GP Racing

Les rookies du MotoGP

Ils sont trois, ils sont jeunes, et mettent du gros gaz. Enea Bastianini, Luca Marini et Jorge Martin sont les nouveaux venus en catégorie reine. Hervé Poncharal, boss de Tech3, analyse leur potentiel.

- Par Thomas Baujard. Photos Gold and Goose.

Le bal des débutants sur un air d’Italie

Une chose est claire : les rookies qui arrivent en MotoGP viennent quasiment tous du Moto2, explique Hervé Poncharal, joint par téléphone dans son Q. G. de Bormes- lesMimosas, alors qu’il y a quelques années, certains d’entre eux provenaien­t du Superbike ou du Supersport ( comme Cal Crutchlow ou Anthony West, ndlr).

Ce n’est pas seulement dû au remplaceme­nt de la motorisati­on Honda par Triumph. Même si ça rapproche le Moto2 du MotoGP. Le fait est que le Moto2 est une bonne école. Chez nous, les rookies ( débutants en MotoGP,

ndlr) Folger et Zarco l’ont prouvé dès leurs premiers essais sur les M1 en 2017, en étant dans les temps des officiels Yamaha en une journée. On l’a aussi vu avec Marc Marquez, même s’il fait figure d’extraterre­stre, et avec la plupart des autres débutants : ils se sont vite adaptés au MotoGP. Quand tu regardes la grille aujourd’hui : Quartararo, Oliveira, Binder, Marquez, Nakagami,

Mir, Rins : ils viennent tous du Moto2.

MATÉRIEL D’USINE

Beaucoup de pilotes affirment d’ailleurs que la transition Moto3/ Moto2 est bien plus compliquée à gérer que celle du Moto2 au MotoGP. Année après année, on voit que les rookies sont très vite performant­s : Binder a gagné un GP au bout de trois courses l’an dernier ! Miguel était quasiment débutant en 2020 – car il a fait sa première partie de saison 2019 sur une machine peu performant­e, puis il a été blessé à partir de la mi- saison –, ce qui ne l’a pas empêché de gagner deux GP cette année. Je pense donc que Marini, Bastianini et Martin seront très rapidement compétitif­s. En plus, l’électroniq­ue MotoGP est ultrasophi­stiquée. Quand les pilotes passaient de la 250 à la 500 ( catégorie reine jusqu’en 2000, ndlr), il y avait beaucoup plus de

high- sides ( décrochage/ raccrochag­e brutal de l’arrière qui éjecte le pilote, ndlr). C’est ce qui est arrivé à Olivier Jacque en Malaisie.

« MIR, RINS, OLIVEIRA, BINDER, MARQUEZ, NAKAGAMI, QUARTARARO : ILS VIENNENT TOUS DU MOTO2 »

HERVÉ PONCHARAL

Il était tombé sur la tête, s’était tassé les vertèbres et fait une fracture compliquée au poignet. Il a mis un bout de temps avant de redevenir fringant ! Quand tu fais deux ou trois high- sides – ce qui arrivait à tous les débutants en 500 à l’époque –, tu mettais un moment à te sentir à nouveau à l’aise et être performant. Alors qu’à présent, les MotoGP sont bien plus puissantes que les 500 de l’époque, mais dotées d’aides au pilotage qui empêchent ces chutes violentes et dangereuse­s. De plus, la quasi- totalité des équipes indépendan­tes – destinatio­n privilégié­e des rookies – sont dotées de machines officielle­s. Avec des équipes techniques qui sont de plus en plus pointues, et qui sont de très bon conseil. Il n’y a qu’à voir Fabio ( Quartararo) et Franco ( Morbidelli) chez Petronas. Même Alex Marquez : beaucoup de gens pensaient que ce serait très compliqué pour lui, et puis le fait de se retrouver avec une équipe qui l’a soutenu, qui l’a aidé, a provoqué de belles choses : il a fait deux podiums pour sa première année. Ça vient du fait que les trois catégories MotoGP sont hyper compétitiv­es. Et quand tu es devant en Moto3 ou en Moto2, tu es déjà un top pilote. Ces trois catégories offrent des similitude­s en matière de pilotage. Je ne veux pas créer de polémiques, mais ce ne sont pas là des motos dérivées de la série. Quand un pilote arrive du Supersport ou du SBK avec des Pirelli qui sont beaucoup plus “soft”, sur des châssis beaucoup moins rigides, il a du mal. En MotoGP, les cadres, les suspension­s et les pneus sont rigides, il y a une filiation dans le mode d’emploi. » On comprend mieux pourquoi un Joan Mir, champion du monde Moto3 en 2017, peut se retrouver champion du MotoGP trois ans plus tard...

AU CAS PAR CAS

Examinés un par un, tous ces jeunes pilotes ont un profil intéressan­t. Jorge Martin, d’abord. On se souvient de lui à la Red Bull Rookies Cup et de son étonnante décontract­ion alors même qu’il jouait la victoire. Surpris, nous l’avions été aussi par son optimisme indéfectib­le : alors qu’il venait de se blesser aux essais de pré- saison de Jerez en 2019, il affirmait avec aplomb qu’il serait de nouveau sur pied un mois et demi plus tard. L’histoire lui a donné raison. « Jorge Martin, pour moi, c’est un monstre de motivation et d’applicatio­n, C’est un immense talent.

Il ne lâche jamais rien, mais il est rapide et ambitieux – dans le bon sens du terme – ne prend peut- être pas assez de temps pour apprendre. C’est ce qu’on a un peu vu en Moto2. Lui est absolument certain de gagner des courses cette année. Il va se battre avec les meilleurs et veut réduire la phase d’apprentiss­age et de compréhens­ion du matériel le plus possible. C’est un pilote qui a une motivation incroyable : je l’ai vu rouler blessé et faire des perfs. C’est le Latin dans toute sa splendeur : agressif, chaud bouillant. Un vrai lion. Luca Marini, lui, c’est un peu l’inverse. Il est beaucoup plus flegmatiqu­e.

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 ??  ?? Marini, Bastianini et Martin (masqué) ont commencé à s’expliquer dès le GP Moto2 du Qatar 2020. La même en MotoGP ?
Marini, Bastianini et Martin (masqué) ont commencé à s’expliquer dès le GP Moto2 du Qatar 2020. La même en MotoGP ?
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C’est Enea Bastianini qui a décroché le titre Moto2 en 2020. Un avantage psychologi­que indéniable sur ses adversaire­s directs.
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