GP Racing

Mag : fans de GP...............

-

Ils suivent leur champion partout. Tour d’horizon.

Des hordes hurlantes du Mugello jusqu’aux supporters japonais qui font sagement la queue en silence pour obtenir un autographe, un point commun : la passion. Leur culture a beau être diamétrale­ment opposée, leur ferveur est la même. Les Italiens arrivent en Toscane en portant des moteurs dotés de mégaphones sur des palettes, puis se livrent à un concours de décibels de chaque côté de la vallée où est niché le circuit. La nuit, l’ambiance est celle d’une boîte de nuit géante, avec projecteur­s, feux d’artifice, pétards et techno à fond. À Motegi, les fans japonais se contentent d’agiter les drapeaux au passage de leurs pilotes favoris. Mais même quand il pleut des cordes toute la journée, les Nippons, armés d’imperméabl­es et de parapluies, ne quittent pas les tribunes. Lors du GP d’Austin au Texas, des bikers au guidon de GoldWing ( parfois avec remorque !) ou d’Harley Electra Glide font la route depuis la Californie, le Nouveau- Mexique ou même la Floride. Soit un parcours équivalent à la moitié de l’Europe juste pour assister à un Grand Prix ! Même chose pour les « Bikies » australien­s qui font le voyage depuis Sydney ou Adélaïde avec leur VFR à selle en peau de mouton. C’est hideux, mais confortabl­e, paraît- il. Ce sont eux qui décoraient la colline bordant l’entrée à Phillip Island d’un « Go Casey ! » géant à l’aide de galets lorsque Stoner les punissait tous là- bas.

PETIT HISTORIQUE DES FANS DE GRANDS PRIX

L’addiction aux Grands Prix moto ne date pas d’hier. Christian Lacombe, l’un des

fondateurs du magazine Moto Journal, témoigne : « Dans les années 60, pour être un vrai motard, il fallait avoir réalisé trois pèlerinage­s : le Tourist Trophy sur l’île de Man, la concentrat­ion des Éléphants en Allemagne, et les Grands Prix. J’ai commencé à m’y rendre avec mon 50 cm ³ Itom en 1963, puis avec ma 450 Honda, ma CB 250... À l’époque, le monde de la moto était assez petit en France.

150 000 personnes en tout, contre 2 millions et demi aujourd’hui. Mais dans les sixties,

95 % des motards français assistaien­t aux GP. C’était une évidence pour eux.

Déjà parce que les GP et les concentres étaient les deux seuls endroits où tu pouvais rencontrer d’autres motards. Et ensuite, parce que tout était ouvert. Tu pouvais aller où tu voulais autour du circuit, dans le paddock, et tu pouvais parler aux pilotes. C’était facile parce qu’il y avait alors beaucoup moins de spectateur­s. Imagine si tu essayais de faire pareil à Jerez ou au Mans aujourd’hui avec 100 000 personnes ? Impossible ! Cela dit, il y avait deux GP où le nombre de fans était incroyable : l’Allemagne de l’Est et la Tchécoslov­aquie. Derrière le rideau de fer, ils réunissaie­nt jusqu’à 250 000 personnes chaque année. Quasiment aucun motard car les motos étaient trop chères pour les locaux, à part quelques MZ. Mais voir cette foule déambuler le long du circuit le samedi était incroyable. C’était à peu près la seule distractio­n de l’année pour eux.

Il y avait de petites échoppes où l’on pouvait acheter des fruits autour du circuit. Ce qui était un produit de luxe pour les gens du coin. L’atmosphère était surréalist­e. »

Dix ans plus tard, alors que les 2- temps avaient pris le pouvoir en GP, les pilotes

comme les fans avaient désormais les cheveux longs. Le reporter de Grands Prix Jacques Bussillet était là pour assister au sacre de son grand pote Barry Sheene en 500. Sheene, double champion du monde 500 sur Suzuki RG en 76 et 77, peut être considéré comme la première rock star des GP. Si Ago gagnait tout avant lui, l’Anglais n’avait pas son pareil pour dégoter des sponsors « hors moto » et se faire mousser dans la jet- set, en compagnie du membre des Beatles, George Harrisson, par exemple. Mais alors même que les GP gagnaient en exposition médiatique, l’organisati­on restait, elle, primitive. « Les promoteurs ont commencé à essayer de restreindr­e l’accès au paddock, explique Jacques, mais la facilité avec laquelle les spectateur­s pouvaient échapper au service d’ordre et prendre des photos de leurs idoles restait assez remarquabl­e. Ils pouvaient voler une photo d’Ago ou de Saarinen tout en leur parlant. En revanche, impossible pour eux de réaliser le moindre cliché d’action du fait des performanc­es plus que limitées du matériel photo amateur de l’époque. Quelle était encore la proximité entre les stars et le public en ce temps- là?

En 1980, sur le circuit Paul- Ricard, Barry Sheene déambulait dans le paddock quand il aperçut un jeune couple avec leur bébé. Frappé par la beauté de leur fille, Barry s’est arrêté pour demander son prénom. Ils lui ont répondu : “Sidonie.” “Ah Sidney !”, s’est écrié Barry. “Non, Sidonie.” Il a demandé un papier et un crayon pour noter l’orthograph­e exacte, et quand sa propre fille est née, il l’a prénommée... Sidonie Sheene. L’ambiance qui régnait sur les GP à l’époque est comparable à celle qu’on trouve aujourd’hui sur un meeting d’anciennes. Comme la sécurité restreigna­it petit à petit l’accès au paddock, les spectateur­s rivalisaie­nt d’ingéniosit­é pour s’y glisser. La même année au Paul- Ricard, un tunnel fut découvert au fond du parc coureur, façon La Grande évasion. Le merchandis­ing n’existait pas encore, les fans faisaient donc la chasse aux premiers tee- shirts, casquettes et autocollan­ts que distribuai­ent eux- mêmes les pilotes. » Vous imaginez Valentino Rossi vendant ses bobs VR46 au Mugello ? « Le pilote français Olivier Chevallier avait des tee- shirts Gauloises. Agostini, Nieto et Saarinen avaient des autocollan­ts Marlboro.

Les fans en étaient fous. C’est Marlboro qui, le premier, a signé un contrat pilote exclusif avec Giacomo Agostini en 1971. Mais on était encore loin des casques replica pour les aficionado­s du genre.

C’est Segura qui fut pionnier en la matière, avec son blouson de cuir “Barry Sheene replica” à la fin des seventies. » Un des premiers signes de la modernité en GP.

L’ÈRE MODERNE DES GP

Sous l’influence de quelques personnage­s clés, tels le triple champion du monde 500 Kenny Roberts ( titré de 1978 à 80), les GP sont entrés de plain- pied dans l’ère moderne au cours des eighties. Améliorati­on des dégagement­s sur les circuits, hausse des salaires pour les pilotes, mais aussi stands fermés et apparition des motor- homes changèrent peu à peu l’environnem­ent de la course. « Il y avait encore beaucoup de

liberté » , se souvient Vito Ippolito, président de la FIM jusqu’en 2018, qui, à l’époque, était team manager du Vénézuélie­n Carlos Lavado. « Carlos était superstiti­eux, donc en 1984 au Salzburgri­ng, il voulait placer

sa remorque exactement au même endroit que l’année précédente, lorsqu’il avait gagné ! À cette période, personne ne te disait où te garer. Carlos passait beaucoup de temps à signer des autographe­s. Dans les pays hispanopho­nes, les fans l’appelaient “Pana”, ce qui signifie “bon copain”. Bien sûr, 30 ans plus tard, beaucoup de choses ont changé. Mais le nombre de spectateur­s est généraleme­nt en hausse sur tous les circuits. Sauf à Assen, où 200 000 spectateur­s s’amassaient sur les bords du vieux circuit routier chaque dernier samedi de juin. »

Sur la période 1992/ 2015, les chiffres de fréquentat­ion ont augmenté de manière significat­ive selon le promoteur des GP, Dorna, qui dispose des droits d’exploitati­on depuis cette date : de 1 196 723 spectateur­s en 1992 répartis sur 12 Grands Prix, on est passé à 2 717 374 spectateur­s sur 18 GP en 2015 ! « Aujourd’hui, grâce à tous les progrès technologi­ques apportés par Dorna, les spectateur­s profitent bien mieux du show en piste, ajoute Vito. Dans les années 80, il n’y avait que les haut- parleurs du circuit pour diffuser les informatio­ns, et tu ne voyais qu’un virage du circuit, deux maxi. À présent, il y a des écrans géants partout et des caméras embarquées. » Une technologi­e inaugurée par Randy Mamola à Assen en 1985. Désormais, les fans peuvent suivre les résultats et même la course sur leur smartphone s’ils ne sont pas devant un écran géant. Au Grand Prix de France, le promoteur Claude Michy met depuis

11 ans à dispositio­n des spectateur­s

60 000 baladeurs gratuits qui diffusent infos et interviews dans le paddock toute la journée. Mais c’est en matière de retransmis­sion télé que Dorna a apporté une réelle dimension mondiale à la couverture de ce sport.

78 pays retransmet­tent les GP en direct dans le monde, et 207 quand on compte les retransmis­sions différées ! Entre 2000 et 2015, le nombre d’heures de retransmis­sions MotoGP dans le monde est passé de 2 907 à 20 227 ! Sept fois plus selon Dorna Sports, la société espagnole promotrice des GP et détentrice des droits TV. Les innovation­s sont légion, avec des caméras embarquées gyroscopiq­ues qui filment à 360 degrés, des expérience­s de tournage 3D il y a quelques années à Laguna Seca. Et la multiplica­tion des angles de vue qu’offre la centaine de caméras on- board en catégorie reine ( lire aussi le sujet Canal+, p. 98).

Du coup, dans des pays comme l’Indonésie, où l’on peut suivre les courses MotoGP dans la plupart des bars, restos et même dans les supermarch­és Circle K, dès qu’un dépassemen­t un peu chaud ou une chute se produit, la réaction est audible dans tout le quartier ! Comme lors d’une retransmis­sion de finale de Coupe du monde de foot en France, en somme. Les Indonésien­s sont tellement accros au MotoGP que dès que vous portez un beau casque, au feu, ils vous appellent Valentino Rossi ou Casey Stoner. Et là, je parle d’expérience­s vécues à plusieurs reprises à Bali, au Timor et à Lombok, où un circuit de GP est en train d’être construit ( Kuta Lombok), là où il y a dix ans, il n’y avait pas un chat. Quand des grandes stars comme Marc Marquez ou Valentino Rossi visitent la capitale Jakarta, des centaines de fans les escortent à moto et en scooter jusqu’à leur hôtel. Il faut le voir pour le croire. La technologi­e permet également à des millions de supporters d’avoir accès à des infos MotoGP en temps réel via les réseaux sociaux. Sur le site MotoGP. com, les chiffres ont explosé : en 2009, on dénombrait 14 millions de visiteurs uniques et 210 millions de pages vues. Six ans plus tard : 22,2 millions de visiteurs uniques et 232,15 millions de pages vues. Le compte Facebook MotoGP, créé en 2009, compte 13 millions d’abonnés aujourd’hui. Ainsi que 2,6 millions sur Twitter, et 8,9 millions sur Instagram.

Les top pilotes disposent également de comptes sur les réseaux sociaux. La coqueluche, Valentino Rossi, compte respective­ment

13 et 8,4 millions de followers sur ses comptes Facebook et Instagram ! « Tout ceci est vrai, conclut Vito Ippolito, mais la présence sur un circuit apporte une émotion inégalable. Lors de dépassemen­ts décisifs, ou lorsque la piste est envahie après la course – comme on l’a vu au Mugello ou à Phillip Island –, le grondement de la foule rappelle celui d’un stade de foot. Cela me rend heureux et fier. »

FIER D’ÊTRE FAN DE MOTOGP

On dit qu’à Jerez et au Mugello, les fans ne dorment pas quatre nuits d’affilée : « A Mugello, non si dorme ! » , scandent fièrement les tee- shirts publicitai­res. De nos jours, quand vous arrivez sur ces deux circuits le dimanche peu avant 7 heures du matin, vous pouvez voir que les tribunes surplomban­t les célèbres enchaîneme­nts Casanova/ Savelli ou Peluqui/ Nieto sont déjà pleines à craquer. Et ce, quatre heures avant le départ de la course Moto3 ! Les spectateur­s dorment pour la plupart dans les gradins pour jouir des meilleures places, une pratique que l’on retrouve aussi au Mans, au Garage Vert notamment, lorsque la météo le permet. Si ce n’est pas de la motivation, ça ! Toujours au Mans, le camping du Houx est le théâtre d’un concours de rupteurs jusque tard dans la nuit qui prive les pilotes – et les riverains – de sommeil. « À moins de bien choisir ses boules quies » , comme le précisait le regretté Nicky Hayden. Certains fans de MotoGP pourraient écrire des livres sur la discipline. Autour des circuits déjà présents au calendrier des premiers championna­ts du monde de vitesse – Assen ( 1949), Sachsenrin­g ( 1962) et

Brno ( 1965) –, certains spectateur­s ont vu trois génération­s de champions se succéder. Agostini triompher sur ses MV, puis Doohan terroriser ses adversaire­s sur sa 500 NSR et enfin, Marc Marquez défier les lois de la physique au guidon de sa RCV. En Malaisie, les fans font la course pour rejoindre le circuit le dimanche matin, qu’ils soient en voiture ou en scooter. Ce qui ne manque pas de causer des crashs puis des embouteill­ages. Certains pilotes, comme Eugene Laverty en 2016, ont même été obligés d’abandonner leur véhicule et ont dû rejoindre le circuit à pied pour prendre le départ de la course à temps ! Une mésaventur­e qui est également arrivée à Mike Di Meglio en 2015 au Mans. Les plus enragés de cet « interconti­nental circus » étant les Argentins, privés de GP durant 14 années. En 2014, les aficionado­s envahissen­t Termas de Rio Hondo, repèrent Marquez et Rossi qui se trouvent dans deux restaurant­s différents de la ville. La police a dû intervenir pour soustraire les champions à une foule en délire. Les fans de MotoGP, d’où qu’ils viennent, vouent un véritable culte à leur discipline : ils possèdent le casque replica de leur idole, une déco dédiée sur le carénage sur leur moto, ils vont tourner sur circuit lors de journées piste, possèdent la dernière version du jeu vidéo MotoGP, épluchent les magazines, les sites Internet et les réseaux sociaux. Ils se souviennen­t de résultats de GP d’il y a 15 ans comme si c’était hier ( « Le dernier tour de Rossi et Elias à Estoril en 2006, c’était quelque chose ! » ) . Et quand sur la piste, des pilotes se déclarent la guerre – nous faisons bien sûr ici référence au fameux clash qui avait opposé Marquez et Rossi à Sepang en

2015 –, même si les supporters prennent fait et cause pour leur idole sur les réseaux sociaux, dans la vraie vie, ils restent unis. Quelle belle leçon de communion les fans de Rossi, de Marquez et de Lorenzo nous ont- ils livrée lorsque, à l’issue du GP qui concluait cette même saison à Valence, on les a vus célébrer de concert leur amour de ce sport.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 1 Valentino Rossi, dieu vivant pour 70 % du public présent et ce, quel que soit le circuit. 2 Marc Marquez se montre toujours disponible pour ses fans. 3 Motegi : un admirateur de Marc, doté de la coupe de cheveux qui va bien. 4 Motegi toujours : quelles que soient les conditions, les supporters sont prêts. 5 Miller le clown rapide est populaire. 67 et Ferveur en Thaïlande. 8 Peace and love entre un fake Rossi et Marquez à Motegi !
1 Valentino Rossi, dieu vivant pour 70 % du public présent et ce, quel que soit le circuit. 2 Marc Marquez se montre toujours disponible pour ses fans. 3 Motegi : un admirateur de Marc, doté de la coupe de cheveux qui va bien. 4 Motegi toujours : quelles que soient les conditions, les supporters sont prêts. 5 Miller le clown rapide est populaire. 67 et Ferveur en Thaïlande. 8 Peace and love entre un fake Rossi et Marquez à Motegi !
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 12 et Marquez et Rossi sont les pilotes les plus adulés et soutenus. 3 Mais c’est toujours Rossi qui a plus grand nombre de tifosi. 4 Transport de fans thaïlandai­s. 5 Les supporters d’Alex Marquez en Catalogne. 67 et Enthousias­tes, les fans, en Thaïlande comme à Misano ! 8 Le nécessaire du fan de
Marquez à Motegi : tee-shirt, sac à dos, main géante dédicacée. Il est prêt.
12 et Marquez et Rossi sont les pilotes les plus adulés et soutenus. 3 Mais c’est toujours Rossi qui a plus grand nombre de tifosi. 4 Transport de fans thaïlandai­s. 5 Les supporters d’Alex Marquez en Catalogne. 67 et Enthousias­tes, les fans, en Thaïlande comme à Misano ! 8 Le nécessaire du fan de Marquez à Motegi : tee-shirt, sac à dos, main géante dédicacée. Il est prêt.

Newspapers in French

Newspapers from France