MICHELIN GARDE LA MAIN
Bien que bridé dans le développement par un règlement technique qui ne permet aucun changement en cours de saison, Michelin introduit chaque année des nouveautés pour faire progresser ses pneus. Un travail qui influe sur les performances et le rapport de force entre les différentes motos.
ABuriram, début octobre, Marc Marquez a décroché son 6e titre de champion du monde MotoGP en rafl ant la victoire tout en mettant dix- neuf secondes de moins que l’an dernier pour boucler les vingt- six tours du Grand Prix de Thaïlande. En 2018, également vainqueur, il avait lutté jusqu’à l’arrivée avec la Ducati d’Andrea Dovizioso. Cette saison, il s’est surpassé pour battre Fabio Quartararo et sa Yamaha dans le dernier tour d’une course menée tambour battant par les deux hommes.
Si le pilote Honda a amélioré le record de la course, ça n’est pas seulement parce que son adversaire a changé de nom. Non, si Marquez a roulé plus vite du premier au dernier tour, c’est parce que cette année, ses pneus ont progressé. C’est en tout cas ce qu’affi rme Piero Taramasso, le responsable Michelin en MotoGP. « Les pneus arrière qui fi gurent cette saison dans les allocations des pilotes bénéfi cient d’un nouveau procédé de fabrication, explique l’Italien.
Plus exactement, un procédé de fabrication du mélange des différents composants que sont les huiles, les poudres et les résines. Grâce à la nouvelle technologie employée, nos pneus ont gagné en grip et en longévité. Nous avons amélioré leur constance tout en conservant la même formulation de base. »
« ON A PROGRESSÉ PARTOUT AVEC DES PERFORMANCES PLUS CONSTANTES »
Et de préciser : « L’an dernier, nous l’avions essayée sur le mélange medium avec des résultats très positifs. C’est pour cela que cette saison nous l’avons étendue au Soft et au Hard. Pour un manufacturier de pneumatiques, le plus important est de procurer du feeling au pilote et d’améliorer les temps de course. Si un pneu est capable de faire trente tours en restant dans la même demi- seconde du premier au dernier, ça veut dire qu’il n’y aura pas de soucis pour une course de vingt- cinq tours. Globalement, on a progressé un peu partout avec des performances plus constantes sur la distance. »
Pour l’instant, cette évolution ne concerne que le pneu arrière. « Aucun pilote ne se plaint d’une baisse de rendement du pneu avant » , précise Taramasso. Pourtant, cette année encore, nombre de pilotes confi aient à l’arrivée avoir géré leur rythme sur la première partie de course pour ne pas compromettre leurs performances dans les derniers tours. « Cette saison, tous ont roulé avec des gommes plus tendres que l’an dernier, poursuit le responsable MotoGP Michelin. Ils ont justement profi té du gain qu’on leur a apporté pour prendre plus de risques. C’est tout à fait logique. »
S’ils ont permis de réduire les temps de course, les nouveaux Michelin ont aussi
resserré les écarts entre les différentes machines. « Disons que les pneus sont plus faciles à gérer, souligne Andrea Dovizioso.
Comme il y a moins de drop en fi n de course, on a moins besoin d’en garder sous la poignée dans les premiers tours. »
Ce qui fait que le pilote Ducati, réputé pour sa grande fi nesse avec les pneumatiques, a perdu cette année l’avantage que lui conférait sa bonne gestion des gommes. Mais il n’est pas le seul à avoir fait des concessions. Marquez, et plus généralement l’ensemble des pilotes Honda, ont eux aussi perdu les bénéfi ces d’un de leurs points forts. « Jusqu’à présent, nous étions les seuls à parvenir à faire fonctionner correctement les pneus durs, note Christophe Bourguignon, le directeur technique de l’équipe Honda LCR. Or, comme aujourd’hui, les pneus sont plus performants, cela permet d’utiliser plus facilement les gommes tendres. L’avantage que nous pouvions avoir sur certains circuits s’est considérablement réduit. » Si les Ducati et les Honda ont lâché du lest, les Yamaha et les Suzuki ont pour
leur part profi ter des nouvelles enveloppes pour minimiser leurs problèmes en sortie de virage. « On a globalement plus de grip sur l’angle maxi, ce qui nous aide à l’accélération » , commente Maverick Viñales. Le choix des pneus pour la course est aussi plus facile pour les pilotes en manque de confi ance. « Comme les mélanges de gommes sont plus tendres, leur fenêtre d’utilisation par rapport aux conditions de piste s’est agrandie, avance Nicolas Goyon, le chef mécanicien d’Hafi zh Syahrin chez
Tech3. Ça facilite les choix et évite les problèmes en course, car un pneu qui ne travaille pas dans sa bonne fenêtre de température va s’user plus rapidement, et donc perdre plus vite en performance. »
« ON A GAGNÉ EN MOYENNE 0,4 SECONDE AU TOUR SUR L’ENSEMBLE DES CIRCUITS »
Pour Piero Taramasso, « un bon pneu offre des avantages à tout le monde, à chaque équipe de travailler pour en
tirer le meilleur » . Cette année, les pilotes ont fait évoluer leurs choix de gomme
et la façon de les utiliser. « Les références qui fonctionnaient l’an dernier ne sont plus forcément les plus pertinentes, note
Marc Marquez. Les choix pour la course
sont parfois moins évidents. » L’an dernier, les pilotes avaient tendance à reprocher à Michelin le manque de lisibilité entre les gommes tendre, medium et dure.
Il était d’ailleurs fréquent qu’au départ d’une course, les trois choix soient adoptés sur la grille, aussi bien pour l’avant que pour l’arrière. C’est moins souvent le cas cette saison. « On a essayé d’avoir des décalages plus importants entre les différents choix, explique Taramasso.
Mais notre objectif étant de proposer des pneumatiques qui puissent tous aller au bout de la course, c’est aussi plus compliqué. Du coup, on retrouve plus souvent les mêmes
pneus sur la grille. » Le décalage général vers des gommes plus tendres ne fait pas non plus forcément l’affaire des pilotes les plus saignants sur la poignée de gaz.
« LES GOMMES QUI FONCTIONNAIENT L’AN DERNIER NE SONT PLUS FORCÉMENT LES PLUS PERTINENTES »
MARC MARQUEZ
Ainsi Pol Espargaro. « C’est vrai qu’on a plus de grip, témoigne le Catalan. Mais je trouve que la gomme tendre ne matche pas toujours avec la carcasse des Michelin
qui est très rigide. » Bonne nouvelle pour le pilote KTM, une nouvelle construction, appelée AK, sera introduite l’an prochain. Elle a été testée cette année avec succès en Catalogne, à Brno, à Misano et à Phillip Island. « Cette construction permet au pneu de mieux s’écraser à l’accélération, explique le responsable Michelin. La moto est mieux calée, ce qui offre davantage de confi ance au pilote. On a gagné en moyenne 0,4 seconde au tour sur l’ensemble des circuits où nous l’avons testée. »
Et l’avant dans tout ça ? « On y travaille aussi, poursuit Taramasso. On a commencé à tester une nouvelle construction avec des résultats positifs. Les pilotes peuvent freiner plus fort et plus longtemps jusqu’au point de corde. Ils nous ont demandé de l’introduire l’an prochain mais ça ne sera pas possible car nous n’avons pas eu le temps de l’évaluer sur suffi samment de circuits. »