SUPERBIKE Les enjeux 2021
Quelqu’un pour contester le roi Rea ?
Une nouvelle fois favori à sa propre succession, Jonathan Rea s’est encore remis en question cet hiver pour progresser. Scott Redding et Toprak Razgatlioglu, considérés par beaucoup comme ses deux principaux adversaires, tenteront d’interrompre sa domination cette année. Pour cela, ils devront faire preuve d’une régularité exemplaire.
« IL SAIT QU’IL EST LE FAVORI MAIS IL GARDE, COMME D’HABITUDE, LES PIEDS SUR TERRE »
F. FORET
C’ est bien connu, la perfection se cache dans les détails. Jonathan Rea semble avoir fait de ce proverbe son mantra. S’il est devenu champion du monde Superbike pour la sixième fois d’affilée la saison dernière et qu’il s’est rapproché à seulement un petit succès de la barre symbolique des cent victoires depuis ses débuts dans la discipline, le Britannique n’est en effet pas le genre de garçon à rester les doigts de pied en éventail en admirant son armoire à trophées. Du coup, comme chaque hiver, le pilote Kawasaki a pris du recul pour analyser ses performances et son pilotage afin de voir où il pourrait grignoter encore quelques petits centièmes. À Jerez, lors des premiers essais hivernaux, il a par exemple essayé au petit matin, en statique, plusieurs positions dans le but de perfectionner encore la manière dont il se place derrière la bulle en ligne droite. Cette envie de progresser qui l’anime est sans doute l’un des principaux facteurs, en plus de son talent bien sûr, pouvant expliquer sa mainmise sur le Superbike. Cette année encore, la plupart du paddock le considère d’ailleurs une nouvelle fois comme le grand favori à sa propre succession. « Il se régale vraiment sur sa moto, confie Fabien Foret, champion du monde Supersport en 2002, qui suit le phénomène depuis plusieurs années.
Il a toujours la même motivation pour gagner, il est bien dans sa tête et physiquement.
Il est aussi en osmose avec son équipe. Il sait donc très bien qu’il est le favori cette année mais il garde, comme d’habitude, les pieds sur terre. » Pour tenter d’aller chercher une septième couronne d’affilée, il pourra, en plus, s’appuyer sur une toute nouvelle machine. Cette monture, Kawasaki ne l’a cependant pas remaniée de fond en comble par rapport au modèle précédent. Les ingénieurs japonais ont en effet procédé par petites touches en parvenant notamment à augmenter la puissance du quatre- cylindres en ligne et en ajoutant des ailerons au niveau de la face avant de la moto. Évidemment, il est encore beaucoup trop tôt pour tirer un bilan définitif de ces évolutions, d’autant que les premiers essais, à Jerez et à Aragon, ont été perturbés par le mauvais temps. Cependant, les premiers retours semblent être positifs. Les pilotes disent par exemple qu’ils disposent d’une meilleure connexion avec l’avant dans les courbes rapides.
Ils soulignent aussi la linéarité du moteur. Cette année, en tout cas, promet d’être particulièrement indécise.
LA MENACE REDDING
« On sait qu’il y a quelques clients, notamment Scott Redding et Toprak Razgatlioglu.
Avec tout le respect que je dois aux autres pilotes, ce sont, à notre avis, les deux hommes susceptibles d’embêter un peu Johnny » , avance Foret. Candidat au titre dès sa première saison en Mondial SBK, Redding a été pendant quelques courses une épine dans le pied de Rea l’année passée. Mais le Britannique a ensuite perdu du terrain pendant la deuxième partie de la saison, même s’il a réussi à repousser le sacre de Rea jusqu’à la dernière course du championnat, à Estoril. Pour aller déloger le désormais sextuple champion du monde de la première place, le pilote Ducati sait donc qu’il devra se montrer extrêmement régulier. L’an dernier, c’est d’ailleurs une erreur en première manche à Aragon, où il était tombé, qui lui avait fait perdre le fil face à son compatriote. Garçon attachant et entier, le Britannique, qui ne cache jamais ses émotions, était ainsi revenu à son stand en larmes. « Je savais que je venais de lui faire un putain de cadeau en tombant de la sorte, se souvient- il. Quand tu fais une erreur face à Johnny, c’est tellement difficile de lui reprendre des points par la suite... Il est très régulier et très intelligent. » Sa stratégie,
cette année, est limpide. Il dit : « Il faut que je sois le plus constant et le plus compétitif possible. Je dois répondre présent à toutes
les courses, quelles que soient les conditions. »
Rea est en effet une machine qui ne commet pratiquement jamais d’erreurs.
Pour preuve, il ne compte que deux petits résultats blancs sur les trois dernières saisons.
LE DANGER TOPRAK
Ses adversaires savent donc très bien que, avec lui, la moindre faute est pratiquement interdite. Toprak Razgatlioglu connaît lui aussi parfaitement les contours du problème que pose Rea, année après année. Le Turc, que Rea a aidé à ses débuts en Superbike en lui filant parfois sa roue pendant des séances d’essais, a cependant pris aujourd’hui de l’épaisseur et une autre stature : celle d’un candidat au titre. Pour se glisser dans cette posture, le protégé de Kenan Sofuoglu a beaucoup changé.
Par exemple, il s’astreint désormais à une véritable préparation physique.
Il y a quelques mois encore, il était
pourtant loin d’être un féru des salles de sport. Cette année, il bénéficiera également d’une saison d’expérience avec la Yamaha. La dernière version de la R1, qu’il a pu essayer à Jerez, lui a d’ailleurs donné satisfaction. « Il était content de la façon dont la moto s’arrêtait. Il a aussi noté une amélioration sur la manière dont elle tourne, confirme Phil Marron, son chef
mécanicien. Cette année, quand nous serons dans un bon week- end, nous devrons prendre le maximum de points. Mais nous devrons aussi le faire quand nous connaîtrons un week- end plus délicat. C’est mon souhait et je pense sincèrement que nous pouvons y arriver. Surtout, cette manière de faire nous permettrait de nous retrouver en bonne position pour le championnat. » Redding et Razgatlioglu ont la vitesse pour gagner. Pour tenter de ravir le titre à Rea à la fin de l’année, ils devront toutefois se montrer extrêmement réguliers. Une tâche ardue mais pas impossible. Que la saison commence.