Assistance au départ..........
Toutes les équipes peaufinent leur « holeshot device »
Même si le développement des moteurs est gelé pour 2021 et le nombre de carénages aérodynamiques reste limité, les constructeurs, Ducati en tête, redoublent d’ingéniosité pour permettre à leurs pilotes d’aller encore plus vite et ce, dès les premiers mètres. Quelques dixièmes de seconde après l’extinction des feux rouges peuvent donner un podium à tous les coups, ou presque.
GP d’Aragon 2020, Alex Rins gagne après s’être élancé depuis la 10e position sur la grille. Avant lui, il fallait remonter à Assen, en 2007, avec Valentino Rossi pour retrouver le dernier pilote à s’imposer sur le sec depuis la 10e place ou au- delà. On le savait déjà : de bonnes qualifications sont importantes. C’était vrai jusqu’il y a encore deux ans. Auparavant, les pilotes MotoGP faisaient uniquement appel au Launch Control ( ou non, à l’image de Maverick Viñales au Mans en 2020...), une cartographie électronique particulière d’aide au départ. Il suffit d’engager la première, d’accélérer, d’embrayer et l’électronique se charge de limiter les wheelings et les pertes d’adhérence. Mais bien qu’efficace, cette gestion électronique a plutôt tendance à un peu trop limiter la puissance en raison des lois de la physique, notamment celles liées au centre de gravité. Et c’est là qu’entre en jeu le holeshot device.
UNE HISTOIRE DE CENTRE DE GRAVITÉ
Ken Kawauchi, directeur technique du Team Suzuki Ecstar, explique la différence entre Launch Control et holeshot device : « Le Launch Control réduit la puissance, tandis que le holeshot device permet de
passer davantage de puissance. » Le premier agit in fine sur le moteur et l’autre influe sur la géométrie de la moto. Il n’est pas question, pour autant, de se passer du Launch Control. Car les deux mécanismes fonctionnent de pair. Le but, pour un meilleur départ, est donc que la roue avant se lève le moins possible. Lorsque vous utilisez le holeshot device, le centre de gravité de la moto est plus bas, et de ce fait, il est plus difficile de partir en roue arrière et donc de moins faire appel au Launch Control. Pour changer la position du centre de gravité, on peut baisser l’arrière, l’avant, ou les deux. C’est très précisément la fonction du holeshot device, aussi appelé start device, un terme bien connu en motocross. Les six constructeurs engagés en MotoGP ont équipé leur monture de ce système : avant/ arrière pour Ducati, KTM, Honda et Aprilia, arrière pour Yamaha, et avant pour Suzuki. Lorsqu’il s’agit de faire preuve de créativité, Luigi Dall’Igna, directeur général de Ducati
Corse, et sa horde d’ingénieurs tiennent le rôle de pionnier. Les tests hivernaux sont souvent l’occasion, pour l’usine italienne, de dévoiler ses dernières trouvailles. C’est presque devenu une habitude. D’abord les ailerons, puis la salad box, les carénages aérodynamiques ou encore le « swingarm attachment » fixé sous le bras oscillant : Ducati n’écarte aucune possibilité. C’est lors des essais de Sepang, avant l’ouverture de la saison 2019, que le holeshot device, uniquement placé à l’arrière, est apparu sur la Desmosedici. Techniquement, il s’agit d’un mécanisme qui joue sur le link de l’amortisseur, très probablement un vérin. En l’activant par un levier placé à droite
( pour certains constructeurs) ou un papillon sur le té de fourche pour Ducati, la machine se baisse. Il suffit de quelques centimètres de débattement pour que le centre de gravité descende de manière conséquente. Chez KTM, par exemple, la moto peut perdre jusqu’à 15 cm. Avant l’ouverture
« ÇA N’A PAS DE SENS D’AVOIR UN HOLESHOT DEVICE SUR UNE MOTO. CELA N’APPORTE RIEN AU SPECTACLE ET ÇA SERA MÊME PLUS DIFFICILE DE DOUBLER » MARC MARQUEZ (GP DU PORTUGAL)
de la saison 2021, l’usine de Borgo Panigale a perfectionné son système en ajoutant un start device à l’avant. Le pilote active le système, compresse sa fourche ( avec un stoppie par exemple) et celle- ci reste bloquée en butée. Dans les deux cas ( avant ou arrière), le système se désengage au premier freinage, un peu à la manière d’un stylo rétractable que l’on ferait rebondir sur un bureau. « Nous avons fait un bon pas en avant, explique Johann Zarco. Nous disposons d’un mécanisme qui permet de baisser l’arrière de la moto et nous pouvons désormais baisser l’avant. La moto ressemble presque à un dragster. La surprise est venue lors de la première course, mais également lors de la deuxième. En partant de la première ligne, c’est un avantage pour garder la position. C’était toutefois difficile à utiliser au début. La moto est rabaissée et, au départ, le guidon a tendance à toucher les butées plus rapidement. C’est parfois violent, mais c’est un coup à prendre. Je pense que ce système est sûr. Il nous permet d’aller plus vite dans un endroit où nous avons de la place. »
JUSQU’À 10 PLACES GAGNÉES AVANT LE PREMIER VIRAGE...
Et pour cause, sur les trois premières courses de la saison, le Français a gagné cinq positions au premier virage par rapport à sa position de départ. Pour son coéquipier Jorge Martin, c’est même 10 places grappillées uniquement sur les deux manches à Losail ( car il s’est blessé au Portugal). À l’inverse, chez Suzuki et Yamaha, le holeshot device, avant ou arrière, ne suffit plus. « Nous insistons à chaque séance pour avoir le système à l’avant, explique Fabio Quartararo qui a perdu 11 places entre le Qatar et Portimao. Nous essayons de gagner quelques dixièmes sur notre rythme, mais nous savons que nous avons beaucoup de difficulté pour doubler et je pense que même si nous prenons un départ parfait comparé aux autres, nous souffrons toujours. Le système avant est très important pour les premiers tours et la course. » Pour Maverick Viñales, c’est pire. L’Espagnol, pourtant vainqueur de l’épreuve d’ouverture au Qatar, a rendu 21 positions par rapport à celles qu’il avait sur la grille. Ce n’est pas un secret, Viñales n’est pas le meilleur des « starters » . Il s’est d’ailleurs entraîné des dizaines de fois en sortie de pit- lane lors des essais de pré- saison au Qatar, mais cela n’explique pas un tel écart.
« L’an dernier, nous étions meilleurs au départ, se lamente l’intéressé. Nous devons apporter la prochaine évolution qui est le système à l’avant, qui semble permettre à nos rivaux de faire un grand pas en avant, surtout au Qatar qui compte beaucoup de lignes droites dans lesquelles nous souffrons beaucoup. » Au classement
des gains au départ, aucun représentant Yamaha n’est d’ailleurs bénéficiaire par rapport à ses adversaires. La différence se fait peut- être moins ressentir pour les pilotes Suzuki qui ne s’élancent que très rarement depuis les premières rangées. À eux deux, Joan Mir et Alex Rins n’ont gagné que cinq places. « Dans notre cas, nous n’avons que le système avant (...)
Nous devons progresser dans ce domaine, surtout parce que, habituellement, nous partons d’un peu plus loin.
C’est important pour nous de faire un bon départ... nous luttons pour ça. »
VERS DES COURSES DE DRAGSTERS ?
Sur le papier, le start device est parfait... Oui, mais pas tout à fait. Francesco Bagnaia ou encore Franco Morbidelli peuvent en témoigner. Le premier n’a par exemple pas réussi à engager le holeshot avant le Grand Prix de Doha. Résultat : une
11e place au premier pointage ( depuis la deuxième ligne sur la grille). Pour son compatriote et vice- champion, le système ( arrière) est même resté bloqué toute la course au GP du Qatar avec une 18e position au passage sous le drapeau à damier. Pourtant, le développement se poursuit.
Fin 2019, Ducati ( encore et toujours) a dérivé son start device pour permettre aux pilotes de l’utiliser en course. À l’accélération en sortie de virage, au moment où il faut passer le maximum de puissance, pourquoi ne pas baisser l’arrière de la moto et changer l’assiette de la moto pour éviter les wheelings ?
Une idée plutôt simple pour un coup de développement pratiquement dérisoire. La cinématique reste la même, il a suffi d’intégrer une gâchette ( ou un levier) au demi- guidon gauche pour permettre au pilote de l’engager en roulant. Chaque constructeur a également dû s’assurer qu’aucune pièce n’entre en collision lorsque le système ( holeshot ou changement d’assiette) est activé, car l’espace est restreint sur une MotoGP. Quelques modifications ont dû être apportées aux échappements ou aux carénages afin d’exploiter le potentiel du mécanisme. « Nous avons étudié un système pour l’avant et pour l’arrière, confie Ken
Kawauchi. Nous avons réussi à mettre en place le système à l’avant facilement. Bien sûr, nous considérons également l’arrière, mais je pense que l’effet est similaire.
Pour l’avenir, nous examinerons l’arrière. »
C’est donc au pilote lui- même de faire appel au système quand il le souhaite. « Certains baissent la moto au freinage et d’autres en milieu de virage mais moi, je préfère la deuxième solution » , explique Zarco dont la Ducati devient de plus en plus délicate à piloter. « C’est un automatisme à prendre, ajoute le Français. Dès mon tout premier tour du circuit, je m’oblige à utiliser le système pour que ça devienne un réflexe. » Suzuki, qui n’a pourvu sa
GSX- RR que du holeshot device à l’avant, n’a donc pas de mécanisme pour en changer l’assiette et Joan Mir ne cache d’ailleurs
pas sa frustration : « C’est important de travailler pour avoir le système à l’arrière, notamment pour les sorties de virage, explique le champion du monde. Je pense que c’est également primordial pour le côté aérodynamique, mais aussi pour les départs. Ceux- ci sont corrects, mais pas exceptionnels. » Et Kawauchi- san d’ajouter :
« Pour le moment, nous n’avons pas ce système, mais les autres constructeurs en disposent et il semble que cela soit très efficace. Nous espérons pouvoir l’utiliser à l’avenir. » Jusqu’à présent, des solutions ont été évaluées, mais il n’y a pas encore