Les enjeux 2021
ENJEUX MOTO3
Les jeunes loups aiguisent leurs crocs
Propriétaire du team CIP et ancien pilote 125, Alain Bronec connaît la catégorie Moto3 par coeur. Il nous éclaire sur ce que devrait nous réserver cette saison.
Alain Bronec a engagé cette année Kaito Toba et Max Koffler en quart de litre.
Il décrypte pour GP Racing les enjeux de la saison à venir. « En principe, on devrait pouvoir se préparer dans des conditions normales. On a prévu des séances d’essais et des roulages ( malgré le Covid- 19, ndlr).
Après, les motos restent identiques. Pour nous, Kaito a fait le bon choix. Il avait une KTM en 2020, et il gardera une KTM en 2021. Darryn Binder, qui a remporté sa première victoire avec le CIP en 2020, a décidé quant à lui de passer sur Honda chez Petronas en 2021. Il était compétitif sur la KTM, et ses qualités de pilote correspondaient bien à celles de la RC4, qui permet de freiner fort et de garder beaucoup de frein sur l’angle. Est- ce que la Honda lui autorisera les mêmes choses ? On n’en sait rien. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’il est doté d’une capacité d’adaptation assez importante. Il ne faut donc pas l’écarter. Mais il a pris une option que je ne pouvais pas lui proposer : celle d’avoir la possibilité de décrocher une Moto2, toujours chez Petronas, en 2022. C’est son objectif et il a eu raison d’avoir fait ce choix. En ce qui concerne notre second pilote, l’Autrichien Max Koffler, on a bossé avec lui sur le mental, et vu les chronos qu’il a réalisés l’an dernier, régulièrement à une seconde de la pole, son objectif sera d’entrer dans les points à chaque GP. Cette année, un Français fait son entrée sur la grille, Lorenzo Fellon. Je l’ai vu rouler en FIM CEV en 2020 ( le championnat du monde junior qui se dispute en Espagne, ndlr). C’est l’un des pilotes qui a le plus progressé. Au début de l’année, il était à une seconde et demie au tour des meilleurs. Alors qu’à Aragon, il a fini à quatre dixièmes de seconde du premier.
D’après ce que dit Laurent ( son père, ndlr), c’est aussi ça qui l’a fait bouger. En fait, en CEV, tu as des pilotes qui sont là depuis assez longtemps et qui vont y rester. Et tu as des gamins qui arrivent au milieu de ces pilotes, et qui font des perfs. Ce sont ceux- là qui sont intéressants ( Joan Olive a d’ailleurs repéré Lorenzo dès la Red Bull Cup en 2019 et lui a offert un guidon chez Estrella
Galicia en 2020, ndlr). C’est aussi pour ça que Paolo Simoncelli l’a engagé dans son team en 2021. D’autant qu’avec le responsable technique, Marco Grana, ils ont pris l’option de ne pas changer de moto. Lorenzo roulait sur une Honda en CEV Moto3, il reste sur une Honda en GP, ça va l’aider. Car même si le moteur et l’électronique sont plus performants en championnat du monde, le cadre et les pneus de la NSF250R restent
« POUR LE TITRE, JE MISE SUR MON PILOTE N° 1, KAITO TOBA »
ALAIN BRONEC
les mêmes que ceux avec lesquels il a roulé l’an passé. Il a aussi un contrat de deux ans avec le SIC Squadra Corse, ce qui est une bonne chose.
QUI SONT LES FAVORIS ?
Pour les favoris, on retrouve des pilotes comme Rodrigo ou McPhee qui ont de l’expérience et qui vont compter. Ils seront sûrement auteurs de coups d’éclat mais ne seront pas là pour le championnat.
Même chose pour Tatsuki Suzuki, qui a gagné en maturité et est très vite sur un tour. Mais face à des pilotes comme Darryn Binder, Tatsuki reste un peu en difficulté en course et en bagarre. Ça va aussi dépendre de la composition du groupe de tête à chaque course : si tu as une KTM et que tu es au milieu de trois Honda, il sera difficile de garder tes trajectoires, tu vas te faire déboîter en entrée de courbe car la Honda passe plus vite. Même chose si une Honda se retrouve en bagarre avec trois KTM. La Honda risque de se faire bouchonner en entrée car les KTM peuvent davantage retarder leur freinage. Pour le titre, je mise sur mon pilote n° 1, Kaito Toba. C’est un gamin un peu compliqué, qui a souffert du côté trop sérieux et austère qui régnait chez Idemitsu il y a deux ans. L’an dernier, chez Ajo, il n’était pas super à l’aise non plus, et j’espère que nous allons parvenir à lui redonner confiance en lui. Pas en tant que pilote, mais en tant qu’être humain : je suis là, j’existe, et sur la piste, je me fais ma place. Il m’appelle régulièrement pour me donner de ses nouvelles alors qu’il est encore au Japon ( interview réalisée le 14 janvier,
ndlr). Il a compris qu’il devait entretenir notre relation et m’explique qu’il a roulé
en cross, me parle de la façon dont il s’est entraîné... Au final, j’essaie d’établir un lien qui va apporter plus d’assurance à mon pilote. Je le prépare dans ce sens car il va à la guerre ! Si on a deux GP au Qatar, je serai content, car Kaito y a gagné en 2019. Parmi les favoris, on peut aussi compter sur Jaume Masia ( Red Bull KTM Ajo, cf. Revue des troupes, pages suivantes, ndlr). J’ai discuté avec lui, il n’aime pas du tout la Honda et m’a dit : “Avec cette moto, tu ne comprends rien aux freins et tu te retrouves par terre.”
Un autre jeune à surveiller, c’est Sergio Garcia, qui a été champion du monde junior il y a deux ans, et qui était cette année chez Estrella Galicia. Le team était en perdition : tout le monde essayait de s’en sortir avant que l’équipe ne mette la clé sous la porte. Il sera mieux chez Aspar ( là aussi sur KTM). Jeremy Alcoba a signé une belle fin de saison, mais sur des tracés qu’il connaît par coeur. Sur 18 ou 19 circuits différents, ça s’annonce a priori plus compliqué.
Même chose pour Carlos Tatay. » Quoi qu’il en soit, avec une quinzaine de pilotes en bagarre dans le peloton de tête à chaque GP, et des écarts entre pilotes qui se calculent en millièmes de seconde, on devrait encore avoir du spectacle en Moto3 cette année !