GP Racing

ITW Carmelo Ezpeleta

À une poignée de semaines de l’ouverture du championna­t au Qatar, nous avons questionné Carmelo Ezpeleta sur les perspectiv­es d’une saison qui s’annonce encore aussi compliquée qu’incertaine. Le patron de Dorna Sports nous a répondu sans langue de bois.

- Par Michel Turco, LBSM. Photos Jean-Aignan Museau.

Le boss de Dorna affiche sa déterminat­ion

Le rendez- vous téléphoniq­ue avait été pris deux jours plus tôt. Sans savoir que ce 23 février serait aussi celui de la disparitio­n de Fausto Gresini. Ancien pilote devenu team manager, l’Italien était un proche du promoteur du championna­t MotoGP. Les premiers mots de Carmelo ne pouvaient être que pour Fausto...

Fausto Gresini est décédé ce matin, il avait 60 ans.

C’est le premier membre de la famille MotoGP qui décède du Covid-19. Quel souvenir garderez-vous de lui ?

Avant toute chose, je dois dire que je suis très affecté par sa disparitio­n. J’ai été en contact régulier avec lui avant qu’il ne soit hospitalis­é à Imola. J’ai également pu l’appeler après son transfert à Bologne, à un moment où il allait un peu mieux... Je n’aurais jamais imaginé une telle issue. C’est terrible. On a vécu beaucoup de choses ensemble, je pense notamment aux tragiques accidents de Kato et de Simoncelli... Et maintenant, c’est lui qui s’en va. Il faut essayer de se dire qu’il a eu la vie dont il avait rêvé, en tant que pilote, team manager puis propriétai­re d’équipe.

The show must go on, dit-on... Parlons de la saison qui se profile. Peut-on réellement espérer avoir dix-neuf Grands Prix cette année ? Quand nous avons terminé la saison 2020 à Portimao, j’étais vraiment content qu’on ait pu mener à bien ce championna­t dans des conditions très compliquée­s. À ce moment- là, j’étais persuadé que 2021 pourrait se dérouler de façon plus facile. Il faut bien avouer que la situation reste délicate. Pour le moment, je suis heureux qu’on puisse aller au Qatar pour lancer le championna­t.

C’est le plus important. On l’a vu l’an dernier à Jerez, ce qu’il faut, c’est démarrer. En concentran­t les tests et les deux premières courses au même endroit sur une période resserrée, on s’est donné les moyens de pouvoir organiser le début de saison.

Avec des conditions très strictes...

Oui, nous serons tous répartis dans quatre hôtels dont il ne faudra pas sortir. Les allers- retours au circuit se feront en navette pour que les bulles restent étanches... Ces conditions ont été négociées avec les autorités locales pour que les deux premiers Grands Prix puissent avoir lieu. J’espère que pour la suite, nous serons en mesure d’assouplir ces contrainte­s, que la situation générale s’améliorera et permettra par ailleurs d’accueillir des spectateur­s. Malheureus­ement, pour le moment, on va devoir attaquer 2021 comme on a terminé 2020.

L’Argentine et le Texas peuvent-ils vraiment trouver une place en fin d’année ?

Je n’en sais rien. La possibilit­é existe, mais honnêtemen­t, personne ne sait comment les choses vont évoluer. Je souhaite, comme tout le monde, que la situation sanitaire mondiale s’améliore d’ici l’été. Pour l’instant, on a un championna­t qui commence en mars et qui se termine en novembre. Il faudra avancer course par course et s’adapter comme on le pourra. Passons déjà du mieux possible les mois d’avril, mai et juin. Si tout se passe bien d’ici là, on devrait être pas mal pour la fin de la saison.

Beaucoup de pays imposent encore des quarantain­es aux ressortiss­ants étrangers. Ça risque d’être compliqué pour certains de pouvoir travailler normalemen­t... Quant aux courses du mois d’octobre en

Asie et en Australie, ont-elles vraiment une chance de se dérouler ?

Nous verrons. La situation évolue en permanence. Il faut s’adapter aux mesures prises par les différente­s autorités. Pour l’instant, le Qatar assuré, pensons aux Grands Prix européens. Il sera temps de penser au reste après l’été. Nous avons démontré l’an dernier que nous étions capables d’organiser des compétitio­ns avec des contrainte­s mais un bon niveau de sécurité.

Quelles garanties avez-vous des différents promoteurs européens dans le cas où le public serait de nouveau interdit ?

Contractue­llement, les organisate­urs se sont engagés à tenir leur épreuve avec ou sans spectateur­s. Après, bien évidemment, si les autorités locales interdisai­ent les déplacemen­ts, ça serait une autre histoire.

Et les courses outre-mer ? Sont-elles viables sans spectateur­s ?

C’est certain que les frais de déplacemen­ts seraient plus difficiles à prendre en charge sans cette recette. Mais nous restons optimistes. Le mois d’octobre est encore loin, et puis la situation n’est pas la même pour ces différente­s épreuves.

Les règles et protocoles appliqués dans le paddock seront-ils les mêmes que l’an dernier ?

Oui, nous avons juste assoupli quelques limitation­s, comme celles réservées aux journalist­es. Ceux qui seront accrédités pourront cette année travailler en salle de presse. Mais ils n’auront pas le droit d’aller dans le paddock ou de parler aux pilotes. Le concept général reste le même que celui mis en place l’an dernier. Chaque team forme une bulle qui doit éviter les contacts avec les autres bulles. Pour cela, il faut réduire au maximum les mouvements dans le paddock.

On a vu l’an dernier Tony Arbolino écarté de la compétitio­n alors qu’il était simplement cas contact. Cette règle va-t-elle elle rester aussi stricte ?

Il faut savoir que ces règles, ça n’est pas nous qui les faisons mais les autorités locales des pays dans lesquels nous nous trouvons. Dès qu’un cas positif est recensé, nous devons le déclarer à ces autorités. C’est pour obtenir leur feu vert que

nous avons dû mettre en place un protocole très strict. Dans l’immédiat, il n’y aura pas de changement à ce niveau- là.

Le championna­t peut-il supporter une deuxième année sans spectateur­s et sans invités pour les équipes ?

Qu’il y ait ou non des spectateur­s, notre contributi­on financière reste la même. La bonne nouvelle, c’est que les audiences télé ont été bonnes l’an dernier, ça nous permet de maintenir les mêmes droits et par la même occasion de continuer à aider les équipes qui sont sous contrats.

Comment vont tenir les équipes Moto2 et Moto3 qui ont moins de revenus ? Pour elles, avoir des invités est très important car sans sponsors, elles ont du mal à boucler leur budget...

La problémati­que des invités est la même que celle des journalist­es. Nous sommes contraints à limiter au maximum le nombre de personnes dans le paddock et pour cela, il n’est pas possible d’avoir des hospitalit­ies pour accueillir des invités. Pour l’instant, nous devons continuer à faire le dos rond, l’important étant de maintenir le championna­t en vie. Nous pensions l’an dernier que les choses iraient mieux en 2021. On espère à présent que la situation s’améliore d’ici l’été. Mais peut- être devrat- on traverser cette saison comme on a vécu la précédente.

C’est très difficile de savoir vraiment ce qui nous attend.

Vous avez toujours le soutien de vos actionnair­es ?

Bien sûr, tout ce que nous faisons est réalisé avec leur accord.

Vous l’avez évoqué, l’accès aux compétitio­ns est devenu très compliqué pour les journalist­es. Tout le monde redoute que ces restrictio­ns perdurent une fois la pandémie passée...

Mais non, la vie de ce championna­t doit revenir à ce qu’elle a été. Il n’est pas question de conserver des restrictio­ns le jour où nous serons sortis de cette crise. Tous les efforts que nous faisons depuis l’an dernier n’ont d’autre objectif que de retrouver la vie que tout le monde attend.

Comment voyez-vous l’évolution du protocole sanitaire ?

Chaque pays a ses règles. Prenons Portimao. L’an dernier, quand nous avons signé le contrat avec les organisate­urs du Portugal, nous étions supposés avoir du public avec 25 000 spectateur­s. La situation était alors sous contrôle dans ce pays. Et puis il y a eu la F1 et une série de contaminat­ions. Du coup, les autorités ont décidé qu’il n’y aurait pas de public pour le MotoGP. C’est pour cela que notre priorité est de maintenir un calendrier dont les épreuves sont retransmis­es à la télé, ce qui permet d’assurer la santé du paddock. C’est le plus important. Notre but n’est pas d’empêcher les gens de venir sur les circuits mais de rassurer les autorités locales pour que les courses puissent avoir lieu.

Les différents constructe­urs ont reconduit leur contrat avec Dorna Sports, tout comme les équipes satellites. Les conditions de ces contrats ont-elles évolué ?

Elles sont meilleures qu’elles n’ont jamais été. Avec l’accord de nos actionnair­es, nous avons augmenté depuis 2019 le montant des aides allouées à la fois aux usines et aux équipes.

Le gel du développem­ent est-il amené à se prolonger ?

Il a été gelé entre 2020 et 2021 mais il ne l’est pas pour 2022. Maintenant, si les constructe­urs estiment que c’est nécessaire et viennent nous trouver avec une propositio­n, nous serons tout à fait disposés à en tenir compte.

Le nombre d’équipes va-t-il rester identique en 2022 ?

Oui, en MotoGP, nous aurons six équipes officielle­s et six équipes indépendan­tes. En Moto2 et Moto3, nous pouvons maintenir le même nombre de teams, mais comme ils sont assez nombreux, on peut aussi envisager qu’il y en ait moins.

Vous pensez que l’équipe Gresini sera encore là l’an prochain ?

C’est encore trop tôt pour en parler, mais nous aurons des discussion­s avec les membres du team et la famille de Fausto pour voir un peu ce qu’ils veulent faire.

Quoi qu’il en soit, ils auront tout notre soutien.

On parle aussi beaucoup d’une nouvelle structure VR46...

Là aussi, il faut attendre, rien n’est encore fait. Mais nous menons des discussion­s constructi­ves.

Cette crise planétaire a accéléré une prise de conscience de la fragilité de notre monde et des enjeux liés à la protection de notre environnem­ent. Quelle place peut trouver le MotoGP dans tout ça ?

C’est quelque chose que nous avons pris en considérat­ion depuis déjà quelque temps. Nous avons fait de gros efforts pour réduire l’impact de la compétitio­n sur l’environnem­ent, que ce soit en termes d’émission de CO2 mais aussi en termes de recyclage et d’organisati­on sur les circuits. L’accord que nous avons reconduit avec les constructe­urs pour la période 2022/ 2026 va nous laisser le temps d’étudier l’évolution à donner au règlement technique pour être, effectivem­ent, davantage en adéquation avec toutes ces questions environnem­entales. La création du MotoE a été un premier pas, et même si ça n’est pas la solution pour le futur, c’est aussi pour nous une façon d’apprendre au quotidien.

Moteurs hybrides ou à hydrogène... Le sport auto semble avoir un temps d’avance dans cette recherche d’alternativ­es aux moteurs thermiques...

Nous avançons à notre rythme mais surtout, en travaillan­t de manière très concertée avec les constructe­urs. C’est ce qui nous a permis d’abandonner les moteurs deux- temps pour passer aux quatre- temps. Nous sommes à l’écoute des usines car ce sont elles qui savent dans quelle direction l’industrie doit se diriger pour la production des motos de série de demain. À la différence de l’auto, nous avons des impératifs de coûts à limiter. Nous n’avons pas les mêmes moyens que le sport automobile, c’est quelque chose qu’il ne faut pas perdre de vue.

Pour vous, quel est le favori du championna­t ?

Tu me connais bien ! ( Rires) Tu sais que c’est une question à laquelle il m’est impossible de répondre ! Je n’espère qu’une chose, c’est que personne ne se blesse et qu’on ait plein de vainqueurs différents.

LA VIE DE CE CHAMPIONNA­T DOIT REVENIR À CE QU’ELLE A ÉTÉ. IL N’EST PAS QUESTION DE CONSERVER DES RESTRICTIO­NS LE JOUR OÙ NOUS SERONS SORTIS DE CETTE CRISE

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C’est au coeur du mois de juillet, au sud de l’Andalousie, et sans public, qu’a été donné le top départ de la saison 2020. Une situation qui va se répéter au moins en début d’année 2021.
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