GP Racing

Fabio Quartararo chez lui

- Par Michel Turco.

Nous sommes allés le rencontrer en Andorre.

Avant même le premier Grand Prix et la décision de Valentino Rossi de poursuivre ou non sa carrière en MotoGP, Fabio Quartararo s’est engagé avec l’équipe officielle Yamaha pour les saisons 2021/2022. Il y évoluera aux côtés de Maverick Viñales qui a prolongé son contrat avec le constructe­ur japonais. En attendant, le Français visera dès cette année la victoire avec une vraie moto d’usine.

« COMME TOUT LE MONDE, MARQUEZ A SES FAIBLESSES. JE PENSE EN AVOIR DÉCELÉ UNE... »

La trêve hivernale, Fabio Quartararo ne l’a pas vraiment vu passer. Impatient de retrouver le guidon de sa Yamaha M1, le meilleur débutant de la saison de MotoGP 2019 n’a pas eu le temps de s’ennuyer. Tout juste s’est- il accordé quelques jours pour souffl er dans la foulée des tests de novembre à Jerez. « Je suis d’abord parti à Abu Dhabi pour assister au dernier Grand Prix de F1, invité par Alpinestar­s, raconte le Niçois qui a ainsi pu échanger avec Lewis Hamilton, autre pilote à courir sous les couleurs Petronas.

J’ai ensuite pris une semaine de vacances pour couper et me reposer, et puis début décembre, j’ai repris l’entraîneme­nt. »

Une préparatio­n physique sous les ordres de Sergio Barea, un triathlète espagnol avec lequel il avait déjà travaillé à l’époque où son manager s’appelait Eduardo Martin. « Je l’ai recontacté l’été dernier, après mon opération aux avant- bras, poursuit Fabio.

Je sentais qu’il fallait que je travaille mieux, que je cible mes efforts. On a mis en place ensemble un programme à la semaine qu’il m’envoie et que je respecte à la lettre.

« MIEUX VAUT ÊTRE TROP FORT QUE PAS ASSEZ »

Aujourd’hui, je me sens vraiment en forme car je bosse dur ; mieux vaut être trop fort que pas assez. » Après les fêtes de fi n d’année passées à Nice, en famille, Fabio est rentré chez lui en Andorre pour reprendre le collier. « Début janvier, j’ai fait une grosse semaine de moto en Espagne avec du fl at- track et du motocross » , précise- t- il, soucieux de bien continuer à se préparer en amont d’une saison 2020 où il se sait attendu au tournant. « C’est sûr que ça sera différent de l’an dernier où j’arrivais en MotoGP avec la seule ambition de passer de temps à autre en Q2 pour essayer d’accrocher un Top 10 à l’arrivée. Ce Top 10, hormis quand je suis tombé, je ne l’ai jamais quitté, et la Q2, j’y ai toujours fi guré. »

Avec six pole positions et sept podiums dont cinq 2e places, Fabio Quartararo a effectivem­ent réalisé des débuts en MotoGP que personne n’aurait imaginés. Lucide, il dit : « On a vécu un rêve et ça sera diffi cile d’enchaîner cette année de telles sensations car forcément, j’ai à présent de tout autres objectifs. » En l’occurrence, gagner des courses, ce qu’il a quand bien failli faire en 2019, notamment en Thaïlande. Avec tout ça, on oublierait presque qu’avant de prendre la direction de Sepang pour les premiers tests de l’année, Fabio Quartararo a signé un contrat de pilote offi ciel Yamaha pour les saisons 2021/ 2022 – saisons durant lesquelles il fera équipe avec Maverick Viñales. Ainsi, avant même que Valentino Rossi ne décide de la suite à donner à sa carrière, Lin Jarvis et Takahiro Sumi ont fait l’effort nécessaire pour ne pas voir le meilleur débutant de la saison 2019 passer

à la concurrenc­e. « Depuis la fi n du mois de décembre, je sentais qu’il y avait chez eux une vraie envie qu’on continue à travailler ensemble. Ils m’ont fait comprendre qu’ils me voulaient vraiment. Ils ont vu que, comme Viñales, je donnais le maximum pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Aujourd’hui, ils font de gros efforts pour faire progresser leur moto, je pense qu’ils se projettent vers l’avenir. On a quand même pris le temps d’étudier les différente­s offres qui nous étaient faites, on n’a pas dit oui tout de suite, mais il y avait de la part de Yamaha des témoignage­s de confi ance, notamment avec cette mise à dispositio­n d’une moto d’usine dès cette saison. Et puis la Yamaha est aussi une moto que je connais et avec laquelle je me sens bien. Pouvoir rester quatre ans avec la même marque, je pense que c’est aussi quelque chose de positif. Yamaha, c’était la meilleure décision. Il n’empêche que c’est quelque chose que je n’aurais jamais imaginé. Déjà, il n’y a encore que deux ans, qui aurait pensé que je me retrouvera­is aussi vite en MotoGP ? Le plus important, c’est que je sais désormais où je serai pour les trois saisons à venir. Je vais pouvoir aborder la compétitio­n avec beaucoup de sérénité, sans avoir à me soucier de mon avenir. Je ne serai pas là à regarder ce que valent la Ducati ou la Suzuki, je vais pouvoir être focus, et cela m’enlève une sacrée pression. »

Attendu au tournant par ses adversaire­s comme par ceux qui pointent encore du doigt ses errements du passé, Fabio Quartararo est d’autant plus confi ant qu’il sait ce qu’il a surmonté. Sa reconstruc­tion après deux saisons où d’aucuns le voyaient perdu, il la doit à ses proches ainsi qu’à cette chance qui ne sourit qu’aux audacieux.

« ME RETROUVER DEVANT, EN TANT QUE ROOKIE, C’ÉTAIT FOU »

Passer en Moto2 après une seconde saison de Moto3 la tête au fond du seau, il l’a décidé avec Éric Mahé, le manager qui l’a aidé à retrouver son chemin après la séparation d’avec Eduardo Martin. « C’est aussi Éric qui a choisi fi n 2017 qu’on quitte le team de Sito Pons pour signer dans l’équipe Speed Up de Luca Boscoscuro, raconte Fabio. C’est à partir de là que j’ai commencé à retrouver de la confi ance. Luca ne m’a jamais mis la pression, même quand j’étais 28e sur la grille en Argentine. Il me disait qu’il était convaincu que j’allais y arriver. Avant, c’était toujours : “Mais qu’est- ce que tu fous ? Y’a les sponsors !” Et ceci et cela... Chez Speed Up, j’ai trouvé une famille qui m’a vraiment aidé à me retrouver. » Et Éric Mahé ayant été suffi samment malin pour laisser une porte de sortie à son pilote en cas de propositio­n d’une équipe MotoGP, alors qu’il avait initialeme­nt deux ans de contrat avec le team italien, Fabio a vite retrouvé les étoiles. « Éric n’est pas qu’un agent qui cherche à me faire gagner de l’argent, souligne le Niçois. Il me guide dans mes choix, me dirige pour que j’obtienne le meilleur matériel possible. Il connaît la course et la technique, il a même étonné les ingénieurs japonais quand on a discuté de notre avenir avec Yamaha. Pendant les week- ends de course, il m’aide aussi avec l’équipe en étudiant les chronos, en me regardant rouler... Il sait ce qu’on fait sur la moto et il comprend ce qui se passe. » En plus d’Éric, il y a bien évidemment Tom, Thomas Maubant, son meilleur ami. « Depuis 2018, il travaille vraiment avec moi, explique Fabio. Il gère plein de petites choses du quotidien, et quand le boulot est terminé, on décompress­e ensemble. Il est hyper important. Je suis super content de ce petit cocon qu’on a construit tous les trois. » Sans oublier Étienne et Martine, des parents qui ont su trouver leur place en étant

à l’écoute sans se montrer envahissan­ts. En attendant d’intégrer l’équipe offi cielle Yamaha l’année prochaine, Fabio Quartararo aimerait bien, dès cette saison, décrocher sa première victoire en MotoGP. Le Français sait qu’il en aura les moyens puisqu’il disposera du même matériel que Maverick Viñales et Valentino Rossi. Pour gagner, le pilote Yamaha va donc devoir continuer à progresser. « Je ne vais pas dire que je vise aujourd’hui le titre, mais je veux rester sur la lancée de l’an dernier, précise- t- il. Pour cela, il faut que je fasse de bonnes qualifs afi n de fi gurer régulièrem­ent en première ligne, ce qui est très important, mais sans pour autant me focaliser, comme je l’ai trop fait l’an dernier, sur le meilleur chrono de chaque séance d’essais. Le fait de me retrouver devant, en tant que rookie, c’était quand même un peu fou. Voir mon nom devant ceux de Marquez, Rossi, Viñales... Je ne réalisais pas vraiment. C’est pas comme si j’avais passé cinq ans en Moto3, cinq ans en Moto2... Non, là, après quatre ans de GP, me voilà en MotoGP en train de bagarrer avec les meilleurs pilotes au monde. C’était fou, oui. Mais maintenant, je dois changer de registre. Il faut que j’arrête de me focaliser sur le chrono et que je travaille aux essais pour être le plus performant en course. » Tout cela sans perdre ce qui a fait sa force en 2019, à savoir sa spontanéit­é et l’immense plaisir de faire le plus beau métier du monde au sein d’une super équipe. « Pour moi, tout ça est naturel, assure Fabio.

La moto, c’est avant tout une passion. Quand j’arrive sur le circuit et que je retrouve mon team, je suis le plus heureux. Je me sens proche des uns et des autres, on bosse dur ensemble, mais on rigole bien aussi. Quand j’ai rencontré Diego ( Gubellini, son chef mécanicien) en Autriche en 2018, je m’étais dit que ça n’était pas trop mon style. Il ne parlait pas beaucoup, il était très timide, super calme. En fait, il m’a justement appris à rester calme et toujours bien concentré. On s’entend super bien et on a vraiment vécu l’an dernier de super moments. J’espère bien cette année pouvoir continuer à faire de belles choses pour les remercier de tout ce qu’ils m’ont apporté. »

ROSSI, VIÑALES ET MORBIDELLI L’ONT IMITÉ

Pour aller chercher sa première victoire en MotoGP, Fabio Quartararo va devoir battre Dovizioso, Rossi et Viñales, ce qu’il a déjà fait, mais aussi Marquez, l’ogre qui, l’an passé, n’a eu de cesse de lui résister.

« Vue de l’extérieur, c’est une machine qui semble imbattable, analyse le Niçois.

Je suis pourtant convaincu qu’il a comme tout le monde ses faiblesses. Je pense en avoir décelé une, mais je me garderai bien d’en parler... » Cette saison, le pilote Yamaha devrait aussi disposer d’une moto que les ingénieurs japonais ont fait évoluer durant l’hiver afi n de combler leur handicap en vitesse de pointe sur la Honda et la Ducati. L’an dernier, Viñales et Rossi ont souvent dit que Fabio avait réveillé Yamaha en montrant à tout le monde que la M1 n’était fi nalement pas une si mauvaise moto que ça. Comme Lorenzo en son temps, le Français s’est montré très adroit pour exploiter les qualités de sa partie- cycle, notamment en étant le premier à utiliser le frein arrière à commande manuelle pour pouvoir commencer à accélérer, tout en continuant à freiner. À partir de là, les trois autres pilotes Yamaha ont adopté un système qu’ils avaient jusque- là écarté. « À côté de ça, l’an dernier Viñales a été le seul à faire gagner la Yamaha, rappelle Quartararo.

Il était souvent plus fort que moi en fi n de course car capable de garder de la motricité avec un pneu usé. C’est un autre point sur lequel je dois progresser. » Nul doute qu’à 20 ans, le gamin a encore un peu de marge.▪

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 ?? Photos Jean-Aignan Museau. ??
Photos Jean-Aignan Museau.
 ??  ?? 3 Dans le chantier de sa nouvelle maison.
3 Dans le chantier de sa nouvelle maison.
 ??  ?? 1 Souvenir d’un premier podium en MotoGP à Barcelone en juin dernier.
1 Souvenir d’un premier podium en MotoGP à Barcelone en juin dernier.
 ??  ?? 4 Avec Éric Mahé, bien plus qu’un agent.
4 Avec Éric Mahé, bien plus qu’un agent.
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2 Fabio et Tom, un tandem inséparabl­e.
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 ??  ?? 3 À Sepang, après deux mois de trêve, Fabio était plus qu’impatient de découvrir sa nouvelle Yamaha M1 « Factory ».
3 À Sepang, après deux mois de trêve, Fabio était plus qu’impatient de découvrir sa nouvelle Yamaha M1 « Factory ».
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