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LE Business DES 50 BEST ARNAUD Tillon, s. PELLEGRINO
Barbot, chef trois étoiles et membre récurrent du jury. Chaque année j’essaie de faire attention à ça. » Invités par les offices de tourisme à venir goûter la cuisine locale, les journalistes ne risquent-ils pas de favoriser les restaurants qui les ont arrosés ? « Nous ne communiquons pas l’identité des membres du jury, se défend William Drew. Même si nous le faisions, ce n’est pas parce qu’il est invité qu’un journaliste perd ses capacités de jugement. » Responsable des 50 Best pour la France, Andrea Petrini s’agace de ce « faux débat » : « Vous me voyez réclamer au chef Jean-françois Piège la facture du dîner qu’il a partagé avec sa femme lors de leurs dernières vacances en Australie ? » Oui. Pourquoi pas ? Puisque les votants sont bénévoles, argue William Drew, exiger des notes serait « trop leur demander ». Personne ne peut le prouver, pourtant nombreux sont ceux à affirmer que l’élection est truquée. Avec toute la mauvaise foi cocardière dont elle est capable, la France s’engouffre dans la brèche. « Le vote est faussé à partir du moment où une marque a des intérêts économiques dans l’opération », estime Alain Ducasse. « L’organisation réajuste les votes à la grosse louche en fonction des intérêts économiques de la marque », croit savoir le rédacteur en chef du site d’information Atabula, Franck Pinay-rabaroust. La « marque » ? Le fabricant d’eau gazeuse italien S. Pellegrino, filiale de Nestlé, qui sponsorise le classement depuis ses débuts. Présente dans plus de 140 pays à travers le monde, S. Pellegrino a fait de la gastronomie son univers de prédilection – en France, qui représente l’un de ses deux principaux marchés, 58 % des ventes sont réalisées dans la restauration. En soutenant les 50 Best, la marque donne envie aux gens d’aller au restaurant (où ils commanderont peut-être de la S. Pellegrino) et se fait connaître à travers le monde. De nombreux antis « San Pé » la soupçonnent de manipuler les votes de façon à privilégier des chefs amis, ou installés dans des pays dont elle souhaite investir le marché.
cuisine et manigances Rencontré le 8 mars dernier sur le festival Omnivore (sponsorisé par Badoit), le cuisinier Thierry Marx s’emporte : « Les 50 Best, je m’en fous. La seule fois qu’on m’en a parlé, on m’a dit: “Toi, tu soutiens Badoit, tu n’as aucune chance de figurer sur la liste”. » Le chef Édouard Loubet, du domaine de Capelongue, dans le Luberon, est tellement persuadé que le palmarès est une entreprise « commanditée contre la France » qu’il appelle ses confrères au boycott de la marque, sous prétexte que « si S. Pellegrino n’est pas capable de savoir qu’il y a des grands chefs en France, elle ne mérite pas d’avoir ses bouteilles sur nos tables ». Arnaud Tillon, responsable France de S. Pellegrino, rétorque: « Nous ne comprenons pas pourquoi la critique se retourne contre nous. Nous ne sommes qu’un sponsor. À ce titre, nous n’intervenons pas dans le choix des restaurants. » En 2012, S. Pellegrino a fait enlever son nom de l’événement de façon à ne plus apparaître en première ligne. Elle envisagerait aujourd’hui de se retirer. « Nous avons une fois de plus fait remarquer à l’organisation que le manque de transparence de leur méthodologie nous posait un problème sur le marché français. Nous espérons qu’ils vont s’y attaquer à bras-lecorps. » Sans quoi le contrat, qui arrive à échéance cette année, ne sera pas renouvelé ? « Aucune décision n’a été prise à ce jour. » Sourire hâbleur et poignée de main facile, Philippe Faure prend visiblement plaisir à occuper son poste de président délégué du Conseil de promotion du tourisme. Ancien ambassadeur de France au Mexique et au Japon, le sexagénaire a aussi été le propriétaire du guide Gault-millau. Il garde de ces années passées à frayer avec les huiles une vision légèrement pompeuse de la cuisine française. « Toutes proportions gardées, la gastronomie est à la France, ce que l’église est au Vatican », dit-il. En octobre, le Conseil qu’il préside a rendu un rapport composé de « 20 mesures pour 2020 en faveur de la gastronomie française » dont le ton outragé confine par endroits au tragicomique. « S’il (le classement des 50 Best, ndlr) confirme que la planète entière s’intéresse à la cuisine, peut-on y lire, ce dernier laisse à la France une place qui n’est pas la sienne alors même qu’il est clairement influencé par les industriels qui le subventionnent. »
la botte secrète française La guerre des fourchettes est déclarée. Sur le continent, les chefs de France, représentés par les vénérables Alain Ducasse, Guy Savoy, Georges Blanc, Guy Martin et Guy Job (partenaire de Joël Robuchon), nommés rapporteurs du texte. De l’autre côté de la Manche, William Reed Business Media, propriétaire de la revue Restaurant. D’après une source diplomatique française, le groupe anglais toucherait des chèques de la part de différents gouvernements en échange de l’organisation dans leur pays des deux déclinaisons régionales des 50 Best – les Asia’s 50 Best et les Latin America’s 50 Best.
s’installer dans un pays peu réputé pour sa gastronomie.
ne cuisiner que des produits bizarres cueillis ou chassés à moins de 100 km.
Défendre une cuisine cérébrale.
ne pas excéder
20 couverts.
Pratiquer des prix chers.
se montrer aux grands événements
culinaires.
Cultiver un look
singulier.