Sport ENTERTAINMENT
Thomas Thouroude « “Le Before”, C’est du pur “infotainment” et J’adore ça. Le mélange entre L’info et La déconne, C’est exactement Ce que J’ai Toujours VOULU faire. »
le « laboratoire » dans les couloirs, tant ce JT de la pop culture offre un terrain de jeux aux jeunes talents repérés par la chaîne (Nora Hamzawi, Camille Cottin…). « J’ai toujours rêvé de travailler à Canal. Quand j’étais gamin, je regardais tous les soirs “Nulle Part Ailleurs”.» C’est beau comme un plan com’. Car Thouroude, c’est un peu l’employé du Mois. Presque trop lisse, si une vanne ne sortait pas de sa bouche toutes les dix secondes. Un style qu’il a rodé à la rédaction d’infosport où, à 22 ans, il a pris la liberté de sortir du commentaire classique pour y apporter une touche de fantaisie. Risqué, mais Thouroude sait en imposer. Après un bac sports-études et l’école Sport Com de l’insep (Institut national du sport de l’expertise et de la performance), il a continué à jouer au rugby en compétition au PUC, puis au Racing. Il débarque régulièrement aux conférences de rédaction le nez fracturé et l’arcade sourcilière ensanglantée. « Il n’a jamais eu peur de prendre des coups. Il était trèssympa mais fallait pas l’emmerder », raconte le journaliste Xavier Macaire, avec lequel il a commencé. Sila rubrique sports est un bon tremplin, on peut aussi y finir « cornerisé ». Ses collègues sentent vite que cela ne sera pas son cas. « On a toujours su qu’il ne resterait pas aux sports, poursuit Xavier Macaire. Entre nous, on se disait qu’un jour, il présenterait le “Grand Journal”! » Quand Pierre Fraidenraich est nommé directeur général d’i-télé, en 2008, il propulse Thouroude animateur de la matinale. Place aux scandales politiques et aux grèves des cheminots. « C’était une grosse prise de risques pour moi mais les défis, ça a toujours été mon moteur. Et puis je suis journaliste, pas seulement journaliste sportif! », affirme Thouroude. Reste que c’est plus l’ivresse du direct que la passion du hard news qui l’a poussé à rejoindre i-télé. Un virus chopé lors des premières piges à Radio France Normandie pour ce garçon qui a grandi dans la région de Caen. En 2010, Canal lui confie les clés de la sacro-sainte « Équipe du dimanche », inventée par Thierry Gilardi, (décédé en 2008), et longtemps présentée par le très appliqué Hervé Mathoux aujourd’hui aux commandes du « Canal Football Club ». Le ton et la pêche de Thouroude secouent les moeurs d’une rédaction qui prend d’ordinaire la chose du foot très (trop?) au sérieux, se méfiant du mélange des genres à l’heure des grands rendez-vous hebdomadaires. Une posture à contre-courant du fameux esprit Canal que l’anglais Darren Tulett, avec ses chemises extravagantes, ses références pop et ses jeux de mots foireux, est alors le seul à incarner. L’arrivée du « sportainement » est en cela un événement dans l’histoire de la chaîne.
Esprit troisième mi-temps C’est justement parce que « L’équipe du Dimanche » est tournée en direct qu’il a accepté, deux ans plus tard, de revenir au service des sports. L’idée de Cyril Linette, le patron des Sports de Canal, était de s’inspirer des late shows américains pour annoncer les résultats sportifs du week-end sur un mode décalé. L’émission tient sur la personnalité de Thouroude et, surtout, sur cette façon de balancer à l’antenne les blagues foireuses que les supporters s’échangent entre eux – du genre «Bobby Zamora a la moutarde qui lui monte au nez», ou « Maintenant, direction le pays où les tacles par-derrière sont des gestes techniques! », pour annoncer les résultats du championnat anglais. Les premières semaines, Thouroude fait face à la grogne des puristes. Il laisse passer l’orage. Aujourd’hui, il relativise: « Quand on prend des risques, il faut assumer de déplaire.» C’est avec ce même flegme qu’il a accueilli les vacheries lancées il y a quelques mois par la bande de Cyril Hanouna dans « Touche pas à mon poste » au sujet des mauvaises audiences du « Before ». Réponse de l’intéressé : « Leur émission critique la télé, ils me critiquent, c’est normal. Et tant mieux pour eux si ça les fait marrer. » Reste qu’hanouna a raison sur un point: avec 300 000 spectateurs en moyenne, le « Before » n’est pas un succès d’audience. D’autres animateurs, moins chouchoutés par la direction, auraient certainement été éjectés avant la fin de la première saison. Mais Renaud Le Van Kim, producteur du show, l’assure: « La spécificité de Canal, c’est que les audiences ne sont pas le nerf de la guerre. C’est une chaîne à péage alors, ce qui compte, c’est l’indice de satisfaction des abonnés. » Une chose est sûre: aux commandes du « Before », le petit protégé des patrons a eu l’espace pour peaufiner le sien. Dans ce show à l’américaine, où il balance des vannes et embarque ses invités dans des sketchs très écrits, il est parfaitement à l’aise. « C’est du pur “infotainment” et j’adore ça. Le mélange entre l’info etla
déconne, c’est exactement ce que j’ai toujours voulu faire », explique-t-il. Là où d’autres auraient évoqué un emblématique présentateur du journal de 20 heures, histoire d’asseoir une crédibilité journalistique, Thouroude, lui, assume son amour du divertissement. Avec une indéniable confiance en lui, il balance : « La bienveillance de Gildas, l’humour de De Caunes, l’inventivité d’ardisson, l’énergie de Nagui, l’aplomb de Denisot : j’ai pris un petit quelque chose de chacun d’eux. » On a du mal à le croire quand il affirma n’avoir « jamais rêvé d’être animateur télé ». Certes, avec une telle tchatche, il aurait fait un excellent vendeur de voitures : noyant son interlocuteur sous un flot de paroles, entrecoupant son discours d’éclats de rire, de grimaces de cartoon et d’onomatopées, il persuaderait sans problème un père de famille de craquer son PEL pour un cabriolet. Mais c’est à la télé qu’il a trouvé son élément naturel. Pilier des fêtes de Canal, il y a apporté un esprit très « troisième mi-temps de rugby » à base de défis débiles, de chansons paillardes et de blagues potaches pour mettre en boîte les collègues. Ses potes d’infosport l’imaginaient présenter la grandmesse de la chaîne. Pense-t-il, le matin en se rasant, à prendre la place d’antoine de Caunes? « Je n’ai jamais eu de plan de carrière. J’ai toujours saisi les opportunités qui se présentaient », affirme-t-il. En attendant les prochaines opportunités qui ne manqueront pas de se présenter, Thomas Thouroude, présent à Cannes avec l’équipe du « Grand Journal », reste fidèle à son slogan du moment: « Be cool, Before ! »