GQ (France)

Le + Prudent Bertrand grébaut septime • Paris • france « les 50 Best, c’est juste une photo, à l’instant t, des tables qui marquent leur époque. » 50 Best, mode d’emploi

LE Business DES 50 BEST Gastón Acurio, CHEF

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pour faire découvrir des chefs internatio­naux. Les caméras de France 2 et de France 24 sont braquées sur le duo. Les chefs jouent le jeu, serrements de mains, accolades, à un moment, Alain Ducasse a même souri sans trop se forcer. Ces deux-là ont l’air de bien s’entendre, est-on tenté de se dire. 10000 kilomètres les séparent, mais ils partagent le même amour de la cuisine, qu’ils défendent à l’unisson. Quand on les interviewe séparément à l’issue du déjeuner, une autre histoire se dessine en filigrane. Le restaurant-amiral de Gastón Acurio, Astrid y Gastón, est classé 18e dans la dernière liste des 50 Best. Alain Ducasse, lui, n’y figure pas. En fait, seules cinq tables françaises ont été distinguée­s en 2014 : le Mirazur de Mauro Colagreco (11e), L’arpège d’alain Passard (25e), le Chateaubri­and d’iñaki Aizpitarte (27e), L’atelier Saint-germain de Joël Robuchon (31e) et L’astrance de Pascal Barbot (38e). « Le monde a changé, se réjouit Gastón Acurio. Avant, les cuisiniers ne rêvaient que de la France. Aujourd’hui, on valorise aussi d’autres cultures. » Le monopole tricolore a vécu. La respectabi­lité gastronomi­que se décentrali­se de Paris vers le reste du monde. Dans le rôle du croupier chargé de redistribu­er les cartes, le 50 Best, honni de l’establishm­ent français, célébré des challenger­s. « Vous n’imaginez pas l’importance que ce palmarès a pour notre pays », souligne le chef péruvien, ému. De leur côté, les pontes français snobent la cérémonie et se bouchent le nez à la seule évocation du prix. Alain Ducasse le premier: « On ne peut pas être juge et partie. Aussi ai-je toujours refusé de me joindre au panel de votants. » Foi de Ducasse, l’instrument de la nouvelle donne gastronomi­que serait-il aussi corrompu que le gibier faisandé de Magnus Nilsson ? À certains égards, oui.

une organisati­on opaque Évacuons d’emblée l’absurdité du contrat de départ: tester tous les restaurant­s du monde étant impossible, cela n’a aucun sens de prétendre en élire de manière objective les 50 meilleurs. D’ailleurs, qu’est-ce qu’un bon restaurant ? Là où le Michelin en délimite les contours (« qualité des produits », « maîtrise des cuissons et des saveurs », etc.), la direction des 50 Best assume l’absence totale de définition. « Donner des directives reviendrai­t à influencer le jury vers un style de cuisine, ce qui est précisémen­t ce que nous ne voulons pas, explique l’organisate­ur du classement, William Drew. Chacun est libre de choisir les restaurant­s qu’il veut, un étoilé ou une cabane de pêcheurs. » Voilà qui est sympathiqu­e, quoiqu’un peu flou, voire carrément opaque, quand on sait que la compositio­n du jury et le nombre de voix obtenues par chaque restaurant sont gardés secrets. Tout au plus connaît-on le nom des responsabl­es de régions, dont certains, comme Roser Torras, éveillent les soupçons. En charge de l’espagne, cette organisatr­ice d’événements culinaires s’occupe aussi des relations publiques d’une vingtaine de restaurant­s… Pour ne rien arranger, les votants ne sont pas tenus de fournir de justificat­ifs de paiement, ce qui sème le doute quant à leur indépendan­ce ou, pire, à la réalité de leur visite. Un chef votant pour un confrère dont il est proche le fait-il selon des critères d’amitié ou d’impartiali­té? « Bien sûr que je me pose la question, reconnaît Pascal

Le chef du bistrot prend les 50 Best pour ce qu’ils sont : un indicateur de tendance « absurde » et « ludique » qu’on aurait tort de diaboliser. Débarqué l’an dernier, y reviendra-t-il cette année ? Le monde est divisé en 27 académies géographiq­ues (France, italie, Moyen-orient, océanie…) regroupant chacune 36 électeurs. Chaque panel est composé d’un premier tiers de journalist­es, d’un deuxième tiers de chefs et de restaurate­urs, et d’un troisième de gastronome­s « jouissant d’une haute considérat­ion ». Leur identité est gardée secrète. seul le nom du responsabl­e de région est communiqué au public. Chacun des 972 électeurs dispose de 7 bulletins de vote, qu’il doit classer par ordre de préférence. il ne peut voter que pour trois restaurant­s situés dans sa région d’origine, et s’engage à avoir testé les restaurant­s dans les dix-huit mois précédant l’élection. il n’est tenu à aucun justificat­if, et les frais éventuels ne sont pas remboursés.

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