Le simulateur de pilotage CKU....
Avec quoi s’entraîner au pilotage moto quand il fait moins cinq degrés dehors ou quand vous vous remettez d’une blessure ? Un simulateur de pilotage, bien sûr !
Une nouvelle technique d’entraînement. Explications.
David Veillon est le boss de la société DVS Motorsport & Coaching, qui distribue en France les simulateurs de pilotage catalans CKU. Ancien pilote amateur et passionné de 2- temps, il s’est intéressé à la simulation après un grave accident de moto sur route, dont il est heureusement sorti indemne. Il nous présente aujourd’hui son matériel.
Qui a créé ce simulateur ?
Ce simulateur a été pensé par le premier champion du monde 500 espagnol, Alex Crivillé, et deux de ses amis : un ancien mécano à lui qui est aujourd’hui mécano de Maverick Viñales, Javier Ullate, et Kini Muntadada, qui s’est depuis reconverti dans le rallye auto, et possède une unité de fabrication en micro- mécanique. C’est lui qui a réalisé la version Beta et qui conçoit les simulateurs. C’est aussi lui qui fabrique les caméras gyroscopiques du MotoGP. DVS Motorsport & Coaching participe au développement de la machine.
On a travaillé entre autres sur la potence qui permet de tenir la machine complète avec les roues.
Le système est-il équipé de vérins ?
Sur l’accélération et le freinage, oui, un vérin au couple très important. Le reste du système est opéré par une unité hydroélectrique qui permet d’incliner la grosse potence qui tient le système à gauche et à droite, comme une moto qui prend de l’angle, jusqu’à 60 degrés, soit les valeurs atteintes en MotoGP ( de plus, tous les paramètres sont réglables : vélocité d’inclinaison, de frein, d’accélération ainsi que la puissance, l’assiette, les demi- guidons, les commandes reculées, etc., ndlr).
Existe-t-il d’autres simulateurs de ce type sur le marché ?
Non, c’est le seul qui permet de peaufiner son pilotage et de parfaire sa condition physique. Cette machine n’est pas là pour apprendre à piloter. Elle aide à peaufiner votre pilotage, votre posture, votre résistance, ainsi que la vitesse d’exécution et d’anticipation du regard.
En F1, les pilotes s’entraînent beaucoup sur simulateur. Mais en moto, c’est nouveau, non ?
Oui, les pilotes MotoGP s’y intéressent. Marc Marquez l’a déjà utilisé, même si on ne sait pas s’il y a eu recours pour rééduquer son humérus cassé. Joan Mir l’a essayé à l’Eicma ( Salon de Milan) l’année dernière et s’est régalé, tout comme Max Biaggi.
Le motard moyen peut-il y avoir accès ?
Jean- Sébastien Volpé, de Sasie Center, en région parisienne, dispose d’une machine avec roues programmée en « mode dégradé » ( c’est- à- dire plus accessible au commun des mortels) pour ses clients. Nous avons deux machines itinérantes pour les entraînements et événements qui ont lieu en France.
Nous en avons également deux autres au circuit de Barcelone, programmées en mode dégradé pour des séminaires, et qui servent aussi pour les entraînements. Mais là, on programme les vérins et on limite l’angle ( à 38°) pour éviter que les personnes ne se blessent à cause de la vélocité très importante. Puis, en modifiant les paramètres pour obtenir plus de réactivité, on revient à de l’entraînement pour les pilotes. Et de l’entraînement post- rééducation lorsqu’ils reviennent de blessure.
Qu’est-ce qu’on risque ?
Pas de high- side, mais des personnes ont déjà été désarçonnées, donc il faut déjà savoir ce qu’on fait, et avoir un minimum de condition physique.
La machine est-elle couplée au jeu vidéo MotoGP 20 ?
Non, pas du tout. Quand vous jouez à la console, le jeu fait exactement ce que vous voulez. Vous faites une bêtise, le jeu va appliquer la bêtise que vous venez de faire. Là, c’est l’inverse : on part d’une trame parfaite. Chaque pilote vient avec l’enregistrement caméra embarquée de son meilleur tour sur un circuit. On rentre ces données dans la machine, et le pilote va suivre ce qu’il voit. Il va revivre son roulage et va essayer de s’en approcher au maximum. Nous travaillons avec les onboard
CETTE MACHINE N’EST PAS LÀ POUR APPRENDRE À PILOTER. ELLE AIDE À PEAUFINER LA POSTURE, LA RÉSISTANCE...
MotoGP de tous les circuits, ainsi que ceux des autres circuits.
Qui sont les pilotes qui y ont recours ?
Jules Cluzel l’a utilisé sur le simulateur présent à la clinique d’Andorre pour sa rééducation suite à sa fracture tibia péroné ( cf. encadré). Ça lui a permis de tester la résistance de sa jambe et surtout, sa mobilité sur la machine. On projette aussi d’organiser un test avec les pilotes du team endurance du GMT 94 pour qu’ils préparent leur prochaine saison si le simulateur leur plaît, et faire un test training avec les pilotes du SERT et mon ami Damien Saulnier. En MotoGP, c’est le simulateur d’entraînement officiel. Outre les deux exemplaires présents à Montmelo, il y en a un au ranch VR46 de Valentino Rossi. Les jeunes du VR46 Master Camp se sont entraînés dessus en 2019, quand Franco Morbidelli les encadrait.
C’est une machine qui a été spécialement conçue pour Valentino, avec un carénage à finition anthracite, des disques carbone qui ne servent à rien mais qui sont très jolis (!), et même un silencieux Akrapovik !
Quels sont les bénéfices à l’entraînement ?
Ça permet de faire travailler l’isométrie musculaire. La résistance du muscle, sa puissance, sa vitesse, mais sans prendre de volume. On travaille sur la souplesse et l’allongement musculaire.
C’est quelque chose qui m’a frappé quand on voit Valentino Rossi, Aleix Espargaro ou Marc Marquez en short... Ils ont des mollets de coq, et pourtant, ils sont très forts !
Ça dépend aussi de la morphologie du pilote. En vitesse, les athlètes sont en général assez secs, à part Jack Miller qui est plutôt trapu et Bagnaia qui a de sacrés quadriceps. Alors que les pilotes d’endurance ont, la plupart du temps, un galbe musculaire plus important, comme les frères Foray par exemple.
Travaille-t-on aussi le cardio avec ce simulateur ?
Oui, bien sûr. Les pilotes font des pointes à plus de 180 pulsations/ minutes, mais on essaie de les réguler à un rythme avoisinant 140, en faisant des exercices qui diminuent considérablement les apnées de virage. Le plus fort à ce niveau est Maverick Viñales.
Oui, on le voit quand il est équipé d’un cardiofréquencemètre en Grands Prix.
Mais Viñales n’est pas normal, Jack Miller dit de lui qu’il a un métabolisme de serpent !
En effet. Les pilotes peuvent bosser sur leurs apnées en virage, ce qui leur permet d’améliorer leur endurance et leur position sur la moto. Pour le travail du regard, c’est encore assez basique, puisque le pilote n’a qu’à suivre l’écran des yeux. Mais on travaille pour optimiser ce poste et le rendre réel, à l’aide de capteurs dans l’écran et d’autres artifices. Cela permet de suivre son regard et de savoir si ce dernier est le chef d’orchestre du mouvement, ou si c’est la mémorisation du tracé qui le guide. Julia Ines, à Barcelone, où le simulateur est conçu, est spécialiste en bio- mécanique. Elle modélise les pilotes en 3D, et utilise entre autres des sondes à oxygène pour comprendre comment travaille le muscle et la façon dont il se régénère.
Il y a d’autres applications ?
Oui ! On a adapté la machine aux pilotes handicapés dit PMR ( pilotes à mobilité réduite). Je travaille pour ça avec Kevin
Simonato : on utilise des cale- pieds de
VTT comme sur leur moto pour fixer leurs bottes aux repose- pieds, on sangle les cuisses entre elles pour le maintien, et ils peuvent s’entraîner dans des conditions optimales. Nous collaborons aussi avec Lucie Boudesseul ( jeune pilote FSBK en SSP 300) et Charly Bichot ( pilote European Bike). Nous avons de belles perspectives pour 2021 avec d’autres pilotes qui devraient rejoindre notre aventure.