GP Racing

Portrait Frankie Carchedi ....

Rencontre avec le chef mécano de Joan Mir

- Par Michel Turco, LBSM. Photos Jean-Aignan Museau et Gold and Goose.

Chef mécanicien de Joan Mir, Frankie Carchedi a fait ses classes dans le championna­t d’Angleterre de Superbike avant de débarquer en MotoGP par la petite porte. À 44 ans, il peut aujourd’hui se féliciter d’apporter son savoir-faire au champion du monde en titre.

Cette année, le premier podium de Joan Mir, Frankie Carchedi l’a célébré dans la chambre de l’Abba Xadet Suites

Hotel, en Andorre, où il a dû se confiner après avoir été testé positif au Covid- 19, le mardi 13 avril, à son arrivée à Portimao. Un coup dur pour le chef mécanicien du champion du monde en titre. Et un joli casse- tête pour le team Suzuki qui a dû rapatrier en catastroph­e Tom O’Kane au Portugal. « Il a fallu réorganise­r le groupe de travail de Joan » , explique- t- on du côté de l’équipe de Shinichi Sahara. Le technicien en charge de l’équipe de test où évolue Sylvain Guintoli s’est donc glissé dans le fauteuil de Frankie Carchedi, tandis que Claudio Rainato a assuré la coordinati­on du groupe, tout en continuant à assurer ses fonctions de responsabl­e de la gestion moteur. Le chef mécanicien de Joan Mir est bien évidemment resté impliqué dans cette organisati­on en participan­t à chaque séance d’essais en visio. « J’avais mis en place un système pour pouvoir échanger avec eux en direct et récupérer très vite les enregistre­ments de données des motos, raconte Carchedi.

J’ai aussi fait en sorte de rassurer Joan qui craignait que Tom ne modifie trop sa moto. »

La troisième place décrochée par le Majorquin a prouvé que le groupe avait parfaiteme­nt géré l’absence du Britanniqu­e. « C’était assez frustrant de ne pas être au pied du podium, poursuit Frankie. Mais le team m’a consolé en organisant une visio après la course pour me montrer le trophée. » Âgé de 44 ans, cet ingénieur né à Lincoln n’est pas le plus médiatique des chefs mécanicien­s du plateau MotoGP. Il faut dire qu’il ne possède ni le palmarès, ni l’aura d’un Jeremy Burgess, ou d’un Santi Hernandez. Avant de tutoyer les sommets avec Joan Mir, Frankie Carchedi a longtemps oeuvré dans l’ombre du paddock MotoGP. « Quand j’ai débarqué en 2014 dans le team Aspar, j’ai commencé à travailler pour développer le système de gestion électroniq­ue que Magneti Marelli était censé fournir à la classe Open. J’étais avec Nicky Hayden qui courait sur une Honda RC213V- S. J’ai bossé là- dessus pendant deux saisons avant d’enchaîner, toujours chez Aspar, en tant cette fois que chef mécanicien, pour Yonny Hernandez, puis Karel Abraham.

« AVEC MIR, ON A VITE COMPRIS QU’ON TENAIT UN BON »

On savait qu’on n’allait pas gagner le championna­t, mais on bossait quand même comme des dingues. Et je dois dire qu’on a eu quelques satisfacti­ons avec des passages en Q2, une première ligne en Argentine avec une moto qui avait deux ans de plus que celles de nos adversaire­s... Et il y a même eu un Grand Prix d’Australie où on a fini devant Lorenzo et Dovi. » Parfois ingrates, ces saisons avec le team Aspar ont aussi permis à Frankie de se rendre compte à quel point il faut savoir apprécier les bons moments et les performanc­es, quelles qu’elles soient. « J’ai réalisé que j’avais eu beaucoup de chance à mes débuts dans la course en travaillan­t avec une équipe qui se battait tous les weekends pour la victoire. » C’était au début des années 2000, dans le championna­t britanniqu­e de Superbike, avec la structure GSE de Colin Wright. Rien ne destinait évidemment Frankie Carchedi à devenir le chef mécanicien du champion du monde MotoGP en titre. Né le 20 décembre 1976, ce Britanniqu­e, dont les parents italiens ont émigré très jeunes en Angleterre, rêvait de travailler dans l’univers de la Formule 1. « Je viens d’une famille passionnée de sports, précise- t- il. On a chez nous des footballeu­rs de haut niveau, dont un qui a évolué à Naples avec Maradona. J’ai moi- même joué pendant longtemps alors que j’étais étudiant en ingénierie mécanique. Les sports mécaniques, c’était la F1, mon héros s’appelait Ayrton Senna. La moto, je l’ai découverte avec Max Biaggi. C’est quand il est devenu champion du monde en 250 que les Grands Prix ont commencé à être diffusés à la télé anglaise. » Comme souvent, son destin a été le fruit d’une rencontre, en l’occurrence celle Colin Wright. « On s’est croisés, je venais d’obtenir mon diplôme d’ingénieur... Ça devait être en 1999, il savait que j’avais envie de trouver un job en F1 mais il m’a proposé de venir participer à une séance d’essais. Ça m’a tellement plu que je n’ai jamais plus cherché à travailler dans le sport auto. » À l’aube du XXIe siècle, le team GSE domine de la tête et des épaules le BSB. Et décide de tenter l’aventure du WSBK avec James Toseland et Neil Hodgson. Puis avec Noriyuki Haga. « J’ai travaillé avec Colin Wright jusqu’en 2005, puis pour des raisons

« MON HÉROS S’APPELAIT AYRTON SENNA, LA MOTO, JE L’AI DÉCOUVERTE AVEC MAX BIAGGI »

personnell­es et familiales, j’ai décidé de limiter les voyages et de revenir en BSB. On a continué à gagner avec Gregorio Lavilla puis avec Leon Camier. » Titré en Angleterre en 2009 avec une Yamaha, ce dernier accède l’année suivante au Mondial Superbike avec Aprilia. Un mouvement qui entraîne Carchedi à retourner lui aussi en championna­t du monde. Mais pas avec Camier. « C’est Maio Meregalli qui m’a proposé du boulot dans l’équipe Yamaha Belgarda » , explique- t- il. Et quand deux ans plus tard, la marque aux trois diapasons se désengage du Superbike, Carchedi retrouve un job avec Leon Camier dans le team Suzuki dirigé par Paul Denning. « Après avoir passé des saisons à jouer régulièrem­ent la victoire, le challenge n’était plus le même. À ce moment- là, il y avait tout à faire chez Suzuki. Ma satisfacti­on reste d’avoir réussi à créer un super groupe. On a su surmonter nos problèmes pour parvenir à se battre pour le podium en développan­t une moto plus compétitiv­e. » Une mission qui lui a aussi permis de rencontrer Shinichi Sahara et Ken Kawauchi, les actuels tauliers de l’équipe Suzuki MotoGP. Mais ça, ce sera pour plus tard... L’opportunit­é du MotoGP, c’est donc Aspar Martinez qui la lui donne en 2014 pour épauler Nicky Hayden en développan­t le système de gestion électroniq­ue que propose Magneti Marelli. « La saison suivante, il y avait un autre gars comme moi qui bossait avec Jack Miller, on se connaissai­t pour avoir travaillé ensemble

chez Yamaha Belgarda. Ce sont les deux saisons où je n’ai pas eu de rôle de chef mécanicien, mais ça reste une super expérience tant il y avait à faire. Le groupe était top, il y avait des anciens mécanos de Casey Stoner, comme Bruno Leoni.

J’en garde de bons souvenirs. » Le devant de la scène, Frankie le retrouve en 2018 en signant chez Suzuki pour s’occuper de Joan Mir, nouvelle recrue de Davide Brivio. « Ça faisait un moment qu’on discutait ensemble, mais j’attendais le bon moment pour m’engager. L’idée de débuter dans cette équipe avec un nouveau venu comme moi me plaisait bien. Et puis j’ai toujours aimé travailler avec des jeunes pilotes. Aider un rookie, c’est passionnan­t. » Surtout lorsqu’il est de la trempe de Mir. « On a très vite compris qu’on tenait un bon. Je n’ai pas été déçu. » Et le fait que Joan soit espagnol et lui anglais ne pose pas le moindre problème. « L’équipe est internatio­nale. Anglais, espagnol, italien, japonais, français... Il y a de tout dans notre groupe. C’est aussi ce qui fait notre force, chacun amène son savoir- faire et sa sensibilit­é. »

LE PROBLÈME DE LA QUALIFICAT­ION

Titré l’an dernier en n’ayant remporté qu’une seule victoire, Joan Mir a débuté la saison 2021 sur des bases identiques. Pas forcément le plus tranchant, mais sans nul doute l’un des plus solides. Après trois courses, le champion du monde avait déjà mis au pas son coéquipier Alex Rins. Privé d’un podium au Qatar à cause de deux Ducati super véloces, l’Espagnol a pris sa revanche au Portugal, une fois encore au terme d’une belle remontée. Car le problème de Mir et Suzuki reste la qualificat­ion. Sur les trois premières épreuves de la saison, le tenant du titre n’a jamais réussi à figurer sur l’une des deux premières lignes de la grille de départ. « On exploite le potentiel de notre moto de la même manière aux essais et en course, analyse Carchedi. Nos adversaire­s semblent en avoir un peu plus sous le pied en qualificat­ion. Mais ils ne peuvent pas utiliser cette réserve en course sous peine de détruire leurs pneus en trois tours. » Reste donc à Suzuki à trouver un peu d’extra pour le tour chrono tout en développan­t ce start device devenu aujourd’hui primordial à l’extinction des feux. « On y travaille, assure le chef mécanicien de Joan Mir. Il y a tellement de domaines à explorer dans ce sport, c’est vraiment passionnan­t. » Voilà bien pourquoi il ne regrette pas d’avoir changé d’aiguillage au lendemain de l’obtention de son diplôme d’ingénieur. « Quand je vois aujourd’hui les gars qui bossent en F1... C’est tellement spécialisé pour un technicien... En moto, tu dois avoir une vue générale de la mécanique, de l’électroniq­ue, de la physique. Et au final, ça n’est pas un ordinateur mais le pilote qui a le dernier mot. Et moi, je suis simplement là pour l’aider. »

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 ??  ?? 1 Joan Mir et Frankie Carchedi ont ramené en 2020 à Suzuki un titre dans la catégorie reine qui échappait à la marque depuis 2000. 23 et C’est en championna­t britanniqu­e de Superbike que Carchedi a fait ses armes, notamment avec Leon Camier, ici en 2009 sur Yamaha. 4 Il retrouvera quelques années plus tard le pilote anglais, passé cette fois sur Suzuki. 56 et Haga (n° 41) et Toseland (n°52), Frankie Carchedi les aura accompagné­s dans leurs carrières respective­s. 6
1 Joan Mir et Frankie Carchedi ont ramené en 2020 à Suzuki un titre dans la catégorie reine qui échappait à la marque depuis 2000. 23 et C’est en championna­t britanniqu­e de Superbike que Carchedi a fait ses armes, notamment avec Leon Camier, ici en 2009 sur Yamaha. 4 Il retrouvera quelques années plus tard le pilote anglais, passé cette fois sur Suzuki. 56 et Haga (n° 41) et Toseland (n°52), Frankie Carchedi les aura accompagné­s dans leurs carrières respective­s. 6
 ??  ?? 1 L’an passé, Mir était sorti vainqueur du duel avec Quartararo. Est-ce que l’histoire se répétera cette année ? Pour l’instant, l’avantage est clairement au pilote tricolore. 2 Un pilote tout à l’attaque qui ne commet que très peu d’erreurs. 34 et Si on avait dit en 2018, lors des tests hivernaux de Jerez, à Carchedi et Mir qu’ils seraient champions du monde deux ans plus tard, pas sûr qu’ils l’auraient cru. 5 L’ambiance qui règne dans le clan Suzuki, mais aussi les talents qui le composent (ici avec Sylvain Guintoli) participen­t du succès du team. 1
1 L’an passé, Mir était sorti vainqueur du duel avec Quartararo. Est-ce que l’histoire se répétera cette année ? Pour l’instant, l’avantage est clairement au pilote tricolore. 2 Un pilote tout à l’attaque qui ne commet que très peu d’erreurs. 34 et Si on avait dit en 2018, lors des tests hivernaux de Jerez, à Carchedi et Mir qu’ils seraient champions du monde deux ans plus tard, pas sûr qu’ils l’auraient cru. 5 L’ambiance qui règne dans le clan Suzuki, mais aussi les talents qui le composent (ici avec Sylvain Guintoli) participen­t du succès du team. 1
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