GP Racing

MÊLÉE OUVERTE

Dans une catégorie remodelée par le retrait de KTM et la seconde saison du motoriste Triumph, la lutte s’annonce acharnée. Qui sera le champion 2020 ? Éléments de réponse.

- Par Thomas Baujard.

« Je pense que c’est assez intéressan­t » , explique l’Irlandais Neil Morrison, commentate­ur officiel de la catégorie Moto2 pour le promoteur des GP Dorna. « Tu as Alex Marquez, qui devait rester défendre son titre, et qui est fi nalement monté en MotoGP au HRC. Ce départ ouvre le champ des possibles, dans la mesure où les deux ilotes qui sortaient du lot en 2019 étaient Marquez et Brad Binder, qui lui aussi est directemen­t devenu pilote d’usine chez KTM. La catégorie perd ses deux pilotes les plus remarquabl­es en termes de performanc­e, tant en constance qu’en vitesse. Mais le fait qu’ils ne soient plus là représente une opportunit­é de taille pour tous les autres. Des pilotes qui étaient débutants Moto2 en 2019, comme Fabio Di Giannanton­io, Enea Bastianini et Jorge Martin, pourraient tous les trois commencer à se retrouver régulièrem­ent sur le podium. Puis tu as ceux qui étaient déjà sur le podium et ont même remporté des courses, tels Baldassarr­i, Navarro, Marini, qui risquent d’être encore un peu plus constants que l’an passé. » L’autre facteur, c’est que les teams ont désormais un an d’expérience à leur actif avec les moteurs Triumph. Steve Sargent, directeur technique de la marque, a expliqué à Valence que le trois- cylindres ne serait guère modifié en 2020. Il n’y aura pas d’introducti­on du Traction Control par exemple. Seules quelques stratégies de contrôle de frein moteur supplément­aires feront leur apparition. Cela correspond à la volonté de la Dorna que les pilotes fassent la différence, pas la technologi­e. Les équipes connaissan­t mieux leur matériel et disposant de davantage de données, les écarts devraient donc se réduire encore, non ? « Absolument. L’an dernier, quelques pilotes ont débuté en fanfare lors des trois premières courses, puis ils ont rencontré pas mal de problèmes ensuite. Des mecs comme Baldassarr­i, Lüthi,

Gardner, Schrotter, Lowes. Cela s’explique par le fait que Dunlop a effectué les trois premières courses avec les pneus 2018.

Dès qu’ils ont introduit leur nouveau profi l à Jerez, Baldassarr­i a disparu des écrans radar, et Marquez a pris le contrôle de la catégorie. En 2020, je ne pense pas que Dunlop ait prévu de changement­s en cours de saison. A priori, ce qu’on va voir au Qatar et en Thaïlande devrait être un indicateur fi able de ce qui va se passer ensuite. » À ce titre, on pourrait également évoquer le cas de Luca Marini, qui n’a réussi à trouver les bons réglages qu’après Aragon. « Oui, c’est vrai. J’ai parlé avec les gens de Dunlop à Valence, et ils m’ont expliqué qu’ils prévoyaien­t un changement signifi catif au niveau du pneu avant pour 2020. Celui de l’an dernier était identique au modèle qu’ils utilisaien­t avec les moteurs de Honda CBR en 2018. Ils essaient maintenant de tester quelque chose qui convient mieux au moteur Triumph, mais ils n’ont pas pu le faire l’automne dernier à Valence et Jerez à cause d’une météo capricieus­e. Ils pourront le faire cette année lors des essais pré- saison à Jerez et au Qatar. Mais cela risque peut- être de perturber les fabricants de cadres qui auront travaillé avec le pneu avant de 2019. »

Le bon côté des choses, c’est que le retrait de KTM aura un impact moins important

sur le résultat du championna­t, dans la mesure où la majorité des top pilotes sont aujourd’hui équipés de Kalex. Cela pourrait tout au plus donner un avantage à trois des quatre pilotes Speed Up, Navarro, Di Giannanton­io et Syahrin. Canet, lui, débute. En matière de progressio­n, le plus impression­nant l’an passé reste Jorge Martin : « Quand on pense à la façon dont il a commencé sa saison : dès ses premiers essais Moto2 en novembre à Jerez, il s’envole à cause du dribble de marteaupiq­ueur de sa KTM. Et se casse l’humérus gauche, un métacarpe et deux orteils au pied droit. Mais déclare, en haussant les épaules, qu’il sera remis un mois plus tard. Et c’est ce qu’il s’est passé. Puis il a régulièrem­ent progressé en restant sur ses roues avec un matériel qui n’était pas au niveau, en apprenant, comme Binder, à piloter en compensant les problèmes. C’est ce qui lui a permis d’être performant à partir du GP de Thaïlande, puis de signer deux podiums au Japon et en Australie.

KTM JETTE L’ÉPONGE

Pour reparler technique, le retrait de KTM est compréhens­ible dans la mesure où ils n’y arrivaient pas. Brad Binder dit qu’il a eu sept cadres à sa dispositio­n l’an passé. Pour autant, c’est vraiment dommage, car la lutte KTM- Kalex qui pimentait ce championna­t a disparu. » Du coup, Kalex équipe 22 des 30 partants. Il ne reste plus que NTS, Speed Up et MV pour fournir une alternativ­e.

« Kalex a remporté les sept derniers titres constructe­ur en Moto2. Pour une catégorie censée favoriser l’expériment­ation technique côté partie- cycle au départ, c’est un peu décevant. D’autant que lorsque le cadre KTM fonctionna­it bien, comme en 2017 et 2018 avec Oliveira ( 3e puis 2e au championna­t), Kalex devait bosser dur pour rester devant. »

En effet, l’ensemble de la stratégie KTM est diffi cile à comprendre : lorsqu’ils ont présenté leur team MotoGP il y a trois ans à Mattighofe­n, les Autrichien­s ont insisté sur la fi lière qu’ils avaient enfi n créée de la Red Bull Rookies Cup jusqu’au MotoGP, afi n de ne plus perdre de pilotes comme Marc Marquez après qu’il a été l’un des leurs en 125 en 2009. Voilà qu’ils quittent désormais le Moto2 et ce, sans avoir anticipé ce qu’allait leur coûter le MotoGP.

QUI POUR SUCCÉDER À MARQUEZ ?

« Pour résoudre leur problème de dribble en Moto2, ils ont eu trois familles de cadres différente­s. La première provoquait un dribble énorme. La seconde, qui était déjà un peu plus performant­e dans ce domaine, souffrait toutefois au niveau du grip arrière. Et la troisième, testée à partir de Brno, s’est révélée de nouveau catastroph­ique sur ce plan. C’est donc à partir de l’Autriche qu’ils se sont rabattu sur cette seconde version en tentant de l’améliorer. Il leur restait d’importants soucis sur la moto, mais Binder était tellement bon qu’il est parvenu à les contourner. »

Le revenant cette année, c’est Hafizh Syahrin, qui redescend en Moto2 après deux saisons discrètes en MotoGP chez Tech3. Peut- il à nouveau briller ? « Pas sûr. Il sera dans le team espagnol Angel Nieto qui utilisera le cadre italien Speed Up pour la première fois. Ce team a connu une saison 2019 diffi cile avec Jake Dixon et Xavi Cardelus. D’un autre côté, le Speed Up est plutôt bien coté. On a vu un débutant Moto2 comme Di Giannanton­io se faire très rapidement à sa machine l’an dernier. Le train arrière, avec son bras oscillant en carbone, est réputé pour offrir une excellente motricité. Syahrin était en progressio­n constante en Moto2 de 2014 à 2016 ( de 19e à 9e en 3 ans, ndlr). Mais les pilotes qui sont redescendu­s du MotoGP au Moto2 ont quasiment tous souffert : Elias, Barbera, Lowes... Lüthi est le seul contre- exemple avec sa troisième place l’an passé. » Quid du cas Remy Gardner ? « Diffi cile à dire. Peut- être qu’il a été plus rapide à se faire au trois- cylindres Triumph au départ, et qu’ensuite, les autres l’ont rattrapé. C’est un pilote qui a pris l’habitude de se battre avec un équipement inférieur, que ce soit chez Mahindra en Moto3, puis chez Tech3 en Moto2, dont la Mistral n’était plus développée à la fi n. » Le fait que son team SAG – pas le plus organisé du paddock – ait fait face à des diffi cultés fi nancières en cours de saison, ne lui a peut- être pas permis d’accomplir son job sereinemen­t. C’est aussi ce qui a provoqué le départ

KALEX A REMPORTÉ LES SEPT DERNIERS TITRES CONSTRUCTE­UR. QUID DE L’EXPÉRIMENT­ATION ?

de son coéquipier Nagashima chez Ajo et l’arrivée de Kasmayudin, qui n’a encore rien montré, mais qui a été engagé uniquement pour faire plaisir à l’un de leurs sponsors malaisiens. « D’autant que cette année, il perd son excellent chef mécano allemand Alfred Willecke, qui rejoint le team Pons. Donc en restant chez SAG en 2020, les choses risquent encore d’être compliquée­s pour Remy. » Et Jake Dixon ? Mérite- t- il sa promotion chez Petronas après une mauvaise

saison ( seulement 7 points marqués) ? « Le championna­t britanniqu­e Superbike, qui se court sur des 1000 4- temps de 200 chevaux aux cadres dérivés de la route et le Moto2, sur des 765 4- temps de 140 chevaux aux cadres protos sont deux exercices différents. Mais je pense qu’on verra Jake progresser cette année. Il n’a disposé que de la première version du cadre KTM l’an dernier. Sur un Kalex et dans un bon team, ça devrait mieux se passer. Il m’a confi rmé que son but était d’être dans les points durant la première moitié de la saison, puis de viser plus haut ensuite. » Et Izdihar, le pilote indonésien ?

« Il a juste remplacé Pratama l’an passé lorsqu’il s’est blessé à la tête. Il a terminé 24e à San Marin, ce qui n’est pas ridicule. De plus, Dorna essaie au maximum d’avoir un représenta­nt de ces régions du monde où le marché du deux- roues motorisé est énorme. De fait, le MotoGP y très populaire. »

Pas facile de savoir qui va succéder à Alex Marquez, en somme... « Non, d’autant que Kalex va aussi proposer pour la première fois un bras oscillant carbone pour contrer l’avantage des Speed Up en sortie de courbe. Les premiers moules ont été réalisés en septembre 2019, et ils devraient être prêts pour les essais de février à Jerez. »

Voilà qui sent la bagarre, exactement comme en MotoGP, MotoE et Moto3 !

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Photos Gold and Goose.
 ??  ?? 1 Schrotter (n° 23), Bastianini (n° 33), deux pilotes qui ont montré une progressio­n intéressan­te en 2019, et qui ont le potentiel de jouer le Top 5 cette année.
1 Schrotter (n° 23), Bastianini (n° 33), deux pilotes qui ont montré une progressio­n intéressan­te en 2019, et qui ont le potentiel de jouer le Top 5 cette année.
 ??  ?? 2 Vite en fin de première année malgré une KTM problémati­que, le champion du monde Moto3 2018 Jorge Martin devrait jouer devant en 2020.
2 Vite en fin de première année malgré une KTM problémati­que, le champion du monde Moto3 2018 Jorge Martin devrait jouer devant en 2020.
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 ??  ?? 2 Après n’avoir été que l’ombre de lui-même lors de ses deux premières saisons Moto2, Navarro s’est retrouvé en 2019. Attention à lui en 2020.
2 Après n’avoir été que l’ombre de lui-même lors de ses deux premières saisons Moto2, Navarro s’est retrouvé en 2019. Attention à lui en 2020.
 ??  ?? 3 Bénéfician­t d’un soutien technique au top et des conseils de son demi-frère Rossi, Luca Marini vise le titre en 2020.
3 Bénéfician­t d’un soutien technique au top et des conseils de son demi-frère Rossi, Luca Marini vise le titre en 2020.

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