Une histoire d’Anglais !........
Le WSBK et le BSBK font le plein chez les Brits.
Avec Fogarty, Hodgson, Toseland, Sykes et maintenant Rea, le Royaume-Uni enchaîne les succès depuis la création du championnat du monde Superbike. Comment expliquer ces résultats ? Une histoire de culture ? La puissance du BSB ? GP Racing, une petite cup of tea entre les mains, a mené l’enquête.
Hockenheim, 1999. Cette fin de matinée de septembre est baignée d’une douce lumière qui s’immisce entre les arbres et éclaire quelques bouts de piste. Elle se reflète aussi sur la visière mi- fumée de Carl Fogarty, permettant ainsi d’apercevoir, de manière fugace, notamment sur les freinages, le regard perçant du Britannique qui a la possibilité, à l’occasion de cette première manche, de s’emparer de son 4e titre de champion du monde. Foggy est au sommet de son art. Il danse avec sa machine. Il la contrôle parfaitement, à l’image de cette petite dérobade de son pneu arrière, tout en maîtrise, à la sortie du dernier virage, dans les premiers kilomètres. Il excelle dans le corps à corps aussi. Ses dépassements sont tranchants, vifs. Troy Corser, Pierfrancesco Chili, Akira Yanagawa, Noriyuki Haga, Aaron Slight ou encore Colin Edwards sont pourtant là pour l’embêter. Ils parviennent à le mettre en échec, parfois. Ils échouent, souvent. Gregory Haines, la voix du championnat du monde Superbike sur Eurosport Grande- Bretagne, se souvient : « Contrairement aux Grands Prix où Mick Doohan dominait de la tête et des épaules, le Superbike offrait, à ce moment- là, des courses formidables avec des bagarres de dingues. » Fogarty en est alors le maître d’orchestre. Si, bien sûr, il n’est pas en mesure, à chaque fois, d’imprimer le tempo en tête, c’est en effet, lui, à la fin, sur la durée du championnat, qui arrive le mieux à gérer la cadence. Ce jour- là, à Hockenheim, après une fin de course particulièrement confuse où il monte finalement sur la plus haute marche du podium au détriment de Slight après les chutes, dans le dernier tour, de Jerman et de Goddard, Fogarty met définitivement le grappin sur un nouveau titre. Ce sera le dernier. Il est au firmament. Avec lui, le Royaume- Uni brille. Ses compatriotes se déplacent sur bon nombre de circuits, tout au long de la saison. Les drapeaux à la gloire de l’Union Jack fleurissent ainsi un peu partout.
ADN SUPERBIKE
L’intérêt des Britanniques pour le Superbike, cependant, n’est pas dû qu’aux succès de Fogarty. Outre- Manche, la discipline compte en effet un grand nombre d’adeptes. À chaque course du Mondial, à Donington Park et avant, à Brands Hatch, les tribunes ne restent pas vides bien longtemps. Le public anglais est passionné et connaisseur. Pour le démontrer, Haines s’appuie sur son expérience personnelle. Il dit : « J’ai grandi en Espagne, au moment où Alonso remportait ses deux titres de champion du monde en F1. Tout le monde regardait les courses à travers les performances d’Alonso. Pour le Superbike, au Royaume- Uni, nous suivons nos pilotes, bien entendu, mais il y a surtout un intérêt
pour la discipline dans sa globalité. » Alors tout juste majeur, Loris Baz s’est rapidement rendu compte de cet engouement. Après deux saisons en Superstock 1000, le Haut- Savoyard
est en effet parti tenter sa chance au sein du championnat national, le fameux BSB, en 2011. Il se souvient encore précisément d’une dame, qui devait avoir entre 70 et 75 ans, qu’il avait croisée à Croft, au nord de Leeds, dans le Yorkshire du Nord. « J’avais fait, la veille, une demi- journée d’essais à Mallory Park, un tout petit circuit, raconte Loris. Et là, quand j’arrive à Croft, je croise cette dame, que tout le monde connaît dans le paddock, qui a des classeurs entiers de photos où elle a déjà les clichés de mes essais à Mallory mais aussi des images d’Adrien Morillas, mon coach. C’est un public vraiment très agréable. »
La popularité de la discipline se ressent aussi dans la formation des pilotes. Alors que dans les pays latins, comme en Espagne ou en Italie, la culture est plutôt basée sur les Grands Prix, avec des championnats comme le Pré- Moto3 ou le Pré- Moto4, le Royaume- Uni, lui, a axé ses compétitions sur des machines issues de la série même si ces dernières années, il existe également un championnat Moto3, en lien étroit avec Dorna. Résident britannique depuis plusieurs années, Sylvain Guintoli, champion du monde SBK en
2014, ne dit pas le contraire. Vainqueur d’une course en British Superbike, à Assen, en 2017, le Drômois explique : « C’est une histoire de culture de formation et c’est cette école qui détermine, en partie, le pilote que tu vas être. En vélo, par exemple, un mec qui ne fait que du sprint, même s’il est très doué, ne va pas devenir grimpeur. »
DES INVITÉS QUI CHAMBOULENT !
Cette saison, la totalité des Britanniques évoluant en Mondial Superbike, à l’exception de Chaz Davies, viennent ainsi du BSB. Plusieurs l’ont même remporté, à l’image de Leon Camier, ou encore d’Alex Lowes. Pendant de nombreuses années, les manches anglaises du championnat du monde ont d’ailleurs permis à un ou plusieurs pilotes de la série nationale de venir titiller les habituels hommes forts de la discipline. L’exemple le plus flagrant – et sans doute le plus marquant – remonte à la deuxième manche de Donington, en 2000. Alors que Fogarty est absent en raison d’une blessure à l’épaule – suite à sa chute à Phillip Island qui entraînera d’ailleurs la fin de sa carrière –, les nombreux supporters présents ce week- end- là sous le soleil des Midlands scrutent avec attention deux de leurs compatriotes qui se battent habituellement pour la victoire en BSB : Neil Hodgson et Chris Walker. En première manche, ils ont déjà fait parler d’eux, notamment Hodgson, qui a réussi à terminer à la troisième place. Quarante- cinq minutes plus tard, à l’arrivée, les deux garçons sont obligés de rouler dans l’herbe pour regagner la voie des stands, la piste étant quasiment noire de monde. Témoignage de la folie ambiante, James Haydon, un autre pilote invité, rejoindra son box avec un spectateur, en short et avec un chapeau de joker sur la tête, derrière lui.
Pendant vingt- cinq boucles, le bruit des klaxons, à chaque passage, n’aura jamais cessé. La plupart des personnes présentes derrière les grillages, dont les cris auront parfois étouffé le bruit des moteurs, ont d’ailleurs sans doute dû être totalement aphones en reprenant le travail, le lendemain. En bagarre toute la course pour la deuxième place après la chute d’Edwards dans les premiers kilomètres, Hodgson et Walker ont en effet réalisé un festival en parvenant à passer, dans le dernier tour, Chili, en difficulté, pour monter sur les deux premières marches du podium d’une manche qui reste encore dans l’histoire. « Je me souviens très bien de ces courses avec ces pilotes invités, confie Baz. Ils parvenaient tout de suite à se mettre en évidence, donc les équipes misaient sur eux car prendre un pilote du BSB, c’était la garantie d’avoir des résultats. »
UNE SÉRIE NATIONALE SURPUISSANTE
Ces invitations ne sont plus vraiment d’actualité aujourd’hui. Car si une machine évoluant en championnat britannique est pratiquement identique à celle du Mondial au niveau du moteur et du cadre, la partie électronique est différente puisque, depuis plusieurs années déjà, ces assistances sont interdites en Angleterre. Néanmoins, le BSB constitue toujours une valeur repère. Beaucoup n’hésitent d’ailleurs pas à le qualifier de second championnat du monde tant le niveau y est élevé et les équipes compétentes. « Je ne pense pas qu’il y ait d’autres championnats nationaux aussi bons que le BSB, avance Florian Marino, qui a roulé là- bas sur une Aprilia, en 2012, juste après sa saison en Mondial Supersport. Ils ont également les mêmes pneus qu’en championnat du monde. Tout ça les prépare de la meilleure des manières pour le Mondial. Les usines sont quand même en contact direct avec les équipes en BSB. Par exemple, le team McAMS Yamaha bénéficie de R1 Factory et ils vont à Lesmo, à l’usine, en Italie, pour monter leurs machines ! » Patron de l’équipe Dynavolt Honda en championnat du monde, Simon Buckmaster, qui a notamment accueilli Jules Cluzel pour ses débuts en Supersport mais aussi Eugene Laverty ou encore Sam Lowes, pointe également le rôle du promoteur dans la réussite de la série. « MSVR fait du bon boulot, dit- il. Il y a énormément de monde sur les circuits, le spectacle est au rendez- vous, que ce soit en Superbike, en Supersport, en Superstock ou en side- car. Il y a aussi pas mal d’heures de direct avec les retransmissions d’Eurosport GrandeBretagne. » Depuis Fogarty, les représentants de Sa Majesté ont enlevé, au fil des ans, plusieurs autres titres de champion du monde : Hodgson en 2003, Toseland en 2004 et 2007, Sykes en 2013 et maintenant Rea, invaincu depuis 2015.
Le God Save the Queen est définitivement une musique à la mode en Superbike...