufactur­ier de pneumatiqu­es, Piero Taramasso passe de garage en garage durant les essais. Chaque partenaire bénéficie du même traitement.

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