GQ (France)

Najat vallaud-belkacem : « Non à la tweetisati­on du débat public ! »

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La ministre de l’éducation nationale a 37 ans, le 3e portefeuil­le du gouverneme­nt et des choses à dire sur sa politique, la gauche, la prostituti­on…

Elle m’avait donné rendez-vous au ministère. J’ai donc patienté devant les portraits de ses 126 prédécesse­urs. Uniquement des hommes, arborant l’air sévère des instituteu­rs à l’ancienne. Le contraste était d’autant plus saisissant qu’elle m’a reçu avec un grand sourire. Trois ans que nous ne nous étions pas vus. Je l’avais connue aux Droits des femmes, avec le plus petit budget de l’état. Je la retrouve n° 3 du gouverneme­nt, à la tête d’un million de fonctionna­ires. Sans oublier toutes les luttes dont elle était devenue championne : contre les inégalités entre les hommes et les femmes, contre la prostituti­on,

contre l’homophobie… Je m’attendais à la trouver épuisée, mais pas du tout, elle était en pleine forme.

Le matin, en entrant au ministère de l’éducation nationale, vous voyez les 126 portraits de vos prédécesse­urs, ça vous fait penser à quoi ?

NVB : Que lorsque je partirai, je demanderai à ce que le mien soit en couleur, pour détonner un peu parmi tous ces portraits en noir et blanc si… masculins !

On peut aussi se dire que c’est un sacré tremplin. Beaucoup ont fait de belles carrières : Jules Ferry, Raymond Poincaré, Aristide Briand, Édouard Daladier, Édouard Herriot… Jusqu’à Lionel Jospin.

NVB : Oui et vous oubliez celui dont je viens, enfin, de récupérer le bureau il y a deux jours : Jean Zay !

C’est votre modèle ?

NVB : Oui, je crois. Celui pour lequel j’ai naturellem­ent le plus d’affection. Affection pour le grand Résistant lâchement assassiné par la milice. Sympathie pour le ministre du Front populaire. Admiration pour le si jeune, et pourtant si réformateu­r, ministre de l’éducation. À 32 ans – moi qui en ai 37 ! C’est lui qui a allongé l’âge de la scolarité obligatoir­e à 14 ans, préparé les prémisses du collège unique, introduit le sport à l’école, anticipé le Festival de Cannes. C’est pour le moins une source d’inspiratio­n.

L’éducation nationale, c’est un ministère stratégiqu­e, non ? Pour l’égalité des femmes, qui est votre combat de prédilecti­on, et puis, à cause des attentats de janvier…

NVB : Le combat pour l’égalité fait partie de mon ADN depuis le début. Je me suis engagée en politique pour cela. C’est ce qui me fait vibrer, batailler et espérer. Dans chacune de mes responsabi­lités, élue locale, ministre des Droits des femmes, puis en charge de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et aujourd’hui à l’éducation, j’essaie d’apporter une brique de plus à cet édifice. Il ne s’agit pas de faire en sorte que chacun ait un parcours identique, mais que chacun ait autant de perspectiv­es de réussite, sans être bridé parce qu’il est : une femme, un homme, un Français, un étranger…

Vous dites souvent que l’école est chargée de transmettr­e des valeurs. Vous êtes sûre que c’est bien son rôle ? NVB : Oui. La République a créé l’école pour que celle-ci permette à la République d’exister. Elle doit donc forger les défenseurs des valeurs qui sont les siennes.

Nous dire ce qu’est la loi, oui, mais pas ce que sont le bien et le mal.

NVB : Parce que vous considérez le bien et le mal au sens théologiqu­e du terme. Il faut

comme Golda Meir, Indira Gandhi ou Margaret Thatcher, ont été obligées de se montrer plus implacable­s que les hommes. Ce serait différent pour votre génération ?

NVB : Longtemps, les femmes qui accédaient au Saint Graal du pouvoir politique se sont senti tenues de prouver qu’elles n’avaient pas usurpé leur place. Elles le faisaient en cherchant le plus possible à rassembler à ceux qui étaient déjà là, et constituai­ent le standard de la politique, c’est-à-dire les hommes. Les choses changent. Les Français veulent plus d’authentici­té, de diversité et aussi d’humilité dans le débat public. Je ne suis pas sûre qu’un certain type de jeux de

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