Un job à la gomme ...................
L’exercice déterminant de la gestion des pneus
Le job pourrait sembler banal. Un peu comme chez un vendeur de pneus quelconque. On apporte la roue, on démonte le vieux pneu, on remonte le nouveau, et roule ma poule. Que nenni, les hommes des pneus dans un team de MotoGP ont bien d’autres attentions face aux ronds de gommes qui équipent les machines de course. Et si les choix sont orchestrés par le staff de techniciens envoyés par Michelin – à raison d’un par team d’usine –, chaque équipe de MotoGP dispose de ses propres spécialistes pour gérer le sujet. Souvent, deux hommes par pilote s’occupent à la fois de la gestion de l’essence et des pneumatiques. Chez Tech3, il s’agit de Pascal Auberoux, qui a également pour mission de conduire l’une des semi- remorques du team ( voir page 154) et de Jérôme Porchet, dit Rotapé, récemment arrivé dans l’équipe B de KTM. Pascal est plus spécialement axé sur Danilo Petrucci, et donc précédemment sur Miguel Oliveira, tandis que Rotapé, lui, s’occupe des montes d’Iker Lecuona.
DÉTERMINER, À SA SIMPLE VUE, SI LE PNEU EST ADAPTÉ
Et si le rôle stratégique du choix des gommes revient plutôt au tandem chef mécanicien/ technicien de chez Michelin, la gestion des pneus demande une attention toute particulière. Pascal, alias Monsieur Kiwi, explique : « Avec Jérôme, on débroussaille en amont ce que l’on va utiliser comme gommes durant le week- end. Ce qui détermine le nombre de pneus à monter. Nous livrons le résultat le mercredi aux techniciens de chez Michelin, en même temps que les six paires de roues à équiper. »
Un cahier des charges déterminé en fonction des allocations décidées par le manufacturier, par le pilote, mais aussi en tenant compte des prévisions de température du circuit. Au final, chaque pilote bénéficie de 22 pneus slicks : 10 pour l’avant, 12 pour l’arrière. Pour l’avant, un pilote peut choisir au maximum cinq pneus dans l’une des trois spécifications proposées : « Soft » , « Médium » ou « Hard » . En ce qui concerne l’arrière, le maximum autorisé par pilote est de : six « Soft » , cinq « Médium » et quatre « Hard » .
Ceux qui passeront de la Q1 à la Q2 se verront attribuer un pneu avant slick supplémentaire avec la possibilité de choisir ce qu’ils préfèrent dans l’éventail complet, plus un slick arrière « Soft » . En cas de pluie, l’allocation standard est de treize pneus pluie – six avant et sept arrière –, avec deux types
de spécifications. Après la première journée d’essais, un nouveau point est fait pour affiner les choix avec, cette fois, l’intervention de l’experte en matière de stratégie pneumatique de chez KTM : Andrea. Celle qui oeuvrait auparavant chez VDS est capable, à la simple vue d’un pneu usagé, de déterminer s’il est adapté à la course, et peut aussi donner des directives pour les réglages de l’antipatinage. Une fois les roues montées – à l’exception des pneus pluie qui supportent mal d’être chauffés –, celles- ci sont placées dans des racks fermés et sont mises en chauffe 2 heures avant la séance. Là aussi, la gestion est importante : « Les gommes sont sensibles et plus on les chauffe fréquemment, plus elles se détériorent rapidement. C’est d’ailleurs pourquoi un pneu qui a été chauffé mais qui n’a pas été retenu est estampillé “Priority” par Michelin pour être utilisé parmi les premiers lors du GP suivant » , précise Pascal. C’est alors Michelin qui répartit ces pneus de façon à ce que chaque pilote en obtienne le même nombre. Passé à 80 ° C au moment où l’on retire les couvertures chauffantes, un slick peut monter jusqu’à 120 ou 130 ° C.
SURVEILLER LA TEMPÉRATURE COMME LE LAIT SUR LE FEU
Au moment de récupérer les pneus, les deux hommes se livrent à un travail de vérification sur leurs références, tout en contrôlant le bon fonctionnement du capteur incorporé à la valve. Développé par McLaren – tout du moins le modèle choisi par Tech3 –, il transmet, en temps réel, la pression et la température du pneu lorsque celui- ci est dans le rack de chauffe. Il livre également toutes les données en direct ( température des flancs et de la bande de roulement, mais aussi de l’air dans les pneus) lorsque la moto rentre dans le box pendant une séance. Les données s’affichent sur l’écran de l’ordinateur dédié aux pneus, mais aussi sur ceux des ingénieurs qui surveillent comme le lait sur le feu la bonne tenue de la température avec une tolérance de 0,2 bar. « Au- dessus, cela peut provoquer des blocages de roue au freinage, explique Pascal. On a une cible de pression définie avec le chef mécano. Et c’est à moi de composer en fonction de la température de piste, du remplissage du réservoir et du nombre de tours à prévoir. Tout ça, en restant dans les normes fixées par Michelin avec une pression minimum de 1,9 bar à l’avant et de 1,7 à l’arrière. Il faut aussi prendre en compte le tracé. Ainsi, en Autriche, dans les gros freinages, les disques peuvent monter jusqu’à 100 ° C, ce qui fait chauffer les jantes et donc les pneus, et peut provoquer une augmentation de la pression du pneu de l’ordre de 0,4. Il y a alors une alarme qui se déclenche sur le tableau de bord pour prévenir le pilote. » En revanche, il n’y a pas de pression maximale. L’inconfort et la perte de performance, provoqués par un pneu surgonflé, en sont les limites naturelles.