ROSARIO DAWSON LA MILITANTE POP
Incarnation brillante d’un féminisme sexy, la New-yorkaise joue avec humour une prostituée dominatrice dans Sin City 2. D’où lui vient cette gouaille énergique ? Portrait d’une actrice engagée qui n‘oublie pas ses racines. Par Toma Clarac
Dans sa robe graphique sortie d’une toile de Pollock, Rosario Dawson illumine le cinquième étage du Marrio! à Cannes. Alors que l’équipe de Captives, thriller enneigé d’atom Egoyan présenté en compétition et en salle le 7 janvier prochain, est réunie au complet pour une intense journée presse, elle s’avance vers nous avec ce!e allure singulière de riot girl sexy. Celle-là même qui lui permet d’endosser en toute légèreté l’uniforme cuir de Gail, la prostituée dominatrice et armée jusqu’à la gorge de Sin City 2 : « Jouer ce genre de personnages délirants est une bénédiction, confie-t-elle. Je n’aurais pas survécu dans ce métier en passant mon temps à me recoiffer et à minauder dans des comédies romantiques. » Cet esprit commando en a fait une de nos actrices préférées depuis qu’on l’a découverte en 1995 dans Kids, le premier long métrage de Larry Clark : « Ce film a transformé ma vie. Je suis extrêmement reconnaissante à Larry Clark et Harmony Korine (scénariste du film et réalisateur de Spring Breakers, ndlr) de m’avoir découverte. Sans eux je ne serais peutêtre jamais devenue actrice. » Rosario Dawson a 15 ans quand elle est repérée dans la rue à New York, non loin de son domicile. Jusque-là, elle n’a pas montré d’inclinaison particulière pour le jeu.
C’est après ce!e première expérience qu’elle suit des cours de théâtre. Gouaille latina, sourire rageur et tchatche gracieuse… Spike Lee l’embauche pour He Got Game (2000) où elle côtoie Denzel Washington et le baske!eur Ray Allen. En deux films, l’actrice s’impose comme une égérie street. Une sorte de « Rosie from the block » indé et authentique.
L’autre Manhattan Et pour cause, Rosario a grandi dans le Lower East Side, où elle a passé une partie de son enfance dans un squat. « J’ai vécu un temps dans un immeuble où il n’y avait ni l’eau courante, ni l’électricité. On y a emménagé quand j’avais 6 ans, raconte l’actrice. On a réussi à faire installer le minimum au bout de quelques mois. Avant, les autres occupants utilisaient des seaux comme toile!es. » La star ne verse pas dans le misérabilisme pour autant : « Malgré tout, j’ai eu la chance de grandir en plein coeur de Manha!an. D’ailleurs quand tu regardes ce qu’est devenu le quartier, le prix des loyers... À l’époque, des immeubles entiers étaient vendus pour une bouchée de pain. » Si l’expérience est formatrice, Rosario peine à définir précisément ce qu’elle en garde :
SIN CITY : J’AI TUÉ POUR ELLE, de Robert Rodriguez et Frank Miller avec également Josh Brolin, Jessica Alba, Bruce Willis, Mickey Rourke et Eva Green, en salle
« J’ai besoin de m’investir totalement dans mon métier, mais aussi dans mes activités sociales. Sinon, je serais rongée par un sentiment
d’imposture. »
« Disons que quand je voyage avec une association dans un coin un peu reculé d’afrique, par exemple, je ne suis pas affolée par le manque de confort. » La vie dans un squat lui a aussi permis de s’identifier à certains personnages qu’elle a interprétés, comme la flic coriace au passé de SDF de Captives. On est loin de Gail, « meneuse de revue furieuse » de Sin City 2 et Rosario Dawson apprécie le grand écart : « Je viens du cinéma indépendant. Enchaîner un film d’auteur après un blockbuster permet de retrouver une certaine sérénité. Le sentiment que les gens ne sont pas là uniquement pour l’argent. »
La « sénatrice » Quel que soit le budget du film, l’énergie débordante de l’actrice trouve un écrin rêvé dans des personnages de femmes fortes, qu’ils soient réalistes ou tout droit sortis d’un cartoon ultraviolent. Quentin Tarantino a traduit en langage pop son militantisme dans Boulevard de la mort (2007), où elle affronte avec son gang un psychopathe (Kurt Russell) qui s’en prend aux femmes dans sa Chevrolet Nova tunée. À la ville, cet aba"age très « girl power » se retrouve dans un investissement associatif de tous les instants : « Je suis une workaholic. J’ai besoin de m’investir totalement dans mon métier, mais aussi dans mes activités sociales. Sinon, je crois que je serais rongée par un sentiment d’imposture. J’ai grandi entourée de travailleurs sociaux. Un environnement solidaire où des gens pauvres aidaient d’autres gens pauvres. Ne pas profiter de ma position actuelle n’aurait aucun sens. » Un tel engagement préfigure-t-il dans l’avenir d’une carrière politique ? « J’ai été sollicitée à plusieurs reprises par des élus, reconnaît l’actrice, mais j’ai toujours décliné ces offres. Je crois que j’aurais du mal à demander aux gens de voter pour moi. » À 35 ans, elle a largement le temps de changer d’avis. D’ailleurs, ses amis l’appellent déjà « sénatrice ».
« J’ai vécu un temps dans un immeuble où il n’y avait ni l’eau courante, ni l’électricité. On y a emménagé quand j’avais 6 ans. Les occupants
utilisaient des seaux comme toilettes. »